On sous-estime toujours le degré d’improvisation de la politique

Olivier Véran, le ministre de la Santé, sur le plateau de TF1, le 21 janvier 2021.
Olivier Véran, le ministre de la Santé, sur le plateau de TF1, le 21 janvier 2021. ©AFP - Stéphane de Sakutin
Olivier Véran, le ministre de la Santé, sur le plateau de TF1, le 21 janvier 2021. ©AFP - Stéphane de Sakutin
Olivier Véran, le ministre de la Santé, sur le plateau de TF1, le 21 janvier 2021. ©AFP - Stéphane de Sakutin
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Tout n'est pas calculé, anticipé, prévu... (hélas ?)

Confinera ou confinera pas ? En cette dernière semaine de janvier, cette question semble occuper l’ensemble du champ politique et médiatique.

A la télévision, on voit se succéder les responsables publics. Les uns affirment n’avoir aucune information ; les autres se drapent dans un air mystérieux. 

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On soupçonne les premiers d’en savoir plus qu’ils n’en disent ; on soupçonne les seconds d’en dire plus qu’ils n’en savent. 

Pour qui chercherait des indices dans les journaux, ce n’est pas plus éclairant. 

Ce dimanche, le JDD affirmait que le confinement était imminent. Mais le Parisien indiquait que rien n’était tranché, interview d’Olivier Véran à l’appui.

Pour conjurer l’angoisse, certains se mettent à chercher d’autres sources, plus ou moins fiables (souvent moins que plus, d’ailleurs).

Sans doute avez-vous vu passer, par SMS ou sur Facebook, ces messages qui affirment que "le beau-frère d’une cousine" travaille en lien avec l’Elysée. Il est formel : le confinement arrive. 

Les journalistes qui travaillent la matière politique sont eux aussi assaillis de questions de leurs proches : "toi qui les fréquentes, tu dois forcément connaître le jour J". Eh bien non. 

Que nous dit toute cette agitation ?

Naturellement, elle révèle l’envie d’anticiper ce qui va nous tomber dessus collectivement. 

Puisque nous n’avons guère d’autre choix que de subir la décision, nous cherchons à nous y préparer. Elle est moins brutale quand elle est éventée. 

Mais derrière cette confusion, se glisse aussi l’idée d’un "plan caché". Tout serait déjà décidé, mais rien ne serait encore annoncé. 

Or, l’on sous-estime en permanence le degré d’improvisation que suppose l’action politique. 

Bien sûr, les ballons d’essai existent. Faire fuiter dans la presse une décision pour observer comment réagit l’opinion publique, c’est une pratique sans doute vieille comme l’art de gouverner.

Mais la politique - et c’est encore plus vrai en temps de crise sanitaire inédite -, est une science de l’adaptation, du dernier moment, de l’improvisation.

Chaque jour apporte son lot de nouvelles incertaines, d’informations partielles, d’observations contradictoires. 

L’efficacité des vaccins, l’arrivée des variants, la progression des taux d’incidence, le nombre d’entreprises qui ferment... Tout cela monte et descend la chaîne administrative, politique et scientifique, dans un grand tourbillon, duquel il est difficile d’extraire des certitudes. 

Le regard que nous portons aux responsables politiques est d’ailleurs ambivalent…

Et cette affaire de reconfinement le montre : nous les jugeons à la fois incompétents et calculateurs. Autrement dit, brouillons et méticuleux - pardon pour l’antithèse.

Cette ambivalence provient du sentiment de fascination-répulsion pour la politique. 

Un exemple m’a frappé, il y a quelques années. 

L’émission de télé “Quotidien” présentée par Yann Barthès s’était procuré un enregistrement clandestin de Laurent Wauquiez. Un enregistrement audio d’un cours donné par Laurent Wauquiez aux étudiants d’une école de commerce. 

L’ancien ministre UMP y racontait une foule d’anecdotes. Il reconnaissait enfumer les journalistes sur les plateaux. Et il affirmait que Nicolas Sarkozy faisait espionner les téléphones de ses ministres. 

Immédiatement, nombreux sont ceux qui ont imaginé que Laurent Wauquiez avait tout manigancé. Selon cette thèse, il avait prévu que cet enregistrement sortirait, peut-être pour nuire à Nicolas Sarkozy. 

En somme, il s’agissait forcément d’une stratégie brumeuse et cynique. Impossible que ce soit une bourde.

Contre

Or, avec cette affaire, Laurent Wauquiez n’a finalement guère nui qu’à lui-même… Et les partisans du complot en sont encore à se triturer les méninges pour comprendre la manœuvre. 

La réalité semble plus simple : à l’époque, c’est un jeune responsable politique sur la pente descendante qui ne peut s’empêcher de rouler des mécaniques à huis-clos. Bref, un péché d’orgueil. 

Je ne sais pas si c’est décevant ou rassurant. 

La politique ne contrôle pas tout, c’est même relativement l’inverse. Les responsables sont plus souvent en contre qu’à l’initiative. Est-ce une bonne nouvelle ou pas ? 

Michel Rocard le disait avec ses mots : “Il faut toujours préférer l’hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot demande un esprit rare”. 

Frédéric Says

L'équipe