Salauds, meurtriers, gestapistes, bandits, les termes ne manquent pas pour qualifier ces sous-traitants français des exactions nazies. Qu'ils agissent par conviction idéologique ou par opportunisme, retracer leurs itinéraires, c'est dessiner en creux les violences subies par leurs victimes.
- Sylvie Altar Historienne, enseignante et membre du LARHRA (Laboratoire de recherches historiques Rhône Alpes).
- Jean-Marc Berlière Historien spécialiste de la police française, professeur émérite à l’université de Bourgogne et chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CNRS)
Destins de truands sous l’occupation ! Au milieu du mois d’août 1944, un journaliste collaborateur déclare à un de ses amis, en coulisses : « Tu vas voir, c’est la grande peur des bienpensants. Mais crois-moi mon vieux, révolution pour révolution, je saurai choisir celle qui l’emportera ». Il ajoute : « Réveille-toi mon vieux. Hitler est foutu. Il est temps de laisser tomber ». Ces propos, cités par Christian de La Mazière dans « Le Rêveur casqué » sont placés en exergue de l’ouvrage de Jean-Marc Berlière et François Le Goarant de Tromelin, « Liaisons dangereuses : miliciens, truands, résistants, Paris 1944 ». Qui sont les hommes et les femmes, escrocs, petits truands, gangsters, dont le destin a basculé pendant la Seconde Guerre mondiale ? Xavier Mauduit
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’épuration sauvage et la justice se confondent parfois. Les traîtres sont inlassablement recherchés et punis tandis que l’unité nationale se reconstruit autour de la légende dorée de la Résistance. Cependant, la légende dorée vire parfois au roman noir et certains sont près à tout pour faire oublier leur passé de collaborateur ou de milicien afin de se convertir en résistant de la dernière heure. Les rues de Paris sont, à l’été 1944, pleines d’Allemands qui se prétendent Alsaciens et de miliciens qui se prétendent agents doubles. Ces transfuges parviennent à leurs fins grâce à des méthodes souvent peu avouables et sont prêts pour cela aux escroqueries, aux rapines, aux intimidations voire au meurtre.
Pour nombre de ces individus, ce changement de camp tardif ne correspond pas à un abandon de convictions idéologiques ou politiques. Pour beaucoup, la guerre a surtout été l’occasion de s’enrichir et de faire valoir leur intérêt personnel. Ces bandits et ces assassins, souvent peu scrupuleux sur les motivations idéologiques des factions qu’ils servent, ont offert leurs services au plus offrant. Savoir voler, savoir tuer ; cela ne s’improvise pas, et la Milice comme la Résistance avaient besoin de ces compétences à un niveau professionnel. Ces figures de truands ont souvent des trajectoires floues. Ils font varier leurs activités et leurs allégeances, avec pour seul guide leur profit personnel. Comment les bandits d’avant-guerre ont-ils su profiter de l'Occupation pour s’enrichir et occuper d’importantes fonctions dans les milieux collaborationnistes et parfois résistants ? Comment ont-ils su se reconvertir à la Libération pour faire oublier des années d’opportunisme ?
Avec Jean-Marc Berlière, professeur émérite de l’Université de Bourgogne, spécialiste de l’histoire de l’institution et la société policières en France (XIXe et XXe siècles), chercheur au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) et membre du comité de rédaction de la revue Crime, Histoire et Sociétés. Il est notamment auteur de Polices des temps noirs - France 1939-1945 (Perrin, 2018), avec François Le Goarant de Tromelin de Liaisons dangereuses : miliciens, truands, résistants, Paris 1944 (Perrin, 2013) et avec Franck Liaigre de Ainsi finissent les salauds. Séquestrations et exécutions clandestines dans le Paris libéré (Robert Laffont, 2012).
Avec nous aussi Sylvie Altar, historienne, enseignante et membre du LARHRA (Laboratoire de recherches historiques Rhône Alpes). Spécialiste de l’histoire des Juifs de Lyon, elle est notamment l’autrice de Être Juif - À Lyon et ses alentours (1940-1944) (Éditions Tirésias, 2019) et, avec Régis Le Mer, de Le spectre de la terreur. Ces Français auxiliaires de la Gestapo (Éditions Tirésias, 2020).
L'Occupation est une période sans équivalent pour la voyoucratie parce que les circonstances, l'Occupation, l'existence de l'État français ont créé des opportunités dont ont cherché à bénéficier tout un tas de gens qui cherchaient à s'enrichir rapidement et pratiquement sans risques pendant longtemps. Il y avait d'abord la pénurie de tout donc, trafic, marché noir, tout se vend, tout s'achète et ça permet des bénéfices colossaux, on vend aussi aux Allemands et d'abord aux Allemands. Il y a les lois d'exclusion : juifs, franc-maçons, communistes sont quasiment hors-la-loi et vivent donc dangereusement. Cela va permettre tout ce qui est racket, chantage, crime des "faux policiers". Et puis il y a une demande extraordinaire, multiple, diversifiée, c'est celle de l'occupant pour des besognes inavouables, des truands qui vont être capables de mener des interrogatoires, de faire de l'entrisme dans les maquis. Il y a la demande de tous les partis et groupuscules divers, ces milices qui vont semer la terreur. Et puis, la demande de la résistance qui vit dans l'illégalisme. On ne se transforme pas du jour au lendemain quand on est épicier, boutiquier, petit fonctionnaire, en braqueur de banque, de tabac, en tueur éventuellement. Jean-Marc Berlière
Sons diffusés :
- Extrait du film Une volonté nous appelle (1944), l'engagement des français dans la Milice.
- Archive - 24/09/1943 - Journal France Actualités - Distribution de café par la Milice.
- Lecture par Sandy Boizard de la déclaration de Francis André après son arrestation en 1945, fonds d’archives Maurice Picard.
- Archive - 16/10/1944 - RDF RTF – Chronique de Maurice Schumann, résistant, président Mouvement républicain populaire (MRP), "Justice et épuration".
- Extrait du film Papy fait de la résistance (1983) réalisé par Jean-Marie Poiré.
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