Pourquoi un tel succès pour l'idée du RIC ?

Des gilets jaunes demandent un référendum d'initiative citoyenne (ou populaire), le 15 décembre 2018 à Lyon.
Des gilets jaunes demandent un référendum d'initiative citoyenne (ou populaire), le 15 décembre 2018 à Lyon. ©AFP - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK
Des gilets jaunes demandent un référendum d'initiative citoyenne (ou populaire), le 15 décembre 2018 à Lyon. ©AFP - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK
Des gilets jaunes demandent un référendum d'initiative citoyenne (ou populaire), le 15 décembre 2018 à Lyon. ©AFP - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK
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Chez les "gilets jaunes", le Référendum d'initiative citoyenne est sur toutes les lèvres.

"La France n'a pas de pétrole mais elle a des idées" : vous connaissez ce slogan des années 1970. Mais il arrive qu'elle importe, outre des hydrocarbures, des idées. Les "gilets jaunes" veulent en effet s'inspirer du modèle suisse, pour instaurer un Référendum d'initiative citoyenne. R.I.C. : c'était le sigle le plus présent ce samedi sur les banderoles aux abords des ronds-points et dans les cortèges en centre-ville. 

Ce référendum d'initiative citoyenne, dans son modèle suisse, permet à une fraction des électeurs de provoquer une consultation populaire à propos d'une loi. En Suisse, pour déclencher le référendum, il faut réunir 100 000 signatures, soit environ 1,8% du corps électoral. Rapporté à la France, cela signifierait environ 800 000 paraphes de citoyens. Alors on va examiner le détail de cette proposition dans un instant avec nos invités, mais il est intéressant de se demander pourquoi cette idée du RIC surgit maintenant dans la crise des "gilets jaunes". 

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Elle est effectivement devenue la revendication principale du mouvement... 

D'abord parce qu'Emmanuel Macron a répondu aux revendications sociales. Sans les épuiser sans doute, mais enfin de manière substantielle. 

Les "gilets jaunes" protestaient contre la hausse des taxes sur le carburant ? La voici annulée. Ils alertaient sur les fins de mois difficiles pour les bas salaires ? La prime d'activité est augmentée, les heures supp défiscalisées, la hausse de la CSG annulée pour une partie des retraités... Bref, les mesures dévoilées par l'exécutif ont - en partie - rendu caduques le volet social des récriminations. Il est donc assez naturel que le mouvement se rabatte sur d'autres demandes, moins budgétaires, plus politiques. Mais cela n'explique pas entièrement cet attrait généralisé et soudain pour le référendum d'initiative populaire. 

Il faut aussi voir que cette proposition fait office de plus petit dénominateur commun. Car il y a des "gilets jaunes" de gauche, qui veulent plus de service public et de redistribution. Des "gilets jaunes" de droite, qui demandent moins de taxes, moins d'impôts. La question de l'immigration ne fait pas non plus consensus. 

Difficile, donc, avec cette hétérogénéité de formuler des propositions qui conviennent à tout le monde, des visions du monde cohérentes. Voilà pourquoi le Référendum d'initiative citoyenne rassemble largement sous sa bannière. Et après tout c'est vrai, sur le principe, qui peut être contre le fait d'être davantage écouté, consulté par les pouvoirs publics ? 

Le référendum d'initiative citoyenne répond aussi à des insuffisances démocratiques...

Oui, c'est peut-être la Vème République qui paye ses excès. La centralisation du pouvoir. L'impunité politique de celui qui le concentre pendant cinq ans : avec le quinquennat, il ne risque plus de cohabitation. Parallèlement, plus aucun président ne se risque à des référendums, de peur d'être désavoué. D'où l'impression d'une démocratie de faible intensité. D'où, aussi, le désir inverse. Après l'excès de centralisation, la demande de participation. Bref, ce R.I.C est perçu comme une revanche par ceux qui le promeuvent. Une sorte de "49-3 du peuple", pourrait-on dire. 

Être ensemble

Il y a aussi un aspect plus sentimental, plus humain derrière tout cela. Sur les ronds-points, des gens qui ne se parlaient pas ont fraternisé. Des gens qui se sentaient seuls se sont rassemblés. Des gens qui se croyaient isolés se sont découverts des semblables. Le succès du mouvement est aussi celui d'une socialisation. Et même d'un plaisir d'être ensemble. Des actions communes, des barbecues, on a même vu un mariage de "gilets jaunes". Alors cette demande de référendum d'initiative citoyenne, c'est aussi une manière de ne pas lâcher le combat, de ne pas rentrer chez soi, de ne pas retourner à ses angoisses. Une manière de garder un objectif pour rester ensemble. 

"Ce n'est qu'un début, continuons le combat" disait-on en Mai 68. Le référendum d'initiative citoyenne chez les "gilets jaunes" agrège donc, dans un curieux mélange, la ferveur révolutionnaire et la sagesse suisse.

Frédéric Says

L'équipe