Pour être élu, le programme est-il plus important que la personnalité ?
Imaginons que le poste de chef de l’État fasse l'objet d'une petite annonce. Elle ressemblerait sans doute à cela :
« Contrat à durée déterminée de 5 ans, renouvelable une fois, poste situé à Paris, pas de période d'essai ».
Pure hypothèse bien sûr, quoi que... depuis quelques jours, il flotte sur la campagne une atmosphère de bureau de recrutement.
A presque 3 mois du premier tour, les qualités personnelles des candidats sont scrutées, discutées, interrogées.
Comme hier pour Valérie Pécresse... la candidate Les Républicains a eu droit à cette question sur RTL :
« - Quelle est votre principale qualité, et peut-être plus important, votre principal défaut ?
- Ma principale qualité c'est que je suis tenace. Et mon principal défaut c'est que je suis perfectionniste ».
Un défaut qui est en fait une qualité ! Le type de réponse formellement proscrite en entretien d'embauche..
A la décharge de Valérie Pécresse, plus aucun recruteur ne pose ce type de question bateau.
Pas simple d'ailleurs d'y apporter une réponse sans s'auto-dénigrer ; ce qui n'est pas recommandé quand on veut diriger un pays.
L'heure est à l'introspection. Emmanuel Macron, lui aussi, a dû s'expliquer sur son CV, juste avant les fêtes. Entretien DRH sur TF1 en prime time.
Il avait dû répondre de ses erreurs, de ses maladresses : « traverser la rue pour trouver un travail », « ceux qui ne sont rien », etcétéra.
Le président avait reconnu une forme de brutalité, à mettre sur le compte, a-t-il dit de son enthousiasme réformateur. Là encore, un défaut qui est en fait une qualité...
A quel point la personnalité joue-t-elle dans le choix d'un bulletin de vote ? La question se pose aussi du côté de la France insoumise, avec cette interpellation à Jean-Luc Mélenchon, hier, par un auditeur de France Inter :
« J'aurais volontiers voté pour vous. Mais je ne peux pas voter pour un monsieur qui s'emporte pour un rien, chaque fois qu'on le chatouille, qui est explosif, volcanique. Ce n'est pas digne d'un président. Désolé monsieur. »
Le caractère, atout ou répulsif : ambivalence de la personnalisation des campagnes.
Il faut reconnaître à Jean-Luc Mélenchon qu'il y est rétif, à cette personnalisation. Il n'expose pas sa vie privée dans les magazines et il refuse que la foule scande son nom durant les meetings.
D'ailleurs, les insoumis font valoir que l'essentiel d'une élection, c'est le programme, et non pas la personne qui le porte. C'est vrai. Mais en l'occurrence, ils ont choisi pour la troisième fois d'affilée la même personne pour porter le programme, ce qui est sans doute un hasard statistique.
Plus globalement, la Vème République, par les pouvoirs qu'elle concentre sur un seul individu, amène forcément à centrer une partie des débats sur les qualités et défauts personnels des impétrants.
L'élection présidentielle, c'est la rencontre d'un homme et d'un peuple, professait le général de Gaulle. Lui fut plus porté par ses états de service, que par une séduction télévisuelle ; on ne peut d'ailleurs pas dire que son bon caractère était, disons, sa qualité la plus visible.
Mais des qualités personnelles sont aussi des qualités politiques : la maîtrise de soi est nécessaire... Ou plutôt la « souveraineté de soi sur soi », comme l'écrivait Michel Foucault.
L'épisode houleux des perquisitions a beaucoup nui à Jean-Luc Mélenchon ; tout comme Eric Zemmour a plafonné dans les sondages après son doigt d'honneur à Marseille.
Par ailleurs, nous cherchons des qualités contradictoires chez celui ou celle qui doit présider.
On lui demande à la fois : expérience et renouveau, profondeur et légèreté, recul et spontanéité, fermeté et humanité, technicité et simplicité, expertise des relations internationales et connaissance intime de chaque recoin de la France.
Des injonctions difficilement conciliables pour les candidats. Leurs professions de foi tiennent lieu de lettre de motivation. "On vous rappellera !", s'entendent-ils répondre pour l'instant.
Ils sauront le 24 avril, si leur lieu de travail se trouve désormais au 55 rue du Faubourg Saint-Honoré.
Frédéric Says
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