Avant le scrutin, les municipales sont considérées comme des élections locales qui accordent, dans bien des cas, une forte prime aux maires sortants. Après le scrutin, on en fait très souvent une lecture nationale dans la perspective de l'élection présidentielle. Le pouvoir en place s'en inquiète.
Alors qu'on est encore loin d'en avoir fini avec le conflit sur les retraites, on s'apprête à entrer en campagne électorale en vue des élections municipales.
Le premier tour aura lieu dans deux mois, le 15 mars, et tous ceux qui n'ont pas encore déclaré leur candidature s'apprêtent à le faire dans les jours qui viennent. Ce sera par exemple le cas de la maire sortante de Paris, Anne Hidalgo. Elle a prévu d'annoncer officiellement ce weekend qu'elle aspire à se succéder à elle-même à travers, nous dit-on, une interview qu'elle aurait accordée au journal "Le Parisien".
Les municipales sont avant tout des élections locales à l'occasion desquelles on revendique d'assez loin son étiquette partisane. Il n'est qu'à voir les affiches de campagne et les tracts que les candidats distribuent sur les marchés. Le logo du parti politique auquel ils appartiennent est soit absent, soit relégué en tout petit, au verso et dans un coin, histoire qu'on ne le voit pas trop.
La plupart des candidats mettent en avant leur ancrage local. "Mon parti, c'est Bordeaux" clame le maire sortant de la capitale girondine, Nicolas Florian. A Quimper, en Bretagne, le sortant Ludovic Jolivet a même donné pour nom, à sa liste, ce slogan : "Mon parti, c'est Quimper".
C'est au point que le maire de Neuilly-sur Seine, Jean Christophe Fromentin, en a fait un label, "mon parti, c'est ma ville", sous la bannière duquel il invite tous les maires qui le souhaitent à le rejoindre :
Je lance aujourd'hui un label et une charte qui s'appellent "mon parti, c'est ma ville". L'idée est de rappeler combien ces élections municipales doivent échapper au contrôle des partis politiques et être focalisées sur l'intérêt de nos villages, de nos villes, de nos communes, de nos métropoles.
Ces slogans, "mon parti, c'est ma ville", "mon parti, c'est Quimper" témoignent du fait que ce sont en grande partie des considérations locales qui déterminent l'issue du scrutin.
On confie à un maire et à une équipe le soin de défendre les intérêts de la commune pour 6 ans. C'est la raison pour laquelle le choix des électeurs se portent sur des personnes dont ils savent, ou dont ils pressentent, qu'elles sauront gérer correctement les affaires communales. Raison pour laquelle, aussi, il y a une forte prime aux maires sortant.
Après le scrutin, les municipales deviennent des élections nationales
Après le scrutin, les municipales se transforment. D'élections locales, elles deviennent des élections dont on fait une lecture nationale. En 2014, la droite républicaine avait revendiqué la victoire avec Jean-François Copé :
J'avais dit il y a un certain temps déjà que je pensais que les conditions étaient réunies pour une vague bleue. J'ai été surpris par son ampleur.
Tandis que la gauche (et notamment le Parti Socialiste) avait reconnu sa défaite avec Michel Sapin :
Qui pourrait dire que ce n'est pas une défaite pour la gauche ? Certainement pas nous.
Ça, c'est parce qu'en France, on considère que les élections intermédiaires ont valeur de test en vue de l'élection présidentielle.
Et pour le pouvoir en place, c'est un problème. Un problème parce qu'au lendemain des élections européennes et des bons résultats enregistrés dans les villes, La République En Marche avait imaginé qu'il en serait de même avec les municipales de mars 2020.
Or aujourd'hui, plus les sondages locaux se multiplient à l'approche du scrutin et plus les marcheurs déchantent.
Le président du parti, Stanislas Guérini, avait fixé comme objectif de faire élire 10 000 conseillers municipaux. "J'ai bien peur qu'on en soit loin" confient, à tour de rôle, plusieurs parlementaires de la majorité.
La conséquence est qu'il semble que le pouvoir exécutif ait imaginé deux stratagèmes pour essayer de maquiller un peu la lecture nationale qu'on fera de ce scrutin le 22 mars prochain.
Le ministère de l'intérieur a préparé une circulaire à destination des préfets.
Pour, d'une part, ne plus attribuer de couleur politique aux maires des villes de moins de 9000 habitants qui n'en ont pas fait état officiellement. Jusqu'ici, les préfets attribuaient, selon le passé politique des candidats, une étiquette "divers droite", "divers gauche", "extrême droite", "extrême gauche".
Selon cette circulaire, ce ne sera plus le cas. En France, nous avons un peu plus de 33 000 communes de moins de 9000 habitants sur 35 000. Et du coup, cette disposition offusque au plus haut point les formations politiques traditionnelles. "On va dépolitiser ce scrutin" crient en cœur la droite et la gauche.
Et puis, deuxième disposition dans cette circulaire adressée aux préfectures : une nouvelle appellation serait créée, LDVC, Liste Divers Centre, qui pourrait être attribuée aux listes d'union ayant reçues l'investiture, ou même seulement le soutien, de plusieurs partis dont La République En Marche ou le Modem. La droite comme la gauche y voient un moyen de rattacher un certain nombre de villes à la majorité présidentielle. Par exemple Nice ou encore Toulouse qui jusqu'ici étaient considérées comme des villes de droite.
Pour sa défense, La République En Marche fait valoir qu'en 2014, l'UMP avait revendiqué la victoire alors qu'un peu plus de 7% des listes victorieuses seulement étaient étiquetées UMP. Les autres étaient des listes "divers droite", "union de la droite", "union du centre".
On constate, là, que la formation politique d'Emmanuel Macron prétend remplacer à la fois le PS et Les Républicains en tant que parti qui multiplient les alliances et agrègent autour de lui les formations politiques de second ordre, afin de s'installer comme le seul et unique parti de gouvernement.
Mais ceci sans disposer des relais et des implantations locales qu'avaient patiemment su construire par le passé le PS, le RPR ou l'UMP.
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