Le député-mathématicien veut se présenter à la mairie de Paris, contre les règles de son parti.
Cette candidature est à la fois un geste d'éloignement et de rapprochement vis-à-vis d'Emmanuel Macron.
L'éloignement est simple à caractériser. En se présentant en dissident, Villani s'affranchit du règlement de la République En Marche. Car c'est Benjamin Griveaux, l'ancien ministre et très proche du chef de l'Etat, qui a été désigné par le parti présidentiel pour conquérir la capitale, en mars prochain.
Ses rivaux malheureux doivent soutenir le vainqueur, c'est écrit noir sur blanc (article 33 des statuts d'En Marche, pour les puristes).
Un mathématicien hors des règles ? Cédric Villani veut prouver que ce n'est pas un oxymore. Ce nouveau venu en politique, député de l'Essonne depuis 2017, a d'ailleurs un modèle en tête : Emmanuel Macron. Et c'est en cela qu'il s'en rapproche.
En s'essayant à une aventure individuelle hors des partis, Villani reproduit la démarche macroniste de 2016 – 2017. Il a d'ailleurs forgé la même rhétorique. En deux points.
- Le rejet des appareils politique. "Les appareils classiques ont tué l'originalité", dénonce Villani, regrettant une procédure de désignation " viciée". "Quand vous venez de la société civile, on vous dit 'vous ne faites pas partie du club'. J'ai plus de liberté par rapport aux appareils" tonnait Emmanuel Macron, à l'orée de la campagne présidentielle de 2017.
- La fidélité aux "valeurs" (plutôt qu'au parti). Quand on lui reproche sa déloyauté, le député de l'Essonne répond : "Je resterai toujours loyal aux valeurs démocratiques", à "la liberté". En 2016, Emmanuel Macron, en rupture avec le PS, assénait : "Ce qui compte, c'est le socle idéologique, le cœur de valeurs que l'on porte (...) Est-ce que j'ai dissimulé mes opinions, mes valeurs, mes vues ? Non !" ( émission "Questions politiques" en septembre 2016 sur France Inter avec Nicolas Demorand).
Quelle loyauté ?
En face de Cédric Villani, Benjamin Griveaux est en position de force institutionnelle. Adoubé par les instances de LREM, soutenu par les grandes figures du mouvement et ex-ministre, il est cependant en position de faiblesse médiatique.
Pour montrer qu'il est "rassembleur", il n'a d'autre choix que d'en appeler à la loyauté de Villani :
"C'est un homme loyal, fidèle au mouvement qu'il a rejoint [LREM], et grâce auquel il est devenu parlementaire..."
Autrement dit, "n'oublie jamais qui t'a fait roi - ou en l'occurrence député". Cet avertissement de Benjamin Griveaux rappelle aussi des souvenirs.
Voici ce que disait le président François Hollande, alors que son jeune ministre Macron tentait de s'émanciper :
"Il sait ce qu'il me doit. C'est une question de loyauté personnelle et politique."
(Le 14 avril 2016 sur France 2, face à David Pujadas et Léa Salamé).
Dans les deux cas, cet appel à la "loyauté" sera vain. Emmanuel Macron a tiré profit de l'impopularité du président sortant. Cédric Villani compte sur la réputation d'arrogance faite à Benjamin Griveaux. Soit le story-telling du "petit candidat", outsider et venu de la société civile, contre le prétendant officiel soutenu par les apparatchiks.
C'est gros, mais cela passe. Puisque le grand chef a montré la voie, a prouvé que la victoire s'offre aux audacieux qui savent défier des appareils politiques anémiés, alors pourquoi se gêner ?
"J'ai pris mon risque", aimait répéter Emmanuel Macron pendant sa campagne. Cédric Villani prend le sien. Il disrupte les disrupteurs, il macronise les macronistes.
Probabilités
Mais ce parallèle a des failles. D'abord parce que Griveaux n'est pas l'actuel maire de Paris, il ne sera pas touché par l'usure du sortant -comme l'était François Hollande.
Ensuite parce qu'à Paris, le candidat de la droite n'est pas mis en examen, comme François Fillon l'était à l'époque, ce qui a facilité la tâche d'Emmanuel Macron.
Enfin parce que le système électoral parisien est complexe. Il faut réunir un certain nombre de grands électeurs dans la capitale, ce qui favorise plutôt les partis bien implantés.
Par ailleurs, ce qui a fonctionné une fois, comme un énorme coup de poker, peut-il marcher une deuxième fois ?
Cédric Villani a sans doute fait l'examen des probabilités. On ne sait pas ce qu'il en est en mathématiques, mais en histoire politique, un tel scénario est rarissime.
Frédéric Says
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