Soupçons : et maintenant la campagne de 2007 ?

Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé, le 3 décembre 2014.
Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé, le 3 décembre 2014. ©AFP - Thomas Samson
Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé, le 3 décembre 2014. ©AFP - Thomas Samson
Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé, le 3 décembre 2014. ©AFP - Thomas Samson
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Sous le feu croisé de Médiapart et de proches de Jean-François Copé, de nouveaux soupçons émergent sur le financement de la campagne victorieuse de Nicolas Sarkozy en 2007.

Le cas semble entendu pour la campagne de 2012 : il y a eu à minima un tour de passe-passe financier entre l'UMP, le candidat Sarkozy et la société Bygmalion. L'enquête de France 2, diffusée hier soir, le montre : les faits de fraude sont accablants ; seule la question des responsabilités précises des uns et des autres reste en suspens.

Mais jusqu’ici, la campagne victorieuse de Nicolas Sarkozy cinq ans plus tôt, en 2007, n’avait pas fait l’objet des mêmes soupçons. Nicolas Sarkozy l’avait emporté largement contre Ségolène Royal, 53% contre 47%. Fin de l'histoire ? Peut-être pas.

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Cette perception est en train de changer, sous les tirs croisés d'un attelage insolite : Médiapart d'un côté, les amis de Jean-François Copé de l'autre.

Médiapart, d'abord. Le site dirigé par Edwy Plenel révèle l’existence d’un carnet (article payant), qui appartenait à un haut dignitaire libyen, Choukri Ghanem. Cet ancien ministre du pétrole, décédé depuis, aurait consigné dans ce carnet le compte-rendu d'une réunion entre des proches de Mouammar Kadhafi. La réunion acte le versement des fonds (6,5 millions d'euros) pour la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy. Cela fait longtemps que Médiapart soupçonne des malversations autour de la campagne de 2007. Le site avait déjà publié, en 2012 un document libyen (dont l'authenticité a été remise en cause par le camp Sarkozy, sans succès), validant un soutien financier de 50 millions d'euros au candidat de l'UMP en 2007.

De leur côté, les amis de Jean-François Copé apportent un renfort inattendu à Médiapart. Un très proche de Copé, Jérôme Lavrilleux, (mis en examen dans l'affaire Bygmalion) évoque désormais des versements en liquide pendant la campagne de 2007. Dans le Monde daté d’aujourd’hui, il indique avoir reçu le témoignage d’un employé au siège de l’UMP qui dit la chose suivante :

"Jérôme, ça gueule dans les couloirs, il va y avoir une grève, car cette fois-ci on n'a pas eu de primes en liquide (...) pour la présidentielle, la tradition c'est qu'on a entre un mois et deux mois de salaire en liquide... (...) Les gens pense que c'est vous (la direction de l'UMP) qui avez gardé l'argent"... Et Lavrilleux de poursuivre : "en 2007, selon leur grade, [les collaborateurs] sont tous passés dans le bureau de [Claude] Guéant, pour avoir leur lot, avec un mois, deux mois de salaire".

Mise sous scellés des archives

Il nous revient maintenant un détail, qui semblait anodin à l’époque. Au moment où l’affaire Bygmalion éclate dans la presse, en 2014, Jean-François Copé prononce une allocution pour se défendre. Il est à l'époque patron de l'UMP. Alors que la controverse Bygmalion concerne uniquement la campagne de 2012, il prend cette décision curieuse : celle de placer sous scellés les archives UMP de la campagne de 2012 ET de celles de 2007. Écoutez, c'était le 3 mars 2014 :

JF Copé le 3 mars 2014 - Billet politique

13 sec

Pourquoi évoquer les "archives" de 2007 ? Était-ce à l’époque un chantage implicite contre Nicolas Sarkozy ? Une sorte d’assurance-vie, sur le mode "si tu m’enfonces pour 2012, je déballe pour 2007" ?

Bien sûr, tout cela est à placer dans le contexte d'une lutte à mort entre sarkozystes et copéistes, qui se rejettent la responsabilité de la fraude de 2012. Mais l'intention de Jean-François Copé n'est sans doute pas (uniquement) d’ajouter un bombe judiciaire pour Nicolas Sarkozy.

C’est aussi de détruire le mythe du sarkozysme. Dans l’imaginaire des fans de l'ancien président, la victoire de 2007 est celle de César : une campagne menée tambour battant, un score large, pas d'erreur stratégique majeure. Une campagne "propre". Allons plus loin : cette campagne de 2007, c'était jusqu’ici la seule "campagne-référence" à droite depuis 20 ans. Les comptes de l’élection de 1995 furent insincères, mais validés par le conseil constitutionnel. L’élection de 2002 était atypique avec la qualification de Jean-Marie Le Pen… 2007 restait donc une sorte de modèle. Sans accroc. C'était par ailleurs la seule fois, depuis 1974, où un candidat de droite réussissait à succéder à un président de droite, hors cohabitation. Le mythe du sarkozysme s'est construit sur cette "culture de la gagne" revendiquée. Entacher l’élection 2007, c'est ébrécher le récit du sarkozysme triomphant. Et réviser le mythe politique. Ou ce qu’il en reste.

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