Clubs et sociétés populaires, la Révolution prend parti : épisode 2/3 du podcast Histoire des partis politiques

Club patriotique des femmes par le dessinateur Jean-Baptiste Lesueur, 1789-1795
Club patriotique des femmes par le dessinateur Jean-Baptiste Lesueur, 1789-1795 ©Getty - DeAgostini
Club patriotique des femmes par le dessinateur Jean-Baptiste Lesueur, 1789-1795 ©Getty - DeAgostini
Club patriotique des femmes par le dessinateur Jean-Baptiste Lesueur, 1789-1795 ©Getty - DeAgostini
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Dans l'effervescence révolutionnaire de 1789 émerge une nouvelle forme de sociabilité. Citoyennes et citoyens se réunissent en sociétés pour discuter d'idées politiques à défendre et mettre en œuvre. Est-ce le ferment des partis politiques tels que nous les connaissons aujourd’hui ?

Avec
  • Jean-Clément Martin historien, professeur émérite de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  • Annie Duprat Historienne, professeure émérite d'histoire moderne à l'Université de Cergy-Pontoise

Dans l'effervescence de la Révolution française, peut-on dire que naissent les partis politiques ? Pour qu'il y ait parti, il faut une communauté d'idées, des gens qui se retrouvent, qui discutent. Il faut une organisation aussi. Allez, c'est parti ! la Révolution prend parti.

En 1789, alors que la France entre en Révolution, une nouvelle forme de sociabilité émerge. En un an, une vingtaine de clubs politiques ou autres sociétés patriotiques s’organisent autour des affinités politiques de leurs membres : Société des amis de la Constitution - futur Club des Jacobins -, Cercle social, club des Cordeliers

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"À partir de l'été 1789 naît quelque chose de tout à fait nouveau, 'les révolutions municipales', c'est-à-dire des comités différents des municipalités, qui s'appuient sur les assemblées de (leurs) électeurs pour les états généraux. Ils créent ces groupes de réflexion qui deviennent des clubs. Il y en a partout, de toutes les opinions possibles et imaginables, pas seulement des clubs patriotes, ce qu'on appelle traditionnellement révolutionnaires, mais aussi des clubs hostiles aux réformes, qui seront des clubs contre-révolutionnaires", décrit l'historien Jean-Clément Martin.

Dès 1790, les sociétés parisiennes et en particulier le club des Jacobins essaiment à travers le territoire. Les sociétés autonomes ou affiliées à une société mère se multiplient et constituent un réseau de relais politiques locaux qui œuvrent à l’information des citoyens et à leur formation politique. Des comités de surveillance locaux apparaissent pour défendre la Révolution.

"En 1791, la loi Le Chapelier interdit de garder les clubs et organisations. Il y a ce creux d'un an ou deux, où la vie politique locale est un peu muselée", explique Jean-Clément Martin. "Ça reprend en 1793 avec la Convention qui a besoin de toutes ces sociétés qu'on appelle 'populaires' puis le virage du printemps de 1794, quand Saint-Just estime que les militants des clubs ne sont là que pour le pouvoir. C'est la fin programmée des sociétés populaires, le contrôle complet par le gouvernement, l'État, la Convention."

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À l’image d’Olympe de Gouges ou de Rosalie Jullien, les femmes prennent part au mouvement révolutionnaire et sont nombreuses à s’impliquer dans la vie philosophique et politique dès 1789. Elles animent des journaux politiques, publient des pièces et des pamphlets, n’hésitent pas à s’affirmer face à des assemblées masculines.

En mai 1793, Pauline Léon et Claire Lacombe créent la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires. Réservée aux femmes, cette société compte cent-soixante-dix membres, dont la plupart sont marchandes, ouvrières, domestiques ou employées. Elles revendiquent leur rôle de citoyenne et le droit de porter les armes pour défendre la république démocratique et sociale. Le 30 octobre 1793, la Convention montagnarde acte la dissolution de toutes les sociétés de femmes.

"Les débats étaient pour beaucoup matériels, parce que, dans la délibération, les femmes sont souvent renvoyées à leur foyer. Elles s'occupent de l'approvisionnement, de l'alimentation, elles ont la charge de leurs enfants. Cet aspect domestique du rôle de la femme n'est pas négligeable (...). On voit bien, aujourd'hui encore, à quel point toutes les grandes idées s'arrêtent quand l'estomac est vide et quand on ne peut pas le remplir", souligne l’historienne Annie Duprat. "Il y a une autre donnée très importante pendant la Révolution, à laquelle on ne prête pas assez attention, c'est la crise frumentaire. La disette était cause au départ et, après 1794 et en particulier en 1795, si les citoyennes envahissent la Convention et (font couper) la tête du député Féraud, c'est qu'elles réclament du pain", ajoute l’historienne. "La Révolution, ce n'est pas que des idées, mais des idées face au réel."

Comment l'apparition des sociétés patriotiques et clubs politiques est-elle favorisée pendant la Révolution française ? Prennent-ils des allures de partis politiques tels que nous les connaissons aujourd’hui ? Quelle est la place des femmes dans ces nouvelles formes de sociabilités ?

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Pour en parler

Annie Duprat est historienne, professeure émérite d’histoire moderne à CY Cergy Paris Université.

Elle a notamment publié :

Jean-Clément Martin est historien, professeur émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Il a notamment publié :

Sons diffusés dans l'émission

  • Chanson Les États Généraux par Claude-Michel Schönberg d'après l'opéra rock La Révolution française
  • Extrait du film Blanc bleu rouge de Yannick Andrei diffusé le 15 janvier 1981 sur TF1
  • Lecture par Marion Malenfant d'un extrait de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d'Olympe de Gouges, 1791
  • Chanson La souveraineté dévolue au peuple, auteur anonyme, 1791
  • Lecture par Marion Malenfant d'un extrait du discours prononcé à la barre de l’Assemblée nationale par Claire Lacombe, le 25 juillet 1792

Générique de l'émission : Origami de Rone

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