1940-1943 : unir la lutte : épisode 1/4 du podcast Résistance, mais où sont passés les "jours heureux" ?

Le Conseil national de la Résistance se réunit pour la première fois à Paris, 48 rue du Four, le 27 mai 1943
Le Conseil national de la Résistance se réunit pour la première fois à Paris, 48 rue du Four, le 27 mai 1943 - Fondation de la Résistance
Le Conseil national de la Résistance se réunit pour la première fois à Paris, 48 rue du Four, le 27 mai 1943 - Fondation de la Résistance
Le Conseil national de la Résistance se réunit pour la première fois à Paris, 48 rue du Four, le 27 mai 1943 - Fondation de la Résistance
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Comment unir ce qui est désuni ? Qui étaient ces résistants français devenus la Résistance française en 1943, en parvenant à unifier au sein du Conseil national de la Résistance les différents mouvements résistants, en dépit de leurs profondes divergences politiques ?

Avec
  • Laurent Douzou Professeur d'histoire contemporaine à l'Institut d'études politiques de Lyon, spécialiste de l'histoire et de la mémoire de la France des années noires, biographe de Lucie Aubrac.

Le mot est ancien, il viendrait du XIIIe siècle : résistance. Mais  il avait alors tendance à prendre un E et non un A. "Résistence" c'est ainsi que l'écrit Mahieu le Vilain maître ès arts de l'Université de Paris, quand il traduit Les météores d'Aristote. La "résistence" est, selon lui, "la qualité par laquelle un corps résiste à l'action d'un autre corps". Le mot évolue dans l'univers de la physique, de la chimie, de l'électricité et même de la gastronomie. Un plat de résistance est un plat où il y a beaucoup à manger. Il y a également de l'amour dans la résistance, oui, quand la résistance s'oppose à des sollicitations trop pressantes. Et puis, il y a de la politique quand se forme à l'Assemblée un parti de résistance et lors de la Seconde Guerre mondiale, la résistance est le mouvement qui découle de l'action clandestine menée contre les armées allemandes d'occupation et les gouvernements qui les soutiennent. Le mot change donc de sens, mais comme tous les mots d'ailleurs, selon le contexte dans lequel il est employé. Mais dans tous les cas, quand il s'agit de définir le mot résistance, il est question de force, et surtout, il est question d'actions. 

Nous recevons ce matin Laurent Douzou, professeur émérite des universités à Sciences po Lyon. Il est spécialiste de l'histoire et de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et en particulier de la Résistance intérieure française. Il est notamment l’auteur d’une biographie de Lucie Aubrac parue en 2009 aux éditions Perrin et il est le co-auteur, avec Sébastien Albertelli et Julien Blanc, de La lutte clandestine en France. Une histoire de la Résistance 1940-1944, paru aux éditions du Seuil en 2019.

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En 1940, le mot « résister » n’est presque pas employé. Les pionniers vont plus souvent dire : « il faut faire quelque chose ». Ce qui est très intéressant car c’est indéterminé et au fond, ils ne savent pas bien ce qu’ils vont faire mais ce qu’ils savent c’est qu’il faut faire quelque chose. La première étape est de se convaincre soi-même qu’on peut faire quelque chose : c’est donc un travail avant tout intime qui est à mener. Ce qui est paradoxal car pour nous la Résistance fait aujourd’hui écho à une expérience collective, alors que cela commence dans le for intérieur de la conscience de chacun. Puis les premiers « noyaux de résistance » - selon le terme utilisé par Germaine Tillion – vont se former très progressivement. Laurent Douzou

La grande richesse de la Résistance, c'est qu'on y trouve des gens qu'on n'y attendait pas spontanément. Ce n'est pas un phénomène rationnel, au sens où on pourrait dresser un profil type. On ne recrute pas dans la Résistance sur grand oral ou sur curriculum vitae. On recrute sur ce que les gens veulent faire et sont capables de faire. (...) Mais la Résistance n'est pas un monde idéal dans lequel ses membres s'entendraient tous parfaitement. Ils sont d'accord sur un but : il faut chasser les Allemands hors de France. Petit à petit, l'accord se fait sur le rejet de Vichy. Mais c’est un combat permanent entre les gens qui sont partie prenante de cette Résistance, c'est à dire que ça n'efface pas du tout les oppositions qu'il y avait antérieurement. Elles sont atténuées parce qu'il y a un but qui domine tous les autres. La question est : "Est-ce que ces divergences sont plus fortes que l'ennemi auquel nous sommes confrontés ?". Et la réponse que ces gens apportent face à une répression croissante entre 1942 et 1944 est : "Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise, mais la lutte terminée, nous reprendrons nos joutes d'avant-guerre". Laurent Douzou

Sons diffusés : 

Musique : La complainte du partisan, d'Anna Marly

Archives : 

  • Lucie Aubrac, dans Mémoires du siècle, sur France Culture, le 03/08/1992
  • Claude Alphandéry, dans A voix nue, sur France Culture, le 28/03/2016 
  • Extrait du téléfilm Alais Caracalla, réalisé par Alain Tasma, en 2013

Générique de l'émission : Origami de Rone

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