Quand Emmanuel Macron démonte la règle des 3%

Emmanuel Macron et Christine Lagarde (directrice de la BCE) tentent de convaincre l'Allemagne d'investir ses excédents budgétaires pour relancer la croissance.
Emmanuel Macron et Christine Lagarde (directrice de la BCE) tentent de convaincre l'Allemagne d'investir ses excédents budgétaires pour relancer la croissance.  ©AFP - Silas Stein
Emmanuel Macron et Christine Lagarde (directrice de la BCE) tentent de convaincre l'Allemagne d'investir ses excédents budgétaires pour relancer la croissance. ©AFP - Silas Stein
Emmanuel Macron et Christine Lagarde (directrice de la BCE) tentent de convaincre l'Allemagne d'investir ses excédents budgétaires pour relancer la croissance. ©AFP - Silas Stein
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Dans un entretien, le chef de l'Etat estime que ce débat autour du déficit à 3% appartient "au siècle passé".

S'agit-il d'un coup de communication ou d'un changement d'époque ? 

Hier, la sacro-sainte règle des 3% de déficit a été publiquement taillée en pièce. 

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"Le débat sur les 3% appartient au siècle passé", ce sont les mots - non pas d'un militant altermondialiste dans les colonnes de L'Humanité -, mais ceux d'Emmanuel Macron dans le journal The Economist

Étonnante déclaration du président de la République. 

D'autant plus étonnante que les 3% furent érigés, ces dernières années, comme garants absolus de la bonne gestion, mais aussi comme témoins du respect des engagements européens. Les gouvernements successifs ont présenté ce plafond de 3% comme un objectif intangible ("règle d'or").

Voilà donc pourquoi cette petite phrase d'Emmanuel Macron fait le bruit d'un totem qu'on abat. 

Nuançons un peu. Cette contrainte des 3% était d'autant plus sacralisée dans les mots... qu'elle était bafouée dans les actes. Aucun exécutif français n'a réussi à s'y conformer depuis la fin des années Chirac.

Par ailleurs, même au sein des partis dits de gouvernement, des voix se sont élevées pour critiquer la "rigidité des comptables européens". 

A l'image d'Arnaud Montebourg, au cours du quinquennat précédent, s'opposant à François Hollande et Manuel Valls [extrait sonore] : 

"Il doit y avoir des débats au sein du gouvernement (...) je vais envoyer cette cuvée du redressement au président !"

Et cela lui a valu d'être privé de son ministère. 

Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a, lui, sagement répété qu'il comptait respecter cette règle des 3%. 

Alors pourquoi cette déclaration dans The Economist ? 

En choisissant ce journal, il veut s'adresser aux places financières, mais surtout aux dirigeants internationaux. 

Avec une cible : l'Allemagne. 

Dans cet entretien, Emmanuel Macron semble agacé que Berlin rechigne à investir massivement pour relancer l'économie européenne. Dans l'esprit du président français, les Allemands sont à la tête d'une cagnotte qu'ils refusent d'utiliser. 

Faute de budget européen commun, ce sont les logiques égoïstes qui s'appliquent, comme le montre bien l'essayiste David Djaïz dans son livre Slow Démocratie, paru ces jours-ci. 

Un jeu de dupes, regrette Emmanuel Macron à demi-mot. Il a réussi à faire repasser le déficit français sous les 3%. Mais il n'obtient pas, en échange, le moindre geste de Berlin pour stimuler la croissance.

Dans sa démonstration, le président français fait remarquer que les États-Unis jouent de leur déficit pour soutenir l'activité, que la Chine utilise massivement ses réserves. Et au milieu ? L'Europe, avec son "taux d'épargne parmi les plus élevés au monde", qui "ne prépare pas l'avenir", selon Macron. 

Indolore

Il note enfin que les règles européennes (pas plus de 3% de déficit et 60% de dette, rapportés au PIB) ont été décidées dans les années 90, à un moment où les taux d'intérêts étaient bien plus élevés qu'aujourd'hui.

Désormais, les États s'endettent à des taux négatifs (c'est-à-dire qu'ils reçoivent de l'argent pour emprunter, tant leur signature est gage de sécurité pour les prêteurs). 

Cela signifie que le déficit et la dette sont beaucoup plus indolores que par le passé. 

Il demeure une incohérence entre les propos d'Emmanuel Macron et l'action de son gouvernement. Celui-ci s'apprête à privatiser la Française des jeux. Au motif de faire entrer de l'argent dans les caisses pour "réduire le déficit" et "financer l'innovation".

Or le groupe Française des Jeux est très profitable pour son actionnaire principal, l’État. 

Quel sens y a-t-il donc à le vendre, plutôt que d'emprunter à taux 0 sur les marchés ? Pourquoi brader les bijoux de  famille dans le nouveau contexte qu'évoque Emmanuel Macron ?

On ne saurait trop conseiller au gouvernement de se diriger vers un kiosque et de se procurer The Economist... 

Frédéric Says

L'équipe