Comment se fier à une information ? Question déterminante en ces temps d’élections, et alors que nos sources se démultiplient et évoluent, en particulier les réseaux sociaux. On parle beaucoup de "fake news", d’informations trompeuses, mais le champ est plus large et Le Monde, notamment, réagit.
- Henri Verdier Ambassadeur pour le numérique de la France
- Olivier Ravanello président de l'association Journalistes associés qui édite le média d'information Explicite
- Samuel Laurent journaliste au Monde, ancien responsable de la rubrique "Les Décodeurs"
- Jean-Marie Charon sociologue, spécialisé dans l'étude des médias et du journalisme, chercheur à l'EHESS
L'idée du Monde est née fin 2015, alors que les rumeurs s’amplifiaient encore après les attentats. Elle aboutit ce mercredi à "Décodex", une base de 600 sites référencés par degré de fiabilité. Des sites avant tout français, mais aussi anglais, américains et allemands, distingués par 5 couleurs : du rouge au vert. Désinformation, propagande, réinformation, parodie, chacun pourra identifier ces pages via un moteur de recherche sur le site du quotidien, grâce à une extension pour des navigateurs internet et avec l’aide d’un automatisme à installer sur la messagerie de Facebook.
A l’origine de ce projet, Samuel Laurent, le responsable de la rubrique "Les Décodeurs". Il encourage les internautes et d’autres médias à participer à ce référencement financé par Google, mais reste lucide sur sa portée : "C'est vrai que les gens qui ont les clés de cet écosystème s'appellent Facebook, Google et Twitter, et qu'ils sont parfois dans une attitude un peu schizophrène" :
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Notre but n'est pas de faire la morale ou de dire ce qui est bien ou pas à lire. C'est vraiment de prévenir les gens : attention, là, vous êtes sur un site faux-nez. Un exemple assez parlant, c'est IVG.net. C'est ce fameux portail qui ressemble à un site d'information sur l'IVG normal, mais qui en fait est tenu par des militants catholiques, avec derrière un standard téléphonique, où vous pensez avoir à faire à un conseiller et où vous avez à faire à un militant catholique qui vous dissuade d'avorter.
A lire : Pourquoi il faut arrêter de parler de « fake news » (Le Monde)
Après l’élection de Donald Trump et de sévères critiques des autorités allemandes, en particulier le ministre de la Justice Heiko Maas, Facebook commence tout de même à se remettre en question : le réseau aux près de 2 milliards d’utilisateurs actifs se met progressivement à afficher des sources d’articles et à valoriser les médias reconnus et anciens. Il teste en Allemagne un outil de filtre, en lien avec une société de vérification des informations tierce. Mais Facebook lui-même ne se reconnaît pas comme un média.
"L'âge de l'innocence numérique est fini"
En France, pas de crainte officielle à ce sujet pour la campagne de la présidentielle. Et pas de réunion spéciale jusqu’ici avec Facebook ou Google, affirme Henri Verdier, le directeur interministériel du numérique. Même si le secrétaire général pour la défense et la sécurité nationale déclarait il y a quelques jours dans "Le Monde" que "Nous allons mettre en place, pour le Conseil constitutionnel et le ministère de l'intérieur, dès le début de la campagne officielle, une veille sur les réseaux sociaux". Louis Gautier d'ajouter : "Cette veille ne porte pas sur les contenus (...) Il s'agit exclusivement de détecter d'éventuelles perturbations ou anomalies, comme le référencement forcé de messages par le biais de robots".
"Je ne crois pas qu'il existe en France actuellement de robots particulièrement dédiés à la campagne présidentielle, qui essayent de déformer les réponses de Google ou de Youtube face à une recherche. Mais cela pourrait arriver. C'est facile !", précise Henri Verdier, dans son bureau dans le même immeuble que le CSA. Et d'estimer que :
Ces plateformes vont devoir prendre leurs responsabilités et les gouvernements vont devoir apprendre à les réguler, donc on regarde. Mais il faut trouver des principes de régulation qui respectent la liberté d'expression et la neutralité de ces plateformes. Et personne n'a envie de créer une commission de censure.
En attendant cette régulation, pour la première fois en France, une cinquantaine de journalistes aguerris viennent d’investir les réseaux. Des anciens d’Itélé associés autour du nom d’ Explicite, comme l’expliquait il y a quelques jours, en conférence de presse, Olivier Ravanello :
"Investir les réseaux sociaux avec Explicite parce que le moment l'exige et parce que c'est dans le sens de l'histoire de notre métier."
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"Je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui ce soit quelque chose de très intégré, y compris chez les jeunes journalistes"
Le sociologue et spécialiste des médias Jean-Marie Charon se félicite de ces premières expériences sur les réseaux sociaux. Mais il estime que les médias français se lancent bien tard et avec un lien encore trop vertical par rapport à leur public. Contrairement par exemple selon lui au quotidien The Guardian, qui a déployé une équipe d’une dizaine de journalistes uniquement pour interagir sur les réseaux sociaux, avec un rédacteur en chef dédié :
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Il me semble que l'on est dans une situation où les médias paient un peu ce qu'a été leur pratique en matière de numérique. C'est-à-dire que dans un premier temps, il y a une tendance à considérer un peu que l’information traitée sur le numérique ne méritait pas la même attention, et surtout, on avait pas forcément une vigilance à ce qui circulait sur les réseaux sociaux.
Dossier d'Eric Chaverou
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