Laurent Wauquiez, ou le grand rouge qui tache

Laurent Wauquiez, le 14 décembre 2015
Laurent Wauquiez, le 14 décembre 2015 - François Lafite / Maxppp
Laurent Wauquiez, le 14 décembre 2015 - François Lafite / Maxppp
Laurent Wauquiez, le 14 décembre 2015 - François Lafite / Maxppp
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Le n°2 du parti Les Républicains, présenté comme "l'un des meilleurs de sa génération", a su se hisser très vite parmi ceux qui comptent à droite. Mais de quoi son ascension est-elle révélatrice ?

La phrase claque, au détour d'une interview dans Libération hier : "il faut supprimer la Commission européenne". Pourquoi ? "Parce qu'il ne faut pas laisser l'initiative législative à une structure administrative", argumente Laurent Wauquiez. Pour sortir de la crise européenne, supprimer la Commission : personne n'avait encore fait cette proposition, il suffisait d'y penser.

Certes, le numéro 2 du parti Les Républicains a pris l’habitude de se faire remarquer. A 41 ans, dans son éternel manteau rouge, il est devenu président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, à l'issue d'une campagne menée sans excès de finesse. De sa haute taille, adepte d’une certaine brutalité, il est le fils qu’auraient pu avoir Jacques Chirac et Georges Frêche, l’ancien maire de Montpellier, qui disait « à chaque fois que j’ai essayé de faire une campagne intelligente, j’ai perdu ».

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Laurent Wauquiez, lui, gagne… Il fut même l'un des candidats de droite les mieux élus aux régionales, après s'être fait connaitre il y a quelques années en dénonçant "le cancer de l’assistanat".
En 2015, juste après les attentats, en pleine campagne, il avait réclamé l’enfermement préventif de tous les suspects fichés S. Il avait aussi promis l'installation de portiques de sécurité dans tous les lycées de la région. Et tant pis si vous l'accusez de surfer sur la peur. Il vous répondra que vous êtes un bobo, un journaliste parisien, un membre de l'élite et de l'entre-soi. Tous ces termes étant bien sûr interchangeables.

Cela dit, une fois au pouvoir, il a dû rétro-pédaler, et faire installer de simples tourniquets à l'entrée de quelques établissements. Peu importe, Wauquiez a retenu et appliqué la méthode que Nicolas Sarkozy appelle « le gros rouge qui tache ». Cliver, caricaturer et au besoin ensuite reculer.

Laurent Wauquiez est donc aujourd'hui n°2 des Républicains, député, président de région... De quoi son ascension est-elle révélatrice ?

D'abord de la droitisation ; Laurent Wauquiez est entré en politique dans la sillage du centriste Jacques Barrot. Mais il a vite compris qu'un vaste réservoir de voix se trouve aux confins de la droite et du FN, comme l'illustrent les résultats électoraux de ces quinze dernières années, et les enquêtes sur les idées et les valeurs des électeurs.

Il y a ensuite la prégnance du sentiment anti-élite. Wauquiez, élu de Haute-Loire, l'a repris à son compte. On ne peut pourtant s'empêcher de sourire en regardant son CV - sourire ou soupirer, d'ailleurs : ENA, Normale Sup, agrégation d'Histoire, issu d'une grande famille industrielle. Il n'est pas anodin de constater que Laurent Wauquiez, comme Bruno Le Maire d'ailleurs, donnent le sentiment d'expier cette appartenance de fait à l'élite qu'ils dénoncent.

Enfin, l'émergence de Laurent Wauquiez dit quelque chose du système médiatique. Dans le flot ininterrompu des déclarations politiques (interviews, communiqués, confidences...), rendre son propos audible est de plus en plus difficile. Dans cette confusion généralisée, démultipliée par la caisse de résonance des réseaux sociaux, seuls les propos les plus caricaturaux demeurent à la surface. Voilà pourquoi, malheureusement, le gros rouge qui tache a de l'avenir.

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