

Faut-il construire l'aéroport de Notre-Dame des Landes ? Le rapport d'experts devait être rendu aujourd'hui au gouvernement. Sa remise est finalement décalée au 13 décembre. Le dossier a tout d'un piège politique pour Emmanuel Macron.
Parmi les aimables cadeaux laissés par François Hollande à Emmanuel Macron, on trouve la taxe illégale sur les dividendes (à rembourser), la fermeture de la centrale de Fessenheim (à programmer) et bien sûr le dossier Notre-Dame des Landes (à trancher).
Ce sont 1600 hectares, à quelques kilomètres de Nantes, qui tiennent du casse-tête absolu pour le président.
Bien sûr, le rapport d'experts documentera les options techniques ; mais le choix n'en restera pas moins éminemment politique.
Depuis 40 ans qu'il végète, ce dossier a épongé toutes les contradictions possibles. Il suffit d'observer les mots qui désignent le lieu potentiel des travaux. Les partisans du projet parlent de l'aéroport Grand Ouest, sémantique qui fleure bon l'ouverture, l'échange, les vacances et les dunes de sable... Les opposants s'en tiennent au nom de la commune, Notre-Dame des Landes. Un nom qui renvoie à quelque chose entre le sacré et le champêtre - en tout cas pas à un lieu où faire couler des rivières de béton.
Le bien-fondé du projet, par définition sujet à débat, n'est pas ici la seule question. Le dilemme est aussi juridique – des indemnités sont prévues pour Vinci en cas d'abandon – et démocratique. En 2016, un vote des habitants du départements avait été favorable à la construction de l'aéroport.
Pendant sa campagne, Emmanuel Macron, interrogé sur Notre Dame des Landes par Médiapart, avait répondu ceci :
"Il y a eu un référendum local. On peut faire des consultations sur la consultation. A un moment donné, on doit avancer".
Depuis, Emmanuel Macron a lancé à la face du monde entier qu'il voulait "make the planet great again."
Par ailleurs, est-il possible d'évacuer la ZAD, ce territoire immense ?
Un passage du livre récent de Bernard Cazeneuve, curieusement peu relevé, indique qu'il faudrait mobiliser au moins 1 tiers de toutes les forces de sécurité mobiles de France.
Politiquement Emmanuel Macron garde un avantage : il n'est pas lié aux responsables politiques locaux et nationaux qui ont déjà pris des décisions. « Tu emmerdes la terre entière avec ton aéroport » avait reproché Arnaud Montebourg à Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre et ancien maire de Nantes. Emmanuel Macron sait en revanche que Nicolas Hulot n'est pas favorable à l'aéroport, même s'il a dit qu'il n'en faisait pas une ligne rouge.
Alors prendre une décision dans ce dossier, c'est trancher une série de questions :
Autorité de l'Etat ou écologie ?
Développement durable ou économique ?
Respect du vote local ou décision nationale assumée ?
La « pensée complexe » revendiquée par l'Elysée devrait ici trouver matière à s'exercer. Mais il n'est pas sûr que la formule magique du « Et en même temps » soit d'un grand secours. En l'occurrence, il semble assez difficile de ne construire qu'une moitié d'aéroport, qu'une demi-tour de contrôle ou qu'un tiers de piste d'atterrissage.
Frédéric Says
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