Le procès Sarkozy

Nicolas Sarkozy s'est présenté lundi devant le tribunal correctionnel de Paris. Poursuivi pour "corruption" et "trafic d'influence", il encourt 10 ans de prison et 1 million d'euros d'amende.
Nicolas Sarkozy s'est présenté lundi devant le tribunal correctionnel de Paris. Poursuivi pour "corruption" et "trafic d'influence", il encourt 10 ans de prison et 1 million d'euros d'amende. ©AFP - Benoit Peyrucq
Nicolas Sarkozy s'est présenté lundi devant le tribunal correctionnel de Paris. Poursuivi pour "corruption" et "trafic d'influence", il encourt 10 ans de prison et 1 million d'euros d'amende. ©AFP - Benoit Peyrucq
Nicolas Sarkozy s'est présenté lundi devant le tribunal correctionnel de Paris. Poursuivi pour "corruption" et "trafic d'influence", il encourt 10 ans de prison et 1 million d'euros d'amende. ©AFP - Benoit Peyrucq
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L'ancien chef de l'Etat est jugé pour "corruption" et "trafic d'influence".

Sa démarche n’a pas changé. Il avance d’un pas décidé, nerveux, saluant brièvement de la main les caméras, nombreuses, des médias français et étrangers venus voir l’ancien président s’engouffrer pour la première fois dans une salle d'audience. 

Car si la démarche est la même, le décor, lui, est inédit. Il ne s’agit plus du Palais de l’Elysée, mais du Palais de justice. 

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C’est une première, sous la Vème République, un ancien président face au tribunal correctionnel. Même si Jacques Chirac avait été lui aussi poursuivi, en 2011, pour les emplois fictifs - pour raisons de santé, il ne s’était pas présenté au juge. 

L’événement est donc tout sauf anodin. Et dans le prétoire, cela se ressent dès les premiers échanges. 

Tout ancien chef de l’Etat qu’il soit, Nicolas Sarkozy est invité à se lever et à préciser ses coordonnées, son adresse postale. 

La juge lui demande ensuite de confirmer son patronyme complet (à savoir Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa). 

Un peu agacé, l’ex-président répond : “Nicolas Sarkozy, c’est suffisant”. 

"Oui mais c’est pour votre casier judiciaire", relance la présidente, sur l’air de “je ne fais que respecter la procédure”. 

Cet échange dit tout du moment de décalage, de la collision des mondes.

Dans le couloir du tribunal, Nicolas Sarkozy recevait encore le salut réglementaire de policiers. A l’intérieur, il doit presque justifier son identité.

Hier, le président fut un justiciable comme les autres. Une célébrité traitée en anonyme.

Dans la même salle d’audience, il fut aussi question d’un anonyme devenu célébrité. 

Paul Bismuth, le vrai Bismuth, dont le nom a été emprunté par Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog pour ouvrir leur ligne téléphonique secrète. Paul Bismuth s’est porté partie civile. Il s’estime lésé dans cette affaire, comme l’explique son avocat, maître Canoy : 

"Mettez-vous à la place de Bismuth, qui fait l'objet de quolibets dans une affaire mondiale. Il ne supporte pas qu'on ait utilisé son nom. Moi, si demain on utilise mon nom, je suis fou furieux, et effectivement je demande réparation devant un tribunal”. (Propos recueillis par Anne Fauquembergue)

Une affaire dans l’affaire, qui ajoute encore au contraste de ce procès : d’un côté, des histoires de quolibets et de pseudonymes dignes d'un mauvais feuilleton.  

De l’autre, l’ex-premier personnage de la sixième puissance mondiale, accusé de corruption et de trafic d’influence. 

Si Nicolas Sarkozy n’a pas parlé à la presse hier, il avait déjà offert une interview à BFMTV avec cette phrase-choc : "Je ne suis pas un pourri”

Une petite phrase conçue pour frapper les esprits et y rester logée. Un peu sur le modèle du mot “abracadabrantesque” brandi par Jacques Chirac, lui aussi interrogé sur des affaires. 

Cette défense de Nicolas Sarkozy se veut d’ailleurs un slogan-générique, pour toutes les affaires qui le concernent. 

Car dans quelques mois, en mars, il devra retourner au tribunal pour un autre dossier, Bygmalion, sur le financement de sa campagne de 2012. Il est par ailleurs toujours mis en examen pour des soupçons de financement occulte par le régime libyen. 

Et c’est là que tout cela est vertigineux, si l’on prend du recul.

Face à cette avalanche de mise en cause par la justice, on peut retourner le problème dans tous les sens, il n’y a que deux solutions. 

Soit un ancien président de la République et son entourage ont jalonné leur carrière politique de délits. 

Soit c’est un vaste complot des juges et des enquêteurs, ce que serinent les soutiens sarkozystes. 

Dans les deux cas c’est extrêmement grave. 

Des preuves ont été collectées, des charges ont été étayées. Dans le procès en cours, il s’agit d’écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat. 

D’après les enquêteurs, les deux hommes se seraient donc mis d’accord pour tenter d’obtenir des informations confidentielles sur des procédures en cours, cela auprès d’un magistrat et en échange d’un poste prestigieux à Monaco. Ces écoutes ont eu lieu en 2013-2014, après le quinquennat Sarkozy. Les trois prévenus, bien sûr présumés innocents, contestent cette accusation. 

Alors quels effets politiques aura cette accumulation de procès contre l’ancien président ? 

Trois effets (qui peuvent se cumuler) : 

1 - Une nouvelle bouffée de poujadisme, sur le mode “tous pourris”. 

2 - Une hystérisation de la droite, qui volerait au secours de son ancien chef et lui offrirait la voie d’un retour en politique.

3 - Une lassitude générale devant des affaires tentaculaires, des pelotes de mise en cause desquelles on peine à démêler les fils. 

Mais finalement, quelle que soit la décision judiciaire, condamnation ou relaxe, l’on peut aussi voir le verre à moitié plein. 

Le simple fait qu’un ancien président puisse être présenté devant le tribunal correctionnel, c’est la preuve que la République, malgré ses imperfections et ses insuffisances, fonctionne. 

Et que chaque citoyen, eût-il été locataire de l’Elysée, peut se retrouver devant un juge, à décliner son identité.