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Une affiche de campagne du Parti animaliste. En 2019, la formation a rassemblé 490 000 voix, soit 2,16% des votes.
Une affiche de campagne du Parti animaliste. En 2019, la formation a rassemblé 490 000 voix, soit 2,16% des votes. ©Maxppp - Richard Mouillaud
Une affiche de campagne du Parti animaliste. En 2019, la formation a rassemblé 490 000 voix, soit 2,16% des votes. ©Maxppp - Richard Mouillaud
Une affiche de campagne du Parti animaliste. En 2019, la formation a rassemblé 490 000 voix, soit 2,16% des votes. ©Maxppp - Richard Mouillaud
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Comment la cause animale s'est imposée dans la campagne des élections municipales.

Les chiens et les chats sont devenus des personnalités politiques comme les autres. 

C'est par exemple un jeune félin qui figure sur la liste municipale des Insoumis à Rennes. C'est aussi un joli toutou au regard implorant qui trône sur l'affiche du Parti animaliste. 

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Alors, à force de qualifier nos dirigeants d' « animaux politiques » (le « zoon politikon » cher à Aristote), la réalité nous aurait-elle rattrapés ? 

Pourquoi les animaux sont-ils devenus à ce point des arguments électoraux ? 

Cela va d'ailleurs bien au-delà du matériel de communication ; cela se niche aussi au cœur des programmes. 

A Paris, Rachida Dati promet un "parc canin par arrondissement". 

La majorité d'Anne Hidalgo a voté pour un monument en hommage aux animaux morts pendant la guerre. 

Chez les Insoumis, la candidate Danielle Simonnet promet l'interdiction de la pêche à Paris. Et face à la prolifération des rats, plutôt que de les tuer, elle veut les repousser "en plantant de l'eucalyptus ou de la menthe", plantes que les rongeurs rejettent. 

A Montpellier, Europe Ecologie Les Verts s'est allié avec le Parti animaliste pour proposer la fin des subventions aux associations de chasse et de tauromachie. 

D'autres signent la charte que propose L214, une association de défense de la cause animale. Cette charte (une sorte de label, comme jadis Nicolas Hulot en attribuait pour la protection de l'environnement) prévoit par exemple qu'un conseiller municipal soit nommé délégué à la protection animale. 

C'est un lobby - dans le sens non péjoratif du terme. Le lobby animal pèse de plus en plus. 

Et les candidats l'ont bien compris... 

La politique, contrairement à ce que l'on prétend, n'est pas coupée de la société. Les candidats ont perçu la montée des préoccupations quant au bien-être animal. Selon l'institut IFOP, 89 % des Français sondés jugent importante la cause animale, et 38 % affirme qu'elle peut changer leur vote. 

Ces dernières années, les protestations se sont multipliées contre la corrida, contre le foie gras, la présence d'animaux dans les cirques. La contestation frappe aussi les pratiques des abattoirs ; les vidéos clandestines tournées par des associations se propagent sur les réseaux sociaux. Elles placent chacun face à sa conscience. 

Cette colère épouse le besoin de transparence, l'attention à la santé, l'impératif écologique, qui sont trois tendances de fond de l'époque. Est-ce un hasard, si le gouvernement a décidé ces dernières semaines, d'interdire la castration à vif des porcs et le broyage des poussins mâles ? 

Il faut dire qu'on revient de loin. Jusqu'en 2014, l'animal était juridiquement considéré comme un meuble (comme un "bien meuble", précisément). Avant qu'il ne devienne aux yeux de la loi un "être vivant doué de sensibilité". 

Au delà des raisons de fond, cette conversion à la cause animale a aussi des cause plus... électorales. 

Toutes les formations politiques ont bien noté que le Parti animaliste a réuni plus de 2% des voix aux dernières élections européennes, soit presque 500 000 votes, c'est une première. 

Depuis, une loi a été votée, qui interdit d'utiliser l'image d'animaux sur les bulletins de vote. Il ne faudrait pas que vous soyez attendri au dernier moment dans l'isoloir. 

Attendri... Car c'est aussi ce sentiment que veulent susciter les responsables politiques. Dans un contexte de défiance, ils ont besoin d'adoucir aux yeux des électeurs. 

Ces dernières années, les politiques publiques ont parfois consisté à diminuer les droits sociaux, à restreindre l'accueil des étrangers, à couper dans les dépenses pour tailler le déficit. 

Dès lors, paradoxalement, pour s'humaniser, rien de tel qu'un animal. C'est la version politique des "chatons mignons" que vous regardez sur internet pour oublier une sale journée. 

« Qui n'aime pas les bêtes, n'aime pas les gens » disait le vieux dicton. « Qui aime les bêtes, aime les gens », veulent nous dire ces candidats.

Peut-être avez-vous vu Marine Le Pen poser avec ses chats. Ce n'est d'ailleurs pas une nouveauté. Les présidents successifs ont tenu à montrer leur amour des bêtes. Baltique, Sumo, Philae, Némo... furent les atouts canins de Mitterrand, Chirac, Hollande et Macron.

Les animaux, c'est 30 millions d'amis, mais encore plus d'électeurs. 

Fut un temps, l'on parlait de « la droite la plus bête du monde ». Aujourd'hui, "bête" ne serait plus forcément une insulte.

Frédéric Says

L'équipe