

Du VIIIe au XIe siècle, la culture chinoise inspire l'élite japonaise qui y voit un signe de distinction et un instrument de pouvoir. Comment se déroule le processus de sinisation de l'archipel japonais ? Est-ce une influence mutuelle ou à sens unique ?
- Pierre-François Souyri Historien, spécialiste du Japon ancien et contemporain
En 1906 paraît Paix japonaise : le Japon et la paix de l'Extrême-Orient, un ouvrage signé Louis Aubert. L'année précédente, le Mikado, empereur du Japon, a mis une raclée au tsar, lors de la guerre russo-japonaise. L’auteur nous explique que "le prestige du Japon en Asie orientale tient à la réussite d’un programme d’éducation. En moins de cinquante ans, il a su prendre de la science européenne ce qui donne la force, tout en sauvegardant son ancienne civilisation qui, presque entièrement est d’origine chinoise". La civilisation chinoise et le prestige du Japon, c’est l’histoire de deux puissances qui se regardent.
Premiers contacts
Au début de la dynastie des Tang, au VIIe siècle de notre ère, la Chine rayonne. Tout juste réunifiée, elle prospère économiquement, multiplie les avancées technologiques et innove dans les domaines des arts et des idées. Si des contacts ont déjà eu lieu avec le Japon voisin, ceux-ci sont ponctuels et la diffusion de la culture chinoise sur l’archipel se fait progressivement. "Les premiers contacts remontent aux époques très anciennes. On sait qu'il y a eu des ambassades dès le Ier-IIe siècle composées de membres de l'aristocratie locale, qui se rendaient en Chine pour remettre le tribut selon les règles de la diplomatie internationale à cette époque-là, en échange de reconnaissance", décrit l'historien Pierre-François Souyri.
L'approfondissement de la sinisation
Aux VIe et VIIe siècles, cette influence de la culture chinoise au Japon grandit considérablement. Les Japonais valorisent les apports de la culture chinoise dans tous les domaines : administratif, politique, mais aussi culturel et religieux. De véritables délégations diplomatiques japonaises sont mises en place et envoyées en Chine pour familiariser savants, moines et étudiants avec la culture de l’empire du Milieu : le bouddhisme, le néo-confucianisme, l’écriture chinoise, sa doctrine juridique…
"L'importance de la civilisation chinoise est parfaitement comprise par les élites japonaises au cours de cette époque dite ancienne. Mais très vite, on assiste à des phénomènes de 'japonisation'" à partir du IXe siècle, conclut Pierre-François Souyri, "pour une raison bien simple, c'est que l'empire Tang est entré en décadence et qu'il n'attire plus comme autrefois. Il n'a pas le prestige qu'il avait autrefois auprès des Japonais. (Ceux) qui vont en Chine reviennent assez déçus en disant qu'ils ne sont pas plus avancés qu'eux".
Peut-on, dès lors, parler de "sinisation" du Japon à cette période ? Ces échanges se font-ils dans les deux sens, ou sont-ils unilatéraux ? Et comment cette "sinisation" influencera-t-elle sur les relations futures des deux empires ?
Notre invité
Pierre-François Souyri est historien, spécialiste du Japon ancien et contemporain, professeur honoraire à l’université de Genève. Il a notamment publié :
- L’Esprit de plaisir. Une histoire de la sexualité et de l’érotisme au Japon. XVIIe-XXe siècles (avec Philippe Pons, Payot, 2020)
- Les Guerriers dans la rizière. La grande épopée des samouraïs (Flammarion, 2017)
- Moderne sans être occidental. Aux origines du Japon d’aujourd’hui (Gallimard, 2016)
- Kamikazes (avec Constance Sereni, Flammarion, 2015)
- Samouraï, 1000 ans d’histoire (Presses universitaires de Rennes, éditions Château des Ducs de Bretagne, 2014)
- Japon colonial 1880-1930. Les voix de la dissension (sous sa direction, Les Belles-Lettres, 2014)
- Histoire du Japon médiéval, le monde à l’envers (Perrin, 2013)
- Nouvelle histoire du Japon (Perrin, 2010)
Sons diffusés dans l'émission
- Archive de Pierre Tchernia à Tokyo qui interroge une petite fille sur l'écriture japonaise pour la RTF le 26 décembre 1968
- Archive sur le bouddhisme au Japon dans le Journal des Actualités françaises le 5 juillet 1978
- Extrait du film 47 Ronin de Carl Erik Rinsch, sorti en 2013
- Chanson Mo Li Hua écrite sous l'empereur Qianlong de la dynastie Qing au XVIIIe siècle
Générique de l'émission : Origami de Rone
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