En France, elles n'ont aucun statut officiel. Mais jouent, de fait, un rôle politique. Brigitte Macron, comme les précédentes "premières dames", tente de résoudre cette contradiction.
Elle n’existe pas officiellement. En tout cas, son rôle n’est inscrit nulle part, ni dans les règlements, ni dans les lois, encore moins dans la constitution.
La fonction de première dame est donc forgée par la tradition, par l’usage. Une appellation importée des Etats-Unis, où l’on parle de “first lady” (et peut-être un jour de “first gentleman”).
Là-bas, cette fonction figure dans la loi, une loi de 1978. Il existe même un acronyme dédié : "Flotus", pour First Lady of the United States.
Cela dit, “il n’existe pas de fiche de poste, vous devez la créer vous-même”, comme le relevait Hillary Clinton.
Et là réside toute la difficulté, en France comme ailleurs.
En tant que conjointe du président, si vous ne faites rien, vous êtes soupçonnée de vivre aux crochets de l’Etat. Si vous agissez, on vous reproche d’endosser un rôle que les électeurs, de fait, ne vous ont pas dévolu. Pas facile.
Sans compter la question des moyens financiers, très sensible politiquement.
En 2017, une pétition signée en ligne par 300 000 personnes avait dissuadé Emmanuel Macron de créer un vrai statut officiel de première dame. Les signataires s’indignaient que celle-ci puisse bénéficier d’un budget.
L’actuel pouvoir a donc reculé et s’est contenté de publier une charte. Elle précise que la première dame n’est pas rémunérée, mais qu’elle dispose de deux conseillers et d’un secrétariat. Précision : cette charte n’est pas contraignante juridiquement.
Voilà donc le paradoxe : la première dame existe partout dans les gazettes politico-people mais nulle part dans les textes officiels.
Une contradiction sous la Vème République que chacune des concernées a tenté de résoudre à sa manière. Souvent par un engagement caritatif. En quelque sorte, à mi-chemin entre l’inaction et la politique pure.
Bernadette Chirac fut célèbre pour les pièces jaunes. Brigitte Macron en a donc repris la charge. Danielle Mitterrand échangeait des courriers avec des détenus. Mais Valérie Trierweiler et Carla Bruni ont voulu poursuivre leur carrière, respectivement de journaliste et d’artiste.
Protocole
C’est à l’international que ce rôle s’avère le plus indispensable. Est-ce un signe du caractère désuet des règles diplomatiques ?
En 2008, pas encore mariée, Carla Bruni a dû renoncer à accompagner le chef de l’Etat en Inde. Protocole oblige.
Quelques mois et une bague au doigt plus tard, le couple se rend à Londres. Les médias fixent bien sûr leur attention sur l’épouse. Laquelle a revêtu des habits sobres et une réserve inhabituelle mais revendiquée :
"Les gens me disaient : 'mais enfin pourquoi tu te mets là avec un col Claudine, t'as des gants, tu tiens ton sac, t'as l'air ridicule'. Mais pourquoi, ils me veulent en short vinyle à danser à côté de la Reine (rires) ? Mais ils sont fous ! D'abord, ce n'est pas poli. Quand on représente un pays, on représente tout un tas de gens qui veulent de la réserve”.
Carla Bruni dans “A voix nue” sur France Culture.
Quelques années plus tard, François Hollande a innové en se rendant aux Etats-Unis seul, peu après sa séparation. Les photos de Michelle et Barack Obama entourant le président français seul ont gardé quelque chose de mystérieusement incongru.
Les premières dames, des atouts diplomatiques... mais aussi des cibles : le président brésilien Bolsonaro, en froid avec Emmanuel Macron, n’a pas hésité à moquer Brigitte Macron sur les réseaux sociaux.
En son temps, Claude Pompidou, l’épouse de Georges, fut elle aussi utilisée pour atteindre son mari, y compris via les rumeurs les plus crapoteuses.
Qui connaît Joachim Sauer ?
Il faut noter que le statut officiel de "première dame" - ou de premier époux - est une exception dans le monde.
En Allemagne, le mari d’Angela Merkel s’appelle Joachim Sauer, il poursuit tranquillement sa carrière d’enseignant en chimie.
Est-ce la tentation monarchique française qui nous empêche de considérer le conjoint comme un simple citoyen ?
Difficile, avec tout cela de cerner exactement ce rôle de première dame.
Il porte en lui l’écueil de politiser la vie privée et de familiariser la vie publique.
A vrai dire, ce biais s’installe dès la campagne : les candidats posent en couple. Comme s’il fallait prouver qu’il existe derrière les ambitieux politiciens, des amoureux sensibles.
En somme, ils se dédoublent en montrant leur moitié.
Frédéric Says
L'équipe
- Production