Le fond de l'air est identitaire

Laurent Wauquiez salue ses partisans, après son élection à la tête de LR, le 10 décembre 2017.
Laurent Wauquiez salue ses partisans, après son élection à la tête de LR, le 10 décembre 2017. ©AFP - Jacques Demarthon
Laurent Wauquiez salue ses partisans, après son élection à la tête de LR, le 10 décembre 2017. ©AFP - Jacques Demarthon
Laurent Wauquiez salue ses partisans, après son élection à la tête de LR, le 10 décembre 2017. ©AFP - Jacques Demarthon
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Corse, LR : les votes de ces derniers jours ont vu triompher les candidats les plus offensifs sur la défense de l'identité.

Quoi de commun entre les deux élections d'hier soir - le triomphe des nationalistes en Corse et la victoire de Laurent Wauquiez à la tête des Républicains - ? A première vue, pas grand chose. Laurent Wauquiez prend la main sur un parti de droite en repli ; Gilles Siméoni s'impose comme l'homme fort d'un mouvement nationaliste en conquête.   Par ailleurs, le premier aspire à diriger un jour la République française ; le second veut plutôt à se soustraire à son influence.  

Pourtant, les deux victoires électorales puisent, pour une part, à la même source. Dans les deux votes, c'est la ligne la plus identitaire qui a été choisie. Examinons les programmes. 

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Les nationalistes corses, portés au pouvoir hier, veulent instaurer une "préférence pour les résidents" : il faudra être arrivé sur l'île depuis au moins 5 ans pour pouvoir acquérir des biens immobiliers en Corse. A la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez plaide pour la "préférence locale" : les entreprises régionales sont privilégiées pour accéder aux marchés publics. 

De même, les nationalistes réclament une meilleure mise en valeur de la culture corse. Ce que Gilles Siméoni appelle ce matin dans Libération "la promotion culturelle de notre âme". Laurent Wauquiez veut défendre et promouvoir les racines chrétiennes de la France ; il a d'ailleurs récemment fait installer une exposition sur les santons dans le hall du conseil régional qu'il dirige.

Les nationalistes demandent aussi que la langue corse deviennent langue officielle, à côté du français, sur tous les documents administratifs ; Laurent Wauquiez, lui, fait appliquer la "clause Molière", pour l'usage du français dans les travaux publics. Les uns veulent imposer une langue sur les documents officiels quand l'autre veut l'imposer sur les chantiers. Bien sûr, aucune des deux parties ne se reconnaîtrait dans ce rapprochement et argueraient à bon droit que bien d'autres points les séparent. Il est tout de même troublant d'écouter leurs discours, et de constater que l'adversaire porte le même nom. Cet adversaire tient en 5 lettres, il se nomme Paris. 

L'intendance précédera

La dénonciation de la capitale jacobine-et-hégémonique a toujours existé, elle semble prendre une vigueur nouvelle, à la faveur de ce moment identitaire que nous vivons.  Comment l'expliquer ? D'abord, il y a la tonalité imprimée à l’Élysée ; celle d'une présidence post-sociétale (au sens où les sujets de société sont relégués, cachés derrière l'économie). La croissance est censée refermer toute les plaies. Non pas « l'intendance suivra », mais "l'intendance précédera". Ajoutons que le chef de l’État est vu comme le produit d'une élite parisienne oublieuse des contrées reculées et des bourgs isolés. 

Dès lors, ces temps-ci, l'opposition ne prend plus les habits de la gauche ou de la droite, elle se présente comme l'émanation de la province, de l'identité ou des petites gens.   Elle ne se calque plus tellement sur la critique de décisions politiques, mais sur la dénonciation d'une attitude, d'un comportement - Bourdieu aurait dit un habitus -, celui d'un président accusé de mépris de classe. S'ajoutent à cela les dérèglements du monde, les crises qui frappent à nos portes, et qui expliquent un phénomène compréhensible de repli sur la chaumière, bien au chaud avec les siens. D'où cette célébration d'une identité régionale, face à une capitale perçue comme le relais sans filtre de la mondialisation et de l'écrasement des cultures. 

Le manque de sens offre un vide dans lequel se nichent les identités qui passent. Fussent-elles crées, récrées, enjolivées. Le fond de l'air est identitaire, et c'est aussi ce que nous disent les deux scrutins d'hier. 

Frédéric Says

L'équipe