La danse est une élément de socialisation. Elle soude les communautés et les couples, mais pourtant il nous arrive de danser seul. L'histoire de la danse en solo, à l'opéra depuis le XVIIe siècle où dans les boîtes de nuit aujourd'hui, nous parle autant de hiérarchie sociale que d'insoumission.
- Jean-Christophe Sevin Sociologue
- Laura Cappelle Sociologue et journaliste (New York Times)
- Marina Nordera Professeure, responsable pédagogique de la section danse à l'Université de Nice
Danser seul, à l’Opéra ou au Macumba ! Qu’elles sont nombreuses ces danses qui se pratiquent en compagnie, le menuet, le rigaudon, la carole, ou en couple, la valse, le tango, le chachacha… Mais depuis quand est-il permis de danser seul ? Le 8 novembre 1858, dans le journal « Le Corsaire », le journaliste Alexandre Weill, un tantinet conservateur, écrit : « Loin de moi de condamner la danse. Bien au contraire, elle est une évolution spontanée du corps, et, de plus, une émanation rythmique de l’âme ». Il ajoute : « Ce qui est contraire à toutes les règles de la danse, sous le point de vue de l’art, c’est le ballet de l’Opéra. Toute danse monologue, soit un homme sans femme, soit une femme sans homme, est contraire aux lois du beau. L’enfant peut danser seul, pour s’essayer ; mais jamais une femme. C’est une danse d’esclave, faire pour exciter l’appétit éteint de vieillards débauchés ». Pour le journaliste, « des femmes qui seules tournoient, font des pirouettes pour montrer leurs jambes et leurs appas, ne rappellent rien de l’art sacré de la danse ». Laissons de côté les grincheux et partons danser, seuls, mais à plusieurs.
C’est le type de vidéos le plus partagé sur l’application TikTok : de jeunes gens dansent, souvent seuls, parfois à plusieurs, face à la caméra. Cela n’est pas une évidence : danses antiques, traditionnelles, ballets, valses, tangos, rock’n’roll ou chachacha se dansent à deux ou à plusieurs. Depuis quand danse-t-on seul ?
Si des intermèdes “solos” existent depuis longtemps, au XVIIe siècle, à la faveur de la professionnalisation de la danse, le soliste prend une importance nouvelle. Mieux encore, la danseuse soliste va peu à peu devenir la figure principale de la danse occidentale : nous en parlons avec nos invitées.
Marina Nordera, danseuse, historienne de la danse, professeure et membre du Centre transdisciplinaire d’épistémologie de la littérature et des arts vivants (CTEL) à l’Université Côte d’Azur. Elle a obtenu un doctorat en Histoire et civilisation à l’Institut Universitaire Européen de Florence. Ses recherches portent sur l’histoire culturelle de la danse entre le XVe et le XVIIIe siècle, sur l’historiographie de la danse et le genre, et sur la méthodologie de la recherche en arts vivants. Elle a notamment publié avec Claire Rousier La Construction de la féminité dans la danse (catalogue de l’exposition à Paris, Centre National de la Danse, 2004) et dirigé avec H. Marquié, “Perspectives genrées sur les femmes dans l’histoire de la danse”, numéro spécial de Recherches en danse, N°3, 2015.
Et Laura Cappelle, sociologue et journaliste, elle est aujourd’hui chercheuse associée au Centre de recherche sur les liens sociaux (CERLIS) et travaille comme critique de danse et de théâtre pour le New York Times, le Financial Times ou encore Dancing Times. Elle a dirigé Nouvelle histoire de la danse en Occident. De la Préhistoire à nos jours (Seuil, 2020), ouvrage collectif dans lequel sont intervenues Marie-Hélène Delavaud-Roux, Marie-Hélène Garelli, et Marina Nordera que nous recevons cette semaine.
Nous poursuivons notre exploration du solo du côté du dance floor, et de la démocratisation de la danse solitaire. Notre invité, Jean-Christophe Sevin, nous parle de la techno, des raves et des free parties, et de cette nouvelle façon de danser à la fois seuls et ensemble. Jean-Christophe Sevin, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, membre du Laboratoire Culture et Communication de l’Université d’Avignon. Ses recherches portent sur les circulations et les transformations des formes musicales populaires. Après avoir enquêté sur les réceptions politiques et culturelles de la musique techno dans l’espace français, il travaille actuellement sur les dynamiques translocales du reggae et du continuum des musiques issues du sound-system.
La question du regard sur la femme qui danse seule traverse toutes les sources et les témoignages depuis l'Antiquité jusqu'au Moyen Âge et jusqu'au XVe, XVIe et XVII siècle. Ce qui change avec la profession féminine qui s'affirme au cours du XVIIe et surtout du XVIIIe siècle, c'est cette possibilité pour la danseuse de prendre en main la création de son solo, la structuration autour d'elle d'un système de formation, de transmission de la danse en solo et une hiérarchisation des rôles au sein de l'opéra. Marina Nordera
Sons diffusés :
- Extrait du film Le roi danse (2000) réalisé par Gérard Corbiau.
- Lecture par Mélodie Orru d'une Chronique parue dans Le Mercure de France en mai 1726. Interprétation des Caractères de la danse par Marie Anne de Cupis.
- Archive - 1987 - Les Nuits magnétiques - Isadora duncan ou la salomé du 20ème siècle.
- Extrait du film Billy Elliot (2000) réalisé par Stephen Daldry.
- Musique - Ballets sans paroles de Jean-Féry Rebel (1666-1747) - Prélude.
- Musique - IAM - Je danse le Mia.
- Musique - La Bagarre - Danser seul.
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