Pourquoi les anciens présidents redeviennent-ils populaires ?

François Hollande et Jacques Chirac, le 21 novembre 2014.
François Hollande et Jacques Chirac, le 21 novembre 2014. ©AFP - Patrick Kovarik
François Hollande et Jacques Chirac, le 21 novembre 2014. ©AFP - Patrick Kovarik
François Hollande et Jacques Chirac, le 21 novembre 2014. ©AFP - Patrick Kovarik
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Par quel miracle ceux qui ont affronté des abîmes d'impopularité reviennent-ils en grâce, sitôt sortis de l'Elysée ?

Il s’affiche sur toute la une du journal "Libération" ce matin. La cravate légèrement de travers, l’œil rieur. Le sous-titre insiste sur son (petit) succès retrouvé. Vous ne rêvez pas : il s'agit bien de François Hollande. 

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Le même François Hollande qui a essuyé, au cours de son quinquennat, les couvertures de magazines les plus meurtrières, les plus abrasives, parfois les plus mesquines - plus qu'aucun de ses prédécesseurs. Un ricanement national à l’unisson avec les sondages de popularité, dont la vocation semblait alors se limiter à chercher du pétrole dans les sous-sols. 

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Voici pourquoi la une de ce matin, chez Libération, a des allures de rédemption. Le quotidien souligne les très bonnes ventes du livre de François Hollande. Il décrit aussi les longues files d’attente, partout en France, lors des dédicaces de l’ancien président. Alors comment comprendre tout cela ? 

Lécher, lâcher, lyncher

On pourrait se contenter d’y voir une énième illustration de la versatilité de la presse. Ah, ces journalistes politiques ! Eux n’aiment rien tant que de remettre en scelle les vaincus, et de démettre de la scène les vainqueurs. Comme une sorte de mouvement perpétuel.  "Les médias lèchent puis lâchent puis lynchent", selon le mot de Jean-François Kahn. Il faudrait ajouter qu'ils... lèchent à nouveau. Mais le phénomène, me semble-t-il, ne se limite pas à un sursaut du microcosme, ni même à la personne de François Hollande.    

Ce qui interroge, c’est cette forme d’indulgence qui vient avec les années. Un grand pardon démocratique pour les anciens présidents. Jacques Chirac en est un autre exemple. Toute sa carrière et spécialement quant il était au pouvoir, il a été moqué, conspué, dénigré. Les années 80 l’ont baptisé « facho-Chirac » ; les années 2000 l’ont figuré en « super menteur ». Et si l’on excepte la Coupe du monde 98 et le refus de la guerre en Irak, c’est une litanie de reproches sur l’inaction et l’insincérité qui a jalonné son double mandat présidentiel. Depuis sa sortie de l’Élysée, c’est l’inverse. Lui n’avait jamais été vraiment à l’aise dans le costume de père de la nation, le voici adoubé « grand-père de la nation ». Après le purgatoire, le paradis. L’ancien jeune loup redessiné en vieux lion. Le firmament des baromètres de popularité, des mémoires vendus à 400 000 exemplaires, et même des lignes de vêtements à l’effigie de Chirac jeune. Où l’ancien maire de Paris incarne le "swag" (c’est-à-dire qu’il est "stylé", pour reprendre deux expressions à la mode - mais qui sont en fait déjà passées de mode). 

Alors comment est-ce possible ? Par quel processus mystérieux les électeurs oublient-ils leur rage d’hier ? 

Sans doute y a-t-il une sorte de sacralité républicaine. Un respect retrouvé pour ceux qui ont conquis le suffrage universel suprême. A l'exemple de l’hommage extrêmement intense qu’avait rendu Jacques Chirac à François Mitterrand après son décès. Bien au-delà du service minimum et du protocole. 

Peut-être y a-t-il aussi un peu de nostalgie. Un « c’était mieux avant » que l’on calque aux présidents passés. Je me souviens, sous le quinquennat de François Hollande, d'un trait d’humour partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux : 

« Chirac a réussi à nous faire regretter Mitterrand. Sarkozy nous a fait regretter Chirac. Hollande nous a fait regretter Sarkozy. J’ose à peine imaginer celui qui nous fera regretter Hollande ». 

Il est vrai que le temps dilue les affronts. Le quinquennat hollandais, dans son quotidien, fut marqué par Cahuzac, Léonarda et les frondeurs. Avec le recul, ces anicroches élyséennes prennent un ton un peu sépia. Et s’effacent au profit de la gestion des attentats ou de la relance de l’économie à l’époque de François Hollande. Est-ce à dire que le peuple de France développe une amnésie chronique ? Sans doute pas à ce point.  Nicolas Sarkozy a tenté de revenir, il a pourtant été balayé à la primaire de droite. François Hollande est jugé sympathique, intelligent, accessible. Pour autant, s’il remontait une écurie politique aujourd’hui, qui le suivrait ? 

Voilà peut-être le secret d’un peuple régicide mais pacifié. La reconnaissance différée. De même qu’en peinture, un peintre de génie est souvent un peintre mort ; en France, un bon président est un président à la retraite.

Frédéric Says

L'équipe