Présidentielle 2022 : Emmanuel Macron candidat ou pas candidat ?

Emmanuel Macron le 26 octobre 2018 à Bratislava en Slovaquie
Emmanuel Macron le 26 octobre 2018 à Bratislava en Slovaquie ©AFP - Vladimir Simicek
Emmanuel Macron le 26 octobre 2018 à Bratislava en Slovaquie ©AFP - Vladimir Simicek
Emmanuel Macron le 26 octobre 2018 à Bratislava en Slovaquie ©AFP - Vladimir Simicek
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Emmanuel Macron dit ne pas pouvoir répondre à la question d'une candidature à sa réélection en 2022 et affirme même ne pas savoir s'il pourra se représenter. Depuis cinquante ans, en France, les présidents sortants rencontrent des difficultés à se faire réélire.

La question a été posée à Emmanuel Macron par le journaliste Rémy Buisine, vendredi, après plus de deux heures d’interview sur le média en ligne "Brut" : "Êtes-vous candidat à l’élection présidentielle de 2022 ?" Ce à quoi le président a répondu ceci :

Je n'ai pas le droit, aujourd'hui, de vous dire et de me mettre dans une disposition d'esprit d'être candidat. Pourquoi ? Parce que si je me mets dans la situation d'être un candidat, je ne prendrai plus les bonnes décisions. Et peut-être que je ne pourrai pas être candidat. Peut-être que je devrai faire des choses dans la dernière année, dans les derniers mois, dures parce que les circonstances l'exigeront et qui rendront impossible le fait que je sois candidat. Je n'exclus rien.

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Cette question est très régulièrement posée au président en exercice quand on arrive à un an ou un an et demi de l’échéance de son mandat. Il répond, la plupart du temps, qu’il y a un temps pour tout et que le moment n’est pas venu de se déclarer.

Plus rarement qu’il ne sera peut-être pas candidat, mais c’est arrivé. Le 13 octobre 1986, notamment. La question du renouvellement de son mandat avait été posée à François Mitterrand, au camp militaire de Caylus, dans le Tarn et Garonne :

Tout m'invite à me dire : Non, je ne serai pas candidat. Parce que ça va, je suis président de la République, j'aurai rempli ma fonction et je ne pousse pas l'ambition jusqu'à vouloir m'y installer à demeure. Interviendra-t-il des éléments pour me dire : C'est une erreur, je ne peux pas le supposer. Il nous reste combien de temps pour cela ? 17 mois.

On sait aujourd’hui ce qu’il en fût. 17 mois plus tard, François Mitterrand était bel et bien candidat et se faisait réélire avec un score de 54% face à Jacques Chirac.

Alors est-ce une manière d’éluder la question, de brouiller les pistes ? Peut-être. On sait cependant possible, aujourd’hui, avec l’exemple de François Hollande, qu’un président en exercice ne soit pas en mesure de briguer un nouveau mandat.

En attendant, si Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs, refuse de répondre à cette question, c’est qu’il y a une impossibilité presque consubstantielle à être à la fois président et candidat.

Un président est dans l’exercice de sa fonction, il prend des décisions. Quand il devient candidat, son action s’arrête, on passe alors à l’heure du bilan qu’il doit défendre avant de présenter un projet pour la suite. L’actuel chef de l’Etat s’y prépare.

La difficulté pour Emmanuel Macron est qu’il aura du mal à présenter un bilan correspondant à son projet initial

Il avait annoncé la réduction du chômage, la maîtrise de la dette, le redressement de l’économie et des réformes structurelles pour transformer le pays. Mais les résultats qu’il pouvait espérer faire valoir en la matière ont été emportés par la crise sanitaire due au coronavirus. Le chômage est reparti à la hausse, les déficits publics se creusent à une vitesse vertigineuse, Emmanuel Macron a été contraint de mettre en place une politique du « quoiqu’il en coûte » avec un Etat qui dépense sans compter.

C’est la raison pour laquelle il s’accroche à quelques projets de loi emblématiques qui pourraient faire office de bilan substitutif. Par exemple la loi contre les séparatismes qui sera présentée demain en Conseil des Ministres, le projet de loi en préparation issu des travaux de la convention citoyenne pour le climat ou encore la réforme des retraites qu’il espère pouvoir faire adopter avant la fin du quinquennat. Ces réformes-là pourraient au minimum être mises en avant comme ayant été adoptées malgré la pandémie mondiale de COVID-19. Mais l’épreuve du bilan à défendre s’annonce tout de même ardue pour l’actuel président.

Il faut ajouter à cet écueil que depuis le début de la Cinquième République, un président sortant a toujours rencontré des difficultés à se faire réélire. Hormis le Général de Gaulle en 1965, aucun président qui exerçait pleinement le pouvoir au moment du renouvellement de son mandat (avec donc une majorité à l’Assemblée Nationale et un gouvernement à sa main) n’a réussi cette prouesse.

Valery Giscard d’Estaing a été battu, Nicolas Sarkozy également, François Hollande n’a pas pu se représenter. Les deux seuls ayant réussi à se faire réélire ont su convaincre les français à la faveur d’une cohabitation. François Mitterrand en 1988. A ce moment-là, il n’exerce plus la réalité du pouvoir exécutif, c’est Jacques Chirac depuis deux ans Premier ministre. Et puis Jacques Chirac, en 2002, lui aussi se retrouve en situation de cohabitation. Celui qui défend un bilan, c’est le Premier ministre, Lionel Jospin, depuis cinq ans à Matignon. Et il est battu au premier tour.

Il y a donc, depuis cinquante ans, en France, une incapacité, non pas du président sortant à se faire réélire, mais de celui qui exerce la réalité du pouvoir à obtenir des français qu’ils le maintiennent en fonction.