La vie politique et la "vraie vie" : deux mondes parallèles ?

En 2012, lors d'un meeting de Jean-François Copé, candidat à la présidence de l'UMP (ex-LR), un militant lui offre un pain au chocolat
En 2012, lors d'un meeting de Jean-François Copé, candidat à la présidence de l'UMP (ex-LR), un militant lui offre un pain au chocolat ©Maxppp - PHOTOPQR / LE COURRIER DE L'OUEST
En 2012, lors d'un meeting de Jean-François Copé, candidat à la présidence de l'UMP (ex-LR), un militant lui offre un pain au chocolat ©Maxppp - PHOTOPQR / LE COURRIER DE L'OUEST
En 2012, lors d'un meeting de Jean-François Copé, candidat à la présidence de l'UMP (ex-LR), un militant lui offre un pain au chocolat ©Maxppp - PHOTOPQR / LE COURRIER DE L'OUEST
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De l'utilisation de la "vie réelle" dans le discours politique.

Vraie vie ou vie politique ? On oppose parfois les deux, comme s'il s'agissait de deux mondes parallèles. Il est vrai que certains responsables publics semblent tout faire pour renforcer cette théorie. Ainsi, les cris d'orfraie d'une partie des députés qui doivent désormais présenter des notes de frais. Exemple : Stéphane Le Foll, agacé, hier sur BFM TV : 

"Tout à l'heure, j'ai pris un café. Même le cafetier m'a dit : 'il ne faut pas oublier votre facture monsieur le ministre, maintenant faut vous justifier'... Je lui ai dit 'ben oui, donnez-moi la facture'. On se trimballe [avec des justificatifs]..."

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La vision de l'ancien ministre est bien sûr moins caricaturale, il se dit favorable au principe de transparence. Mais comment comprendre cette réaction, quand que des millions de salariés doivent chaque mois justifier leur frais. "Bienvenue dans la vie réelle", est-on tenté de dire à Stéphane Le Foll.

Cela dit, ces mesures dite de transparence posent plusieurs questions : vont-elles vraiment rétablir la confiance dans la vie politique ? Ou au contraire la fragiliser encore un peu plus, en révélant aux yeux du grand public des avantages qu'il ignorait ?

Récemment, l'ancien ministre Louis Mexandeau s'est indigné de devoir payer son billet de train. Cet exemple individuel a généré presque autant d'articles que la réforme des notes de frais. Quelle information restera dans la tête des citoyens ? Laquelle des deux fera l'objet de discussions en famille au moment des fêtes ? 

Il y a quelques années, un producteur de téléréalité avait eu cette idée géniale : inviter un politique à passer 48 heures dans la "vraie vie" de "vraies gens". Jean-François Copé avait accepté l'exercice. Il fut stoppé in extremis, avant le tournage, par Jean-Pierre Raffarin. Le premier ministre était inquiet que l'expérience ressemble moins à « Vis ma vie », qu'à « rendez-vous en terre inconnue ». Des années plus tard, l'épisode du prix du pain au chocolat ("10 ou 15 centimes ?") lui a rétrospectivement donné raison. 

La "vraie vie" est parfois aussi invoquée comme joker par les responsables politiques... 

Dans les jeux télé, il y a l'appel à un ami ; dans les interviews politique, il y a l'appel à la vraie vie. Une question de journaliste vous met mal à l'aise ? Prenez un air outré et décrétez que la polémique ne correspond pas à "ce qu'attendent les Français, sur le terrain". Exemple avec Christian Estrosi à qui l'on demandait si son cœur penchait vers Emmanuel Macron ou vers Laurent Wauquiez : 

"Tout cela c'est de la tambouille politicienne... Moi je ne suis pas dans l'immédiateté. Je regarde une ligne d'horizon à long terme. Ce qui compte d'abord, c'est quand même les Français". (Radio Classique)

Si l'on prend du recul, les interrogations sur les privilèges des élus n'est pas nouvelle. La question n'est d'ailleurs pas seulement "pourquoi ces privilèges ne sont plus acceptés par l'opinion publique", mais : pourquoi ils l'étaient auparavant.

Est-ce parce qu'il régnait une information plus corsetée ? Ou bien parce que les citoyens n'avaient pas la même curiosité ?  Est-ce parce qu'ils manifestaient une plus grande estime pour leurs élus ? 

La grande tondeuse à privilèges ne risque-t-elle pas de raser trop court ? Ou à côté ?

Autre question : où s'arrête la machine ? La grande tondeuse à privilèges ne risque-t-elle pas de couper trop court ou à côté ? Exemple : qui jugera de la pertinence de telle ou telle dépense ? Pourquoi cette invitation à déjeuner ? Et ce costume, n'est-ce pas déjà le cinquième cette année pour le député ? Et puis a-t-il vraiment besoin de prendre le train, là ou un covoiturage suffirait ? 

Mais la complainte de certains députés face à ces notes de frais pose une question plus philosophique : les représentants du peuple doivent-ils vivre comme le peuple ? Ou en tout cas, pas mieux que la moyenne des citoyens ? Cela nous fait penser à cet engagement de François Ruffin, député insoumis, qui avait promis de se payer au SMIC... et qui déchante un peu depuis : 

"J'ai 1.200 euros qui me sont versés tous les mois sur mon compte courant. Le reste va à des associations (...) Je sais que je tape dans ma trésorerie ; honnêtement je peux vivre avec le SMIC, mais quand vous êtes en déplacement régulier sur Paris, que vous avez deux enfants... il y a des frais supplémentaires. Je pense que j'aurais mieux fait de dire "le salaire médian". La prochaine fois - s'il y a une prochaine fois -, je demanderai un relèvement de mon traitement ! (rires)" (dans les Matins de France Culture jeudi dernier)

Où l'on voit que la vraie vie et la vie politique, par delà les slogans, ne sont pas toujours absolument compatibles.   

Frédéric Says

L'équipe