Des suffragettes au MLF, quand les femmes rendent coup pour coup : épisode 4/4 du podcast Sécurité, sûreté, liberté, une histoire

Une étudiante de l'Université York (Toronto, Canada) en cours de self-defense, 1982. Photo : Bob Olsen.
Une étudiante de l'Université York (Toronto, Canada) en cours de self-defense, 1982. Photo : Bob Olsen.  ©Getty
Une étudiante de l'Université York (Toronto, Canada) en cours de self-defense, 1982. Photo : Bob Olsen. ©Getty
Une étudiante de l'Université York (Toronto, Canada) en cours de self-defense, 1982. Photo : Bob Olsen. ©Getty
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C’est une histoire de dominants et de dominées, de droits à conquérir et de stéréotypes à renverser. Engagées corps et âmes pour leur émancipation, les suffragettes et les féministes ponctuent leur parcours d'actions rebelles, voire d’une violence au féminin, éminemment politique. Debout !

Avec
  • Elsa Dorlin philosophe, professeure de philosophie contemporaine à l’université de Toulouse Jean Jaurès
  • Martial Poirson Historien, professeur d'histoire culturelle à l'Université Paris 8-Vincennes-Saint Denis

Des suffragettes au MLF, les femmes rendent coup pour coup. Au moment où éclate une bagarre, il y a toujours quelqu’un pour s’écrier "Jeu de mains, jeu de vilains !" et un autre pour demander : "Qui a commencé ?" Dans la longue lutte de l’histoire des femmes, la question ne se pose pas, nous savons qui a commencé la violence. (Xavier Mauduit)

En 1909, Edith Garrud fonde le Suffragettes Self Defense Club. Après l’échec du courant modéré du suffragisme se développe un courant radical, antiparlementaire et ouvertement terroriste. Ces femmes n’hésitent pas à recourir à la violence pour faire entendre leurs revendications et pour être considérées comme des interlocutrices sérieuses. Ce recours à la violence expose les suffragettes à une hostilité de l’opinion publique et à une répression de la part de l’État. Face à la violence dont elles sont victimes, l’auto-défense devient une nécessité pour les suffragettes. Edith Garrud entraîne les militantes, les initie au jujitsu et leur apprend à changer des objets du quotidien en armes redoutables. Devant le succès de cette initiative, Edith Garrud forme bientôt le Bodyguard, un service d’ordre secret et exclusivement féminin dédié à la protection des militantes et des figures de proue du mouvement. L’apprentissage de l’auto-défense n’a pas seulement une utilité offensive pour les suffragettes, il leur permet aussi de s’affirmer comme des femmes déterminées, capables de se protéger par elles-mêmes, et de rendre coup pour coup. Elles parlent désormais le même langage politique que les hommes qui leur refusent l’accès à des droits civiques. L’auto-défense apparaît comme un prolongement du discours militant des suffragettes. 

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Comment l’auto-défense permet-elle aux groupes minoritaires de se constituer en interlocutrices légitimes ? Comment cette pratique fait-elle du corps un instrument de lutte politique et militante ? De quelle manière l’auto-défense, prônée par les suffragettes, a-t-elle été mobilisée par les féministes des générations suivantes, jusqu’à aujourd'hui ? 

Avec Elsa Dorlin, philosophe et professeure au département de Sciences politiques de l’Université Paris 8. Elle est notamment l’autrice de La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française (La Découverte, 2006) et de Sexe, genre et sexualités. Introduction aux philosophies féministes (PUF, rééd. 2021), Se défendre une philosophie de la violence (La Découverte, 2017). 

Et Martial Poirson, historien et économiste, il est professeur d’histoire culturelle et d’études théâtrales à l’Université Paris 8. Il a coordonné plus d’une trentaine d’ouvrages et de numéros de revues sur le théâtre, la littérature, le cinéma, les musées, l’économie politique et les cultures populaires. Il est également commissaire d’exposition et dramaturge. Il est notamment l'auteur de Spectacle et économie à l’âge classique (Classiques Garnier, 2011), Politique de la représentation (Champion, 2014) et Comédie-Française, Une histoire du théâtre (Seuil, 2018) et a dirigé l’ouvrage collectif Combattantes. Une histoire de la violence féminine en Occident (Seuil, 2020). 

La question du choix de l'action directe, c'est une façon de critiquer une violence structurelle mais aussi de critiquer et de cibler une complaisance, voire une complicité de l'État. L'État qui serait à la fois cet un interlocuteur vis-à-vis duquel on devrait s'adresser pour revendiquer un droit et, en même temps, l'instance qui organise la privation de ce droit et donc laisse les femmes dans des situations d'asymétrie, d'inégalités, de domination et de dépendance vis-à-vis de leurs maris, de leurs pères mais aussi des patrons et des institutions politiques. Elsa Dorlin

Avec les suffragettes nous avons un moment de visibilité particulière dans l’histoire mais il n’est pas le premier : on pense au mouvement durant la Révolution française des citoyennes révolutionnaires, les tricoteuses qui sont allées à de multiples reprises à l’Assemblée nationale constituante pour revendiquer le droit à porter des armes. On pense aussi, sous la Commune de Paris, aux barricadières, appelées ensuite les pétroleuses. Mais, il est vrai que la spécificité du mouvement des suffragettes, c’est une conscience politique nouvelle de l’impasse de la voie parlementaire ou de la voie démocratique. Martial Poirson

Sons diffusés :

  • Extrait du film Suffragettes (2015) réalisé par Sarah Gavron.  
  • Lecture par Daniel Kenigsberg d’un extrait de Trois Guinées de Virginia Woolf, ouvrage publié en 1938.  
  • Archive – 30/09/1972 – ORTF - Delphine Seyrig.  
  • Archive – 1965 – ORTF - Le journal de la nuit.  Armes pour femmes. 
  • Musique - L'hymne des femmes.  

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