La saison des remaniements est ouverte

Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics, veut s'imposer comme l'un des hommes forts de "l'acte III" du quinquennat.
Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics, veut s'imposer comme l'un des hommes forts de "l'acte III" du quinquennat.  ©AFP - Thomas Coex
Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics, veut s'imposer comme l'un des hommes forts de "l'acte III" du quinquennat. ©AFP - Thomas Coex
Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics, veut s'imposer comme l'un des hommes forts de "l'acte III" du quinquennat. ©AFP - Thomas Coex
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Y aura-t-il un remaniement pour incarner la relance, après la crise ? En tout cas, depuis ce week-end, les prétendants à Matignon s'activent...

De la même manière que le printemps est annoncé par le vol des hirondelles, un remaniement à venir s'observe par un phénomène naturel récurrent : l'envol des premiers ministrables.  

Ils pressentent l'arrivée d'un changement du cap politique, de l''équipe ministérielle et comptent bien en être.  

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Alors ils s'ébrouent à la une de la presse, persuadés que le moment est propice pour avancer leurs pions.  

Et nous venons d'entrer dans l'une de ces périodes.  

Il suffit de regarder la une du Journal du dimanche, hier, pour s'en convaincre. L'on y voit le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, le regard au loin, la posture avantageuse.  

Et ce titre, pour qui n'aurait pas compris : « l'offensive Darmanin ». 

Dans les pages intérieures, celui qui règne sur le budget de l’État justifie sa propre action pendant la crise  - les dépenses publiques liées au chômage partiel étaient nécessaires, explique Darmanin -, mais il s'écarte aussi de ses attributions ministérielles pour lancer des propositions.  

Il plaide par exemple pour une extension de la participation des salariés dans l'entreprise, « grande idée gaulliste », dit-il.  

Certes, mais c'est un domaine du ressort du ministère du Travail et de celui de l'Economie. Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire apprécieront...

Gérald Darmanin prend tout de même soin, dans cette interview, de citer le Premier ministre et le ministre de l'économie....

Oui, même s'il y met les formes, cet entretien ressemble par petites touches à un début de discours de politique générale, de ceux que prononce le chef du gouvernement au parlement. Ou au minimum à celui d'un super-ministre, doté d'un très large portefeuille.   

Alors qu'Emmanuel Macron a promis des « décisions de rupture » dans les prochaines semaines, Gérald Darmanin tente de montrer qu'il est l'homme idoine pour un tournant politique post-crise sanitaire.  

Un tournant social, où il faudra compter avec un chômage en hausse, une croissance en baisse et une méfiance avivée envers les élites.  

Lui se décrit dans le journal en "petit-fils d'immigré", "fils d'une femme de ménage", "maire d'une ville populaire", Tourcoing.  

Incontestablement, Gérald Darmanin a su se rendre précieux à Emmanuel Macron, dans un gouvernement où peu de ministres ont su éviter les bourdes.  

C'est d'ailleurs sans doute pour cela que le jeune élu est autorisé à cumuler son poste de ministre et sa fonction de maire. Alors même que la règle édictée par le gouvernement proscrivait ce cumul.  

Cette entorse à la règle en rappelle une autre, sous Jacques Chirac, en 2004. L'interdiction d'être à la fois ministre et patron d'un parti politique, en l'occurrence l'UMP : 

"Personne n'est obligé d'être ministre ! J'entends que chacun exécute. (...) Et je m'opposerai donc à tout ce qui nous ferait retrouver aujourd'hui ces logiques politiques avec un "petit p". Chaque chose en son temps". 

Et quelques mois plus tard, le ministre Nicolas Sarkozy cumulait sa fonction avec la présidence de l'UMP.  

Il avait su rendre indispensable sa personne... et dispensable le respect des règles.  

C'est ce qu'on appelle le rapport de forces. Même si rien ne dit qu'Edouard Philippe quittera Matignon avant 2022. 

Mais Gérald Darmanin n'est pas le seul à lancer sa campagne médiatique. Après Bruno Le Maire qui a multiplié les interviews et les portraits sur sa gestion de la crise, François Bayrou se montre lui aussi très présent.  

Le président du Modem ne perd pas une occasion de rappeler qu'il est maire de Pau (sous-entendu : "proche du terrain"), donc le profil idéal pour incarner une relance plus humaine et moins centralisée.  

Et si ce bal des prétendants commence maintenant, ce n'est pas un hasard...

On connaît tout juste la date des élections municipales, fin juin. Le calendrier s'est éclairci, c'est le moment d'entrer dans la course.  

Mais au-delà des jeux de personnes, il est intéressant de constater une chose.  

Ces trois "premiers-ministrables", comme l'on dit (Bayrou, Darmanin, Le Maire), ont des différences de parcours, mais ils présentent une caractéristique commune :  

ils ont tout trois mené une carrière essentiellement politique, depuis leur plus jeune âge.  

Or, l'une des promesses d'Emmanuel Macron, c'était justement d'amener la société civile à prendre des responsabilités. Ce qui d'ailleurs fut fait, au gouvernement, comme à l'Assemblée.  

Mais force est de constater que les professionnels, que les élites, que les "huiles" de la politique sont toujours là, et en réalité, plus puissants que jamais depuis le début du quinquennat.  

Le gouvernement de 2017 était un mélange audacieux, entre ces "pros" et des ministres novices.

Un mélange passablement secoué par les épreuves, et qui a régulièrement tourné vinaigre.  

Et chacun le sait, en politique comme ailleurs, quand on secoue un mélange, c'est "l'huile" qui remonte à la surface.  

Frédéric Says