L'appellation "danse traditionnelle" caractérise un ensemble de danses collectives d’origine rurale et souvent porteuses d’identités régionales. Comment retracer l’histoire de cette expression populaire, de ses évolutions et de son rapport à l'Église ?
- Yves Guilcher Chercheur, musicien et danseur-instructeur.
- Adrien Belgrano Doctorant au Centre de recherches historiques (CRH) de l’EHESS
Est-il possible de raconter l’histoire des danses traditionnelles ? Carole, bourrée, passepied, sarabande, branle, estampie, ronde, farandole, gigue, rigaudon : elles sont nombreuses, ces danses traditionnelles, que nous projetons dans la profondeur des temps, car leur histoire est souvent méconnue. Puisque la danse est parfois endiablée, comment furent-elles perçues par l’Église ? Comment fut-elle aussi étudiée par les savants : certaines ont été réduites à un élément du folklore, d’autres ont été réinventées quand les danses des ancêtres redeviennent à la mode. Alors, entrez dans la danse, voyez comme on danse : sautez, dansez, embrassez qui vous voudrez ! Xavier Mauduit
La première mention d’une danse appelée bourrée se trouve dans le journal de Jean Héroard, médecin à la Cour. En février 1604, il note que le jeune Louis XIII “danse la bourrée” debout en mangeant. En 1845, George Sand pointe pourtant le caractère populaire et rural de cette danse traditionnelle. Elle écrit : “La danse était plus obstinée que jamais à la ferme. Les domestiques s’étaient mis de la partie et une poussière épaisse s’élevait sous leurs pieds, circonstance qui n’a jamais empêché le paysan berrichon de danser avec ivresse, non plus que les pierres, le soleil, la pluie ou la fatigue des moissons et des fauchailles”. La lecture de ces quelques lignes, extraites du Meunier d’Angibault, interroge. C’est pourquoi nous vous invitons aujourd’hui à un voyage dansant à travers la France d’antan. Est-il possible de dater l’apparition des danses traditionnelles ? Quel fut le rôle de l’Église dans leur histoire ?
Avec Yves Guilcher, chercheur, musicien (il a été membre du groupe Mélusine) et danseur-instructeur. Il travaille sur les danses et musiques traditionnelles. Il est le fils de l’ethnographe Jean-Michel Guilcher qu'il a accompagné dans les campagnes bretonnes, terrains de ses recherches dans les années 1950. Il est aussi fondateur de l’Atelier de la danse populaire (ADP), une association dont l'objet est la recherche sur les danses populaires et traditionnelles et leur enseignement au cours de stages et de cours réguliers. Il est notamment l'auteur de « L’histoire de la danse, parent pauvre de la recherche » (avec Jean-Michel Guilcher) dans Isatis/Cahiers d’ethnomusicologie régionale, Toulouse : Conservatoire occitan, 1994, La danse traditionnelle en France : d’une ancienne civilisation paysanne à un loisir revivaliste (Parthenay, FAMDT Éditions, 1998) et coauteur avec Solange Panis et Naïk Rivart de l'ouvrage Le Berry et ses bourrées (Geste Éditions, 2016).
Avec Adrien Belgrano, doctorant au Centre de recherches historiques (CRH) de l’EHESS, sa thèse s'intitule : “Condamnations et appropriations de la danse par les élites laïques et les autorités religieuses en Occident entre le XIIe et le XIVe siècle” sous la direction de Marie Anne Polo de Beaulieu. Il est notamment l'auteur de “De l’ordre cosmique au rituel diabolique : l’Église et la danse au Moyen âge” dans Nouvelle histoire de la danse en Occident de la préhistoire à nos jours (Seuil, 2020, pp. 51-61) et “Danses profanes et lieux sacrés au Moyen âge central. Les danses dans les cimetières, entre contrôle social et négociations” dans European Drama and Peace studies, 2017, n°8, “Danse et morale une approche généalogique”.
Pour l'histoire de danse récréative nous n'avons d'informations, de documents, d'archives, que pour la société qui écrit, la société dominante. Même là où nous avons une évocation de danse populaire, paysanne ou une représentation de danse des bergers, elle émane toujours de la société dominante. Nous n'avons pas de témoignage des bergers sur leurs propres danses. C'est donc le regard d'une société sur une autre avec ce qu'il trahit parfois de volonté de distinction. Yves Guilcher
La danse est considérée comme une insulte envers Dieu. Dès l'Antiquité tardive, on vient danser sur les tombes des saints et les Pères de l'Église essayent de mettre cela à distance. L'idée que les fidèles ne doivent pas danser pendant les fêtes religieuses, que c'est une offense à Dieu puis, plus tard, que c'est un rituel diabolique, va être répétée, réaffirmée, à tel point qu'au Moyen Âge central, l'idée que la danse est une offense devient plus importante que l'idée de luxure. Adrien Belgano
Sons diffusés :
- Lecture par Mélodie Orru d'un extrait du Traité contre les danses (1769) de François-Louis Gauthier.
- Archive - 1973 - ORTF - Interview de jeunes gens et de personnes âgées qui organisent les ballets occitans.
- Archive - 1982 - Radio Bretagne Ouest - 1982 - Costumes de danse bretonne et fest-noz.
- Lecture par Mélodie Orru de la parole du médecin breton Alfred Fouquet citée dans La contredanse : un tournant dans l'histoire française de la danse (Édition Complex, 2003, pp. 153-154.)
- Extrait du téléfilm (TF1, 1982) La petite Fadette d'après l'œuvre de George Sand.
- Musique - Francis Blanche - Nous n'irons plus au bois.
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