Aux prémices du primitivisme

Masques Lega de la collection particulière du galeriste Robert Vallois, Paris le 21/10/2020. Photo :  Joël Saget.
Masques Lega de la collection particulière du galeriste Robert Vallois, Paris le 21/10/2020. Photo :  Joël Saget.  ©AFP
Masques Lega de la collection particulière du galeriste Robert Vallois, Paris le 21/10/2020. Photo : Joël Saget. ©AFP
Masques Lega de la collection particulière du galeriste Robert Vallois, Paris le 21/10/2020. Photo : Joël Saget. ©AFP
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L'art, alors qualifié de “nègre”, “primitif” ou “tribal”, connaît un engouement fort en Europe dans la première moitié du XXe siècle. Outre son esthétisme, sa charge magique et symbolique fascinent. Il s'inscrit dans l'histoire coloniale et participe de la construction de la figure du primitif.

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Qu’est-ce que le primitivisme ? Dans ce mot, nous entendons « primitif ». En 1919, Henri Clouzot et André Level publient « L'art nègre et l'art océanien ». Dans l’avant-propos, ils écrivent : « L’art des peuplades sauvages n’a guère relevé, pendant longtemps, que de l’ethnographie pour laquelle il était un accident, en marge de la religion et des mœurs. » Ils précisent : « Peut-on faire le grief aux explorateurs de ne pas se montrer toujours d’artistes collectionneurs, alors qu’ils ont tant d’autres qualités – diplomates, militaires, économiques – à déployer ? » Dans leur ouvrage, ils font le constat que « malheureusement c’est une branche de connaissances tardive, datant à peine de quelques dizaines d’années ». Depuis, le temps a passé et la science a progressé : art « nègre », « tribal », « premier », « primitif », où en sommes-nous avec le primitivisme ? Xavier Mauduit

En 1984, le Museum of Modern Art de New York présentait dans l'exposition « Primitivism » plus de deux cents pièces d’Afrique, d’Océanie et d’Amérique aux côtés d’œuvres signées Picasso, Matisse, Nolde ou Giacometti. Ces œuvres considérées notamment pour leur caractère « tribal » ou « primitif » servent alors de faire-valoir artistique pour les avant-gardes européennes. Pour mieux comprendre l'histoire plurielle du primitivisme, l'historien de l'art Philippe Dagen poursuit l’analyse de ce qu'il définit comme l’ensemble des manifestations artistiques qui s’arment du primitif contre la société moderne. Tout en rappelant que la notion de primitif est indissociable de la colonisation et de l'appropriation occidentale d'œuvres, Philippe Dagen fait une histoire matérielle et intellectuelle des primitivismes, essentielles selon lui pour en comprendre ses composantes esthétiques.

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Comment se construit la notion de primitivisme aux XIXe et XXe siècles ? Quels rôles jouent les deux guerres mondiales dans son évolution ? Comment éviter aujourd'hui de regarder l’Afrique à travers Picasso ? Enfin, assiste-t-on aujourd’hui à la fin du primitivisme ? 

Avec Philippe Dagen, professeur d’histoire de l’art à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et critique d’art au journal Le Monde_._ Il est l'auteur de Primitivismes II. Une guerre moderne (Gallimard, 2021) et commissaire de l’exposition “ Ex Africa” qui se tiendra au musée du quai Branly et que vous pourrez visiter dès que les musées rouvriront. 

On n'emploie pas l'expression "art nègre" dans les années 1880 - 1890. Le mot commence à apparaître peu avant la Première Guerre mondiale dans des milieux essentiellement anglophones ou francophones. Le terme ne prend sa pleine ampleur qu'après la Première Guerre mondiale où il devient d'un usage commun, mais pas seulement dans le domaine de l'art visuel. Vous avez des livres qui s'intitulent "Les nègres". Par "nègre", il faut entendre les populations placées sous le régime colonial qu'il soit français, britannique, belge... Peu importe : ce sont "les nègres" ! Philippe Dagen

Sons diffusés :

  • Archive - 04/11/1984 - Désirs des arts - Interview de William Rubin à l'occasion de l'exposition Primitivism au MoMA à New York
  • Archive - 1964 - Charles Ratton, collectionneur, marchand d'art et galeriste. 
  • Archive - 24/05/1958 - Voyage sans passeport - Les bamouns. 
  • Archive - 1947 - Antonin Artaud, Pour en finir avec le jugement de Dieu
  • Archive - 1967 - Alejo Carpentier interviewe le peintre Wilfredo Lam. 

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