

La nouvelle Assemblée a désigné hier son président. Choses vues dans l'hémicycle et en dehors.
Un peu de nervosité, en ce premier jour. Les nouveaux députés, méconnus, arrivent avec leur carte parlementaire bien en évidence à la main ou autour du cou. Histoire de ne pas être confondus avec leurs collaborateurs. De leur côté, les journalistes sont un peu désorientés : qui interviewer dans ce flot de nouveaux visages ?
Alors dans le doute, des mêlées se forment autour des quelques têtes connues, des "valeurs sûres", comme Thierry Solère et même... Nicolas Dupont-Aignan. Longtemps ignoré par les journalistes dans cette salle des Quatre-colonnes, le président de Debout la France fait ici quasiment figure de taulier.
Et puis à côté il y a les silhouettes discrètes, timides, que personne ne perçoit. Petite moustache grisonnante, costume-cravate, Hubert Wulfranc vient de faire son entrée à l'Assemblée. Il était maire de la ville de Saint-Etienne-du-Rouvray, au moment où un prêtre avait été assassiné dans son église. Le voici désormais député, membre du groupe communiste. "Ici, cest une assemblée de CSP ++" regrette-t-il dans un sourire, en allusion aux cadres et chefs d'entreprise qui entrent au Palais-Bourbon.
On se glisse en tribune de presse, pour surplomber ces fauteuils rouges qui accueillent 75% de petits nouveaux. Au premier coup d'oeil, se dégage une impression curieuse : on aperçoit quelques visages connus (Valls, Woerth, Collard) complètement dilués dans cette masses de députés anonymes. Nombre d'entre eux sortent leur smartphones, immortalisent le decorum. Comme s'ils avaient du mal à imaginer qu'ils vont siéger ici pendant cinq ans.
Cravate
Vu du dessus, les cheveux blancs sont beaucoup plus rares que dans l'Assemblée sortante. La diversité s'affiche plus nettement, quand elle restait jusqu'ici cantonnée - pour l'essentiel - aux élus d'Outre-mer. Cette nouvelle assemblée est aussi beaucoup plus féminine. Pour autant, les postes de pouvoir ("perchoir", présidence de groupes...) resteront masculins. Autre détail frappant : l'hémicycle est sage, très sage. Est-ce le trac du premier jour ? Est-ce la "bienveillance" revendiquée par les macronistes ? Ou est-ce parce que les députés sont exceptionnellement assis par ordre alphabétique, ce qui casse les phénomènes de clans politiques ? Par le hasard de cette règle, François Ruffin est assis à côté de François de Rugy. L'insoumis à côté du futur président de l'Assemblée. Le réalisateur de "Merci Patron", au côté de celui qui va le devenir, patron, dans cet hémicycle. Un peu poseurs, les députés masculins de la France insoumise ont décidé de ne pas porter de cravate. Et ne se lèvent pas à l'annonce de l'élection du président de l'Assemblée. Paradoxalement, la rébellion affichée a quelque chose de très cadré. Et la décontraction vestimentaire quelque chose de très étudié.
A la sortie, face à la presse, quelques députés La République En Marche montrent qu'ils ont déjà pris l'habitude des éléments de langage : "je veux faire avancer le pays, débloquer, libérer les énergies, (...) mais avant tout rassembler". D'autres sortent discrètement, aucun micro ne se tend. A part ceux de la presse locale, qui accompagne les nouveaux élus pour des reportages façon "un jour avec...".
Les journalistes rubricards récupèrent des "06"
Des anciens candidats à la présidentielle, devenus députés, passent furtivement : Marine Le Pen s'éclipse, Jean Lassale dévisage ses nouveaux collègues :
"Pendant longtemps j'ai été le plus jeune, et d'un seul coup je suis devenu un vieillard sans défense... Je n'ai pas compris l'évolution qui s'est faite."
En cette rentrée des classes, pas d'esclandre, pas de coup de sang, comme la salle des Quatre-colonnes en a vu parfois. Il est vrai que l'on ne se fâche pas en présence de ceux que l'on ne connaît pas. Mais très vite, les néo-députés et les rubricards politiques s'apprivoisent. Ces derniers, qui ont perdu 80% de leur carnet d'adresses à la faveur de ce chamboule-tout, récupèrent des "06".
Pour les nouveaux, l'entrée en matière est sans douceur. Dans les semaines à venir, ils examineront la loi anti-terroriste, le texte sur la moralisation et l'habilitation des ordonnances pour la loi travail. A peine la rentrée passée, se profilent déjà les examens.
Frédéric Says
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