Patron de parti politique, c'est une bonne situation, ça ?

Christian Jacob a été élu à la tête de LR avec 63% des voix.
Christian Jacob a été élu à la tête de LR avec 63% des voix.  ©AFP - Joël Saget
Christian Jacob a été élu à la tête de LR avec 63% des voix. ©AFP - Joël Saget
Christian Jacob a été élu à la tête de LR avec 63% des voix. ©AFP - Joël Saget
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Jadis, les dirigeants des grandes formations étaient aussi les candidats naturels à la présidentielle. Désormais, les ambitions se jouent en dehors des partis, réduits au rôle de syndic d'élus.

Christian Jacob, élu à la tête des Républicains ce week-end, a commencé sa tournée médiatique. Et il explique partout qu'il ne sera pas candidat à la présidentielle. 

Voilà un homme qui professe l'ambition... de ne pas être ambitieux. Curieux. A première vue, on explique cela par la nature modeste de cet ancien syndicaliste agricole, lui qui a passé sa carrière politique dans l'ombre des grandes figures de la droite. 

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Mais à bien y réfléchir, cette non-ambition présidentielle dit aussi quelque chose de notre époque politique. 

Jadis, le leader du mouvement, c'était le candidat naturel de la famille politique. C'est Jacques Chirac qui fabrique le RPR, une machine de guerre électorale. C'est François Mitterrand, qui façonne le PS d'après le congrès d'Epinay, pour servir sa longue marche vers l'Elysée. 

Désormais, les fonctions de chef de parti et de conquérant présidentiel semblent se dissocier. 

Pas seulement chez Les Républicains. Olivier Faure, au Parti socialiste, reste en retrait. A la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon a transmis les clés à Adrien Quatennens, nommé "coordinateur" du mouvement. Quant au chef de la République en Marche, dont vous peinez peut-être à vous souvenir du nom, il s'appelle Stanislas Guérini. 

Alors pourquoi cette évolution ? 

Bien entendu, les partis font moins envie qu'avant. Pour l'aventurier, la monture est moins belle. Fini les armées de militants. Ce sont désormais de frêles bataillons, composés largement d'élus et de collaborateurs d'élus, plus les irréductibles qu'aucune défaite électorale ne fait vaciller. 

Chez Les Républicains, ce week-end, 62 000 adhérents ont participé au scrutin interne. Ils étaient 100 000 votants en 2017 et 176 000 en 2012. 

Par ailleurs, le pouvoir du parti s'est amenuisé. Les think-thanks lui font concurrence dans la production des idées. Les associations et les réseaux le remplacent dans la socialisation. Les pétitions en ligne le doublent dans l'expression de l'indignation collective. 

Bref, le chef de parti est cantonné au rôle de syndic. Il choisit la couleur des murs et la texture des fauteuils. Un homme de paille, qui garde la maison pendant d'autres travaillent à leur destin. 

Bien sûr, on exagère... Il reste des leviers : les investitures pour les élections, les finances du parti, la fonction de représentation dans les médias. 

Encore que... même cette prérogative s'est effilochée. Avec les chaînes d'information continue, le ticket d'accès à la télévision est beaucoup plus accessible. Le moindre député peut rivaliser en temps d'antenne avec le chef de file de son mouvement. Ce n'était pas le cas quand la politique à la télé se résumait au 20 heures et à quelques grand-messes hebdomadaires

Cette faiblesse des partis incite les aspirants à la fonction suprême à contourner la machine partisane... 

Par exemple à droite, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse rêvent de 2022 mais se tiennent loin de LR. 

Il y a ceux qui contournent et ceux qui surplombent : François Hollande s'apprête à sortir un nouveau livre, qui portera sur les institutions. Bernard Cazeneuve vient de publier un nouvel ouvrage, sur les questions régaliennes. 

Le message en filigrane est clair : nous sommes loin des petites querelles et des apparatchiks. 

Le vide laissé à la tête des formations politiques favorise en fait le retour des "ex" : vous avez noté que Jean-François Copé revient dans les médias... Et même François Fillon sort du silence. La semaine dernière, il a déclaré ceci : 

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C'était à Genève, dans un salon dédié à la communication, événement public, il était interrogé par Darius Rochebin, notre confrère de la Radiotélévision suisse. 

L'occasion de se rappeler au bon souvenir des Français, peut-être de surfer sur la nostalgie constatée lors du décès de Jacques Chirac, la nostalgie pour les grands fauves politiques ? 

Une manière, aussi, de s'approprier la geste gaulliste - le général dénonçait les "petits partis qui cuisinent leur petite soupe". 

Et puis, après tout, Emmanuel Macron n'a t-il pas prouvé en 2017 que l'on pouvait l'emporter sans diriger une formation centenaire, garnie de secrétaires de section dans chaque paroisse ? 

L'heure est aux auto-entrepreneurs de la politique, avec des structures souples, adaptables, "agiles", selon le terme à la mode. 

Les querelles de courants, les bureaux politiques, les commissions nationales, tout cela, les ambitieux le laissent aux laborieux. 

De toute façon, il n'y que des coups à prendre. Les structures partisanes sont très mal vues. Les partis figurent au dernier rang des institutions qui inspirent la confiance, à seulement 9% de confiance, selon une enquête du CEVIPOF

A cet égard, l'on pourrait parodier le titre que Jacques Séguéla donna à un de ses livres : « Ne dites pas à ma mère que je suis dirigeant de parti politique, elle me croit pianiste dans un bordel ».

Frédéric Says

L'équipe