Les messages subliminaux d'Emmanuel Macron

Pendant 14 minutes, le président de la République a évoqué la situation géopolitique consécutive à la guerre en Ukraine.
Pendant 14 minutes, le président de la République a évoqué la situation géopolitique consécutive à la guerre en Ukraine. ©AFP - Ludovic Marin
Pendant 14 minutes, le président de la République a évoqué la situation géopolitique consécutive à la guerre en Ukraine. ©AFP - Ludovic Marin
Pendant 14 minutes, le président de la République a évoqué la situation géopolitique consécutive à la guerre en Ukraine. ©AFP - Ludovic Marin
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Le président sortant n'a pas annoncé sa candidature lors de son allocution hier soir... Il n'en a pas moins émis des messages politiques assez clairs.

Il y a deux raisons pour lesquelles le chef de l’État n'a pas évoqué directement les débats de la présidentielle.

La première (la plus évidente, la plus importante) : il eut été maladroit et indécent de superposer une crise internationale et des enjeux de politique nationale.

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La deuxième raison (bien moins déterminante, mais qu'il faut tout de même avoir à l'esprit), c'est que tout propos direct sur les controverses de la présidentielle aurait été décompté du temps de parole national d'Emmanuel Macron. Cela aurait diminué la place accordée à ses soutiens, à ses ministres, dans les médias... mais surtout, à coup sûr, cela aurait relancé les plaintes de l'opposition qui accuse - c'est un classique - le président sortant de faire campagne avec les moyens de l’Élysée.

Il est vrai qu'hier soir, avec ses scansions sur le changement d'époque, le bouleversement de l'Histoire au travers de l'Ukraine, Emmanuel Macron était loin, bien loin, des bisbilles autour des primaires et des parrainages.

Pour autant, le discours n'a pas manqué d'allusions à la politique nationale.

Par exemple, cette phrase : « La Russie n'est pas agressée, elle est l'agresseur ».  

Ici le président expose la position de la France, bien sûr, mais il contredit aussi, par la même occasion et sans les nommer, certains candidats. Des candidats qui avaient estimé que l'agressivité émanait de l'OTAN et non la Russie. Propos tenus ces dernières semaines, avant le déclenchement du conflit, par Eric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.

Mais Emmanuel Macron ne recadre pas seulement ses adversaires. Écoutez cette autre phrase du président hier soir :

« Nous ne sommes pas en guerre contre la Russie. Nous savons tout ce qui nous lie à ce grand peuple européen qu'est le peuple russe »

Entre les lignes, Emmanuel Macron tape sur les doigts de son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui, il y a deux jours sur France Info, avait eu ces propos fort belliqueux :

« Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie, à Vladimir Poutine, à son gouvernement...mais le peuple russe en paiera aussi les conséquences ».  

Propos qui ont provoqué des réactions en Russie, jusqu'à l'ex-président Medvedev.  

Bruno Le Maire avait dû ensuite se dédire et retirer ce vocabulaire, qu'a donc rejeté hier soir Emmanuel Macron.  

Troisième prise de position subliminale : un programme d'action pour les prochaines années.  

Quand le chef de l’État défend la souveraineté énergétique, il réaffirme entre les lignes sa volonté de faire construire de nouveaux réacteurs nucléaires.  

Quand il évoque l'innovation et l'industrie, il réitère les ambitions de son plan d'investissement France 2030.  

Quand il évoque l'Europe qui doit devenir une puissance, il ravive son souhait d'une plus grande intégration, contre plusieurs candidats qui jugent au contraire que la Nation constitue l'échelon pertinent.

Bien sûr, Emmanuel Macron porte de multiples casquettes : chef de l’État, candidat quasi-certain, président du conseil de l'Union européenne, membre de l'Otan et du Conseil de sécurité de l'ONU...  

Sans qu'on sache à chacune de ses phrases, au nom de laquelle de ces fonctions il s'exprime.  

La confusion est d'ailleurs entretenue par l'usage du pronom « Nous ». 

« Nous ferons », « nous veillerons », « nous poursuivrons ». Sans qu'on puisse distinguer ce qui relève du « nous de majesté », du « nous de l'exécutif français », ou du « nous » des puissances européennes et alliées.  

Une chose est certaine, en revanche, dans la bouche présidentielle, le « vous » est clairement identifié, c'est le peuple français, qui doit bientôt voter :

"Face à ces conséquences économiques et sociales, je n'ai et n'aurai qu'une boussole : vous protéger"

Le présent et le futur dans la même phrase. « Vous protéger » sonne d'ores et déjà comme un slogan de campagne.  

Frédéric Says

L'équipe