Législatives : les deux temps de l'analyse

Le deuxième tour des élections législatives aura lieu le dimanche 19 juin.
Le deuxième tour des élections législatives aura lieu le dimanche 19 juin. ©AFP - Thibaud Moritz
Le deuxième tour des élections législatives aura lieu le dimanche 19 juin. ©AFP - Thibaud Moritz
Le deuxième tour des élections législatives aura lieu le dimanche 19 juin. ©AFP - Thibaud Moritz
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Un succès électoral peut en cacher un autre.

Il y a deux manières de voir les résultats d’hier soir. Deux focales, qui ne donnent pas la même vision. 
Commençons par le temps court.
A l’échelle de ces toutes dernières années, c’est une victoire indubitable pour la gauche. Et même un petit miracle.

Qui eut crû, il y a encore un an, que la gauche rassemblée disputerait la première place à la majorité présidentielle ?

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A l’époque, Jean-Luc Mélenchon - échaudé depuis son départ du PS - fustigeait l’idée d’une alliance avec d’autres partis. Avec un air de dégoût, il appelait ça la “soupe de logos”.

Il y a trois mois, les écologistes (par la voix de leur candidat, Yannick Jadot), accusaient les Insoumis d’être trop proches de Poutine et pas assez des Ukrainiens.

Il y a deux mois, Olivier Faure dénigrait la retraite à 60 ans voulue par la France insoumise. Trop cher, estimait le premier des socialistes.

Sans oublier les récentes différences de fond, entre insoumis et communistes, particulièrement sur le nucléaire et sur la police.

Bref, la gauche et les Verts reviennent du diable-vauvert.

La bannière commune a recouvert ces différends et ces différences. La NUPES se qualifie pour le second tour dans 372 circonscriptions. Elle met en difficulté des ministres, Amélie de Montchalin, Clément Beaune, Stanislas Guérini. Hier soir, sur cinq députés élus dès le premier tour, quatre sont issus de la coalition de gauche.

Pour le quinquennat qui s’ouvre, la NUPES deviendra - au minimum - la première force d’opposition. Sur le temps court de l’histoire électorale, c’est plus qu’une remontée, c’est un succès.

Sur le temps long, le constat est un peu différent…

Dézoomons et observons les résultats de ces dernières décennies, lors du premier tour des législatives.

En pourcentage, pour les forces de gauche, ce fut hier soir le deuxième plus mauvais résultat depuis l’Après-guerre.

Avec 26% des suffrages, la NUPES fait un peu mieux qu’il y a cinq (quand on additionne le score des insoumis, des communistes, des socialistes et des écologistes).

Mais c’est en recul par rapport à juin 2012, où la gauche dépassait 40% des voix. Moins bien aussi qu'en 2007, 2002, 1997 et même... 1993, cette année noire pour la gauche, submergée par une vague bleue. Il n’empêche. Elle rassemblait à l’époque plus de 35% des suffrages.

Bien sûr, la particularité de 2022 tient aux accords électoraux NUPES, qui grâce à la bannière commune, évite de disperser les voix. La gauche a donc remisé ses pulsions autodestructrices, mais sur le temps long, elle n’a pas élargi son assise dans le pays.

Et sur le temps long, c’est un autre phénomène qu’il convient selon vous de regarder en face…

Le score de l’extrême-droite. Certes, le Zemmourisme se révèle infécond dans les urnes. Les candidats étiquetés Reconquête sont éliminés partout. Mais les analyses sont passées un peu vite sur les 19% du Rassemblement national.

Habituellement, le parti lepéniste subit une forte décrue entre la présidentielle et les législatives. Cela à cause de la démobilisation d’une partie de son électorat, et de candidats locaux peu connus et peu formés.

Ça n'est plus le cas. Avec 19% des suffrages, le RN ne s’affaisse pas ou peu. Y compris dans des zones qui lui étaient jusqu’ici peu favorables. Le candidat lepéniste arrive même en tête dans une circonscription de la Guadeloupe !

Plus édifiant encore, pour la première fois depuis 36 ans, le parti va disposer d’un groupe parlementaire - qui permet de disposer d’un temps de parole et de moyens supplémentaires à l’Assemblée. Ce sera même la première fois lors d'un scrutin majoritaire (en 1986, le groupe FN avait été constitué grâce à la proportionnelle).

Voici donc ce qu’annonce ce premier tour, sur le temps court et le temps long. En somme, la gauche a inversé la courbe de la défaite, mais pas (encore ?) celle de l’Histoire.

Frédéric Says

L'équipe