Macron à la manœuvre en Allemagne : Markel n'est-il pas en train de remplacer Merkron ?

Angela Merkel reçue à l'Elysée par Emmanuel Macron, le 19 janvier 2018
Angela Merkel reçue à l'Elysée par Emmanuel Macron, le 19 janvier 2018 ©AFP - LUDOVIC MARIN / AFP
Angela Merkel reçue à l'Elysée par Emmanuel Macron, le 19 janvier 2018 ©AFP - LUDOVIC MARIN / AFP
Angela Merkel reçue à l'Elysée par Emmanuel Macron, le 19 janvier 2018 ©AFP - LUDOVIC MARIN / AFP
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La "GroKo", la grande coalition est en marche en Allemagne, après le vote favorable hier lors du congrès du SPD. Dans ce jeu politique allemand, Emmanuel Macron a pesé de tout son poids pour assurer l'avenir politique de la Chancelière Angela Merkel. Alors Merkron ou Markel ?

Avec
  • Ludovic Piedtenu Journaliste, correspondant permanent de Radio France en Allemagne, ancien chef du service politique de France Culture

Si elle n'était pas la somme de vieux partis usés jusqu'à la corde tant en France qu'en Allemagne, cette "grosse coalition" peut-être sur le point de voir le jour outre-Rhin, et encore pas avant fin mars, serait volontiers d'inspiration macronienne... L'alliance des conservateurs d'Angela Merkel et des sociaux démocrates de Martin Schulz, cette alliance "et de droite, et de gauche", cette convergence des centres est exactement la même démarche, le même chemin que celui emprunté par Emmanuel Macron en France. Bien sûr, c'est lui qui a plutôt importé le modèle allemand au printemps dernier, mais c'est aujourd'hui lui qui pousse pour obtenir la même forme de gouvernement à Berlin.  Car il en va de son intérêt. 

Emmanuel Macron pensait n'attendre que quelques mois pour voir sa partenaire Angela Merkel confirmée pour un quatrième mandat, sitôt après les élections de septembre. Il avait donc avancé ses premiers pions sur sa vision d'une nouvelle Europe, d'un partenariat fort avec l'Allemagne, dès l'été, un discours prononcé d'abord au mois d'août à Athènes puis fin septembre à La Sorbonne. Macron n'était pas en marche, il courrait, persuadé que la victoire de Merkel ne serait qu'une formalité. Et qu'il fallait donc préparer les opinions publiques pour garantir un meilleur assentiment à ses projets de réformes.  C'était sans compter ce qu'il est probable d'appeler une fin de cycle politique outre-Rhin. Et des mois et des mois supplémentaires de tractations. Tout à l'heure, sur notre antenne, invité de la Question du jour, l'ancien conseiller du Chancelier Helmut Kohl, Joachim Bitterlich vous a répondu par cette "boutade" Guillaume :  

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"Angela Merkel a attendu 10 ans pour trouver un gouvernement français fort et engagé, maintenant les Français peuvent attendre 1 an"

La Question du jour
8 min

L'étape d'hier, le vote serré mais positif des délégués du Parti Social Démocrate en faveur d'une grande coalition, a soulagé les deux protagonistes Angela Merkel et Martin Schulz. Elle a aussi soulagé Emmanuel Macron qui utilisait lui-même il y a quelques jours voyant avancer les choses dans le bon sens les qualificatifs "heureux et satisfait". 

Investissement très fort d'Emmanuel Macron dans le jeu politique allemand

Souvenez-vous qu'en septembre, le leader social-démocrate Martin Schulz jurait qu'il n'irait pas, qu'il n'irait plus, qu'on ne reverrait pas son parti, le SPD, dans une grande coalition, vue par certains comme le meilleur moyen d'y perdre son âme, d'y laisser sa crédibilité et de ne faire croître et grandir in fine que les extrêmes et surtout les populistes de droite de l'AFD. C'était sans compter sur Emmanuel Macron qui a passé du temps, beaucoup de temps au téléphone avec Martin Schulz. L'allemand ne s'en est pas caché. Au contraire, il le répète à longueur d'interviews ou même sur son compte Twitter. 

Loin d'apparaître totalement manipulé par le président français, il se sert au contraire de la bonne image de Macron outre-Rhin, pour lui permettre de réorienter sa stratégie. De revenir sur ses paroles de "non, je n'irai pas". Martin Schulz, qui n'avait pas soutenu Macron pendant la présidentielle française, a fini par se mettre en marche et au pas. Recevant toujours les coups de fil de l'Elysée, pas plus tard que samedi, à la veille de ce congrès important du SPD à Bonn. A se demander s'il ne lui a pas aussi écrit son discours.  Emmanuel Macron s'il assure classiquement, à chaque fois que la question lui est posée, qu'il n'y a pas d'ingérence dans la politique allemande est pourtant bel et bien la roue de secours de Martin Schulz comme d'Angela Merkel dont les destins sont liés. Et vendredi, la visite de la chancelière à Paris n'avait pas d'autre but que de convaincre les sociaux démocrates allemands de voter hier dans le bon sens.  Si ! Elle avait aussi une autre fonction, enregistrer cette vidéo sur l'amitié franco-allemande diffusée hier sur les réseaux sociaux. 

Macron et Merkel (extrait vidéo du 21/01/2018)

26 sec

Voici 55 ans plus tard, rejouait dans le même salon Murat où était signé le traité de l'Elysée entre De Gaulle et Adenauer, les deux dirigeants d'aujourd'hui diffuser un message à la densité politique nettement moindre, rejouer les bons sentiments de l'amitié franco-allemande, certes annoncer qu'ils ont l'intention 55 ans après de s'engager pour un nouveau traité.  Sur ces images, ils sont l'un à côté de l'autre.  On y voit Merkel joindre ses mains comme très souvent en triangle En Allemagne, on appelle çà le Merkel-Raute, le triangle de Merkel devenu outil de communication politique. Il symbolise la stabilité ou bien encore le fait d’être entre de bonnes mains. Quant à Macron, on retiendra de lui, le clin d’œil de fin sur cet "auf wiedersehen", cet "au revoir" de la chancelière.  Si Merkel en est aujourd'hui à 4 444 jours de pouvoir, ce n'est certainement pas grâce aux dirigeants français... dont on a d'ailleurs toujours surnommé l'attelage en placant la chancelière en tête de l'équation : Merkozy, Merkollande... et même aujourd'hui Merkron. C'est un propos tiré de l'excellent livre de Marion Van Renterghem consacré à "L'ovni politique Angela Merkel" (sorti récémment). 

Pourquoi pas Sarkel, Hollerkel et Markel ? suggère Marion Van Renterghem. Je pense que nous connaissons la réponse. Mutti "maman”, Angela Merkel passe en premier. Et plus elle persiste au pouvoir, plus elle impose son autorité.

Changement : en 2018, l'équation n'est-elle pas en train de s'inverser ? Si Merkel file vers ses 16 années au pouvoir, elle pourrait devoir ses quatre dernières à Emmanuel Macron. Alors Merkron ou Markel ?

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