Pourquoi l'impôt à la source est-il un tel casse-tête politique ?

Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, assure que le prélèvement à la source commencera bien le 1er janvier 2019. Emmanuel Macron, lui, fait part de ses doutes.
Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, assure que le prélèvement à la source commencera bien le 1er janvier 2019. Emmanuel Macron, lui, fait part de ses doutes.  ©AFP - Rémy Gabalda
Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, assure que le prélèvement à la source commencera bien le 1er janvier 2019. Emmanuel Macron, lui, fait part de ses doutes. ©AFP - Rémy Gabalda
Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, assure que le prélèvement à la source commencera bien le 1er janvier 2019. Emmanuel Macron, lui, fait part de ses doutes. ©AFP - Rémy Gabalda
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Le gouvernement hésite à mettre en place cette réforme risquée.

Quel pataquès ! Dans un gouvernement d'habitude réglé comme du papier à musique, les fausses notes se multiplient sur ce dossier maudit. Résumons la situation : cela fait plus d'un an que le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, s'évertue à mettre en place le prélèvement à la source pour le 1er janvier prochain. Mais dans le Journal du Dimanche, cette semaine, Édouard Philippe se montre prudent, et refuse de confirmer cette date... Même si elle avait été votée par les députés de la majorité. Hier, le président lui-même a affiché son scepticisme. Vous l'avez entendu dans le journal de 8h, Emmanuel Macron demande des précisions et des garanties, avant de trancher. 

Le prélèvement à la source est ce qu'on appelle un serpent de mer. Il avait déjà failli être instauré dans les années 70. Puis en 2006 : selon le ministre des Finances de l'époque, Thierry Breton, tout était prêt. Écoutez cette archive du journal télévisé de France 2 :  

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Et finalement il n'en fut rien. Alors pourquoi un tel casse-tête politique ? 

L'effet "feuille de paie"

La première réponse, la plus évidente, c'est l'effet "feuille de paie". Car votre impôt sur le revenu (si vous le payez) sera désormais prélevé directement sur votre salaire. Conséquence directe : le montant que vous découvrirez en bas de la fiche de paie sera fatalement amputé. Ce qui crée un effet psychologique non négligeable, même si in fine, tout cela revient au même. Un effet psychologique qui pourrait avoir "un impact négatif sur la consommation" des ménages, selon le député LR Eric Woerth. 

Deuxième complication dans ce dossier miné : le gouvernement axe depuis des mois sa communication sur "la hausse du pouvoir d'achat". Avec la diminution de la taxe d'habitation, bien sûr. Mais aussi la baisse des cotisations salariales. Une nouvelle vague de baisse doit avoir lieu en octobre prochain, qui permet justement de gonfler un peu les fiches de paie. Avec l'impôt à la source, cette mesure de pouvoir d'achat risque donc de devenir invisible.

Sans parler des bugs et des complexités lié au système des impôts en France, qui prend en compte des critères conjugaux et familiaux, contrairement par exemple à la Grande-Bretagne.

Réforme maudite, dites-vous, et pourtant présentée comme indispensable par ceux qui l'ont conçue... 

Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si François Hollande, qui a décidé de cette mesure, l'a prudemment laissé en cadeau à son successeur. 

Le problème, pour le gouvernement actuel, c'est qu'il donne l'impression de refuser l'obstacle après s'être lancé à pleine vitesse. Car oui, depuis un an, le ministère des Comptes publics multiplie les dépenses de communication : brochures, sites internet, et même clips vidéos, pour faire la fameuse pédagogie de la réforme. Un report ou une annulation revient à faire partir ces investissements en fumée. A Bercy, on renâcle donc à annuler le décollage de la fusée. "Tout sera prêt" assure Gérald Darmanin. 

Ce prélèvement à la source, quasiment tous les pays industrialisés l'ont fait, souvent depuis fort longtemps. Alors pourquoi, à l’Élysée, une telle crainte de cette réforme ? Emmanuel Macron serait-il finalement l'un de ces "gaulois réfractaires au changement" ?

Frédéric Says

L'équipe