

Les derniers épisodes ont encore complexifié une discussion désormais réduite à des symboles.
Vous êtes peut-être amateur de séries télé, et vous l'avez constaté : il vient souvent ce moment où vous décrochez parce que l'intrigue devient trop compliquée.
C'est ce qui est en train de se passer pour la réforme des retraites. Pourtant le scénario initial est assez simple. Dans la langage d'une série cela donnerait ceci :
"Emmanuel et Edouard veulent tout changer. Mais ça ne plaît pas à Philippe, qui fronce les sourcils, et pas non plus beaucoup à Laurent, qui veut changer oui mais pas comme le veut Edouard."
Sauf que le fil de la narration s'est transformée en pelote indébrouillable ces derniers jours. Impossible d'en trouver le bout.
Résumons : L'âge pivot est retiré, mais seulement provisoirement pour ce qui concerne la période jusqu'à 2027. Et les partenaires sociaux doivent lui trouver un substitut qui ne soit ni une hausse des cotisations, ni une baisse des pensions. Ouf !
Le plus amusant - ou le plus désespérant - dans tout ça, c'est que cette réforme devait rendre le système "plus lisible", "plus simple", "plus clair".
Or, si quelqu'un a compris, c'est qu'on lui a mal expliqué. Ou alors ceux qui ont saisi l'intégralité de la manœuvre mériteraient déjà des points pénibilité pour le futur système.
Pourquoi le gouvernement laisse-t-il s'installer une telle confusion ?
C'est la déclinaison du célèbre théorème attribué à Charles Pasqua :
« Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien ».
L'ancien ministre de l'Intérieur parlait bien sûr des affaires judiciaires, mais ce théorème peut aussi bien s'appliquer aux réformes.
"L'affaire dans l'affaire" c'est l'équilibre financier ; et "l'affaire dans l'affaire de l'affaire", c'est l'âge-pivot.
Or, si l'on simplifie, où en est-on ?
1 – le gouvernement n'a pas bougé sur le système à point. Il a simplement conservé des départs anticipés pour certaines professions, dont les policiers, les militaires et les personnels aériens.
2 – Le gouvernement a retiré l'idée de l'âge-pivot, mais ne s'interdit pas de le réintroduire, si le dialogue entre patronat et syndicats n'aboutit pas à des mesures d'économies équivalentes.
La jurisprudence montre, et ce n'est pas surprenant, qu'il y a rarement un accord sur ces questions. D'autant quand la discussion est déjà bornée par des tabous, on l'a dit, pas de hausse des cotisations ni de baisse des pensions.
Cela revient à lâcher quelqu'un dans un labyrinthe, lui dire qu'il est libre d'aller où il veut, tout en précisant que chacune des sorties sont murées sauf une. En en mot, "libre d'emprunter le seul chemin possible".
Le calendrier électoral n'est pas étranger à tout cela...
Non. En affirmant qu'il lâche du lest, Edouard Philippe espère un mouvement de l'opinion en faveur du gouvernement. Une lassitude à l'égard de syndicats dépeints comme d'immobiles contestataires.
Mais hier soir sur France 2, le Premier ministre a aussi voulu répondre à la droite, qui accuse l'Exécutif de faiblesse et de laxisme :
"Dire qu'il n'y a pas de réforme, alors que nous allons supprimer les régimes spéciaux - ça fait longtemps qu'on en parle - nous allons les supprimer !"
A deux mois des municipales, s'agit de ne pas déplaire à l'électorat de droite et de centre-droit qui constitue depuis les européennes le cœur des votants pour La République en Marche. Fermeté et ordre, aussi, quand Edouard Philippe est interrogé sur des soupçons de violences policières :
"Aucun responsable politique ne peut dire que [ces images] sont acceptables. Ce que je veux dire c'est que leur métier est difficile. Donc exigence totale [pour les forces de l'ordre], mais solidarité et confiance".
Exigence et soutien aux policiers : ce fut finalement hier soir le seul message parfaitement limpide.
Frédéric Says
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