Docteur Adrien Proust, père de Marcel, à la recherche du cordon sanitaire : épisode 4/4 du podcast Un destin pour le soin : quatre figures de l’histoire du soin et de la médecine

Adrien Proust, professeur de médecine et père de Marcel Proust, en 1886.
Adrien Proust, professeur de médecine et père de Marcel Proust, en 1886.  ©Getty - Photo Nadar. Apic.
Adrien Proust, professeur de médecine et père de Marcel Proust, en 1886. ©Getty - Photo Nadar. Apic.
Adrien Proust, professeur de médecine et père de Marcel Proust, en 1886. ©Getty - Photo Nadar. Apic.
Publicité

Qui était Adrien Proust, et comment devint-il l’un des médecins les plus influents du XIXe siècle ?

Avec
  • Stéphane Frioux Maître de conférences en histoire contemporaine (Université Lumière-Lyon 2)

Longtemps le gamin s'était couché de bonne heure à Combray, à peine sa bougie éteinte ses yeux se fermaient si vite qu'il n'avait pas le temps de dire "je m'endors". Et vlan! Une demi heure après, la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil le réveillait. C'est ballot. De toute façon, il repoussait toujours le moment d'aller se coucher de peur d'être éloigné de sa mère. Sa seule consolation, quand il montait se coucher, était que sa maman viendrait l'embrasser. Et dans cette attente, il imaginait une église, un quatuor, la rivalité de François 1er et de Charles Quint. Il pensait à Geneviève de Brabant et aux crimes de Golo. Le petit Marcel Proust aurait mieux fait d'attendre que son père vienne l'embrasser dans son lit. Parce qu'Adrien Proust, grand médecin, aurait pu lui raconter ses aventures en Egypte, en Perse, en Russie et dans l'Empire ottoman. Il aurait pu lui raconter aussi comment il a lutté contre la peste, la fièvre jaune et le choléra asiatique. Et il lui aurait sans doute dit : "Allez, va jouer dehors en l'air, c'est bon pour la santé. Ne reste pas confiné dans ta chambre. Ça, c'est du temps perdu." 

Nous recevons ce matin Stéphane Frioux, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université Lumière Lyon 2. Il est notamment l’auteur d_e_ Hygiène et santé en Europe - De la fin du XVIII° siècle aux lendemains de la Première Guerre mondiale, paru en 2011 aux éditions SEDES et de Les batailles de l’hygiène. Villes et environnement de Pasteur aux Trente Glorieuses, publié aux PUF en 2013.

Publicité

Adrien Proust est issu d'une bourgeoisie provinciale, mais il n'est pas d'une bourgeoisie médicale parisienne. Ce n'est pas un héritier, fils de ponte d’un hôpital parisien. Il va quand même devoir aussi payer ses études dans la capitale. Et puis se fait employer à l'hôpital. Il est d'abord à la fois praticien qui exerce en hôpital, et médecin qui fait de la clientèle privée. Son ascension sociale décolle à la fin des années 1860, dans un contexte de nouvelle pandémie de choléra et également d'épidémie de peste. Le choléra avait frappé l'Europe en 1866. Et en 1869, il est envoyé en mission en Russie et en Perse pour essayer de comprendre comment se transmettent les épidémies dans ces régions qui sont des zones intermédiaires entre l'Asie, l'Inde britannique, et l'Europe. Sa mission va être suivie d'une publication, à peu près au moment où Marcel Proust naît, au début des années 1870. Presque tout de suite, ses pairs reconnaissent la grande qualité de son travail et il va commencer à devenir quelqu'un d'important à qui l'on confie de plus en plus de missions. Stéphane Frioux

Les communications de l'époque sont quand même beaucoup plus lentes que de nos jours. On part pour de longues semaines, voire de longs mois, et les médecins font partie de ces voyageurs. Avant même la mission d'Adrien Proust, la France avait créé des postes de médecins sanitaires au « Levant », comme on disait à l'époque, donc dans l'Empire ottoman, comme d'autres pays européens. En fait, il s'agit de surveiller les foyers de peste ou de choléra, dans un Proche-Orient où de nombreux pèlerins se rendent à La Mecque faire leur pèlerinage en provenance d'Inde, ou de Malaisie. Les circulations maritimes qui sont facilitées par l'ouverture du canal de Suez à la fin de ces années 1860, sont une nouvelle menace pour les ports de la Méditerranée, italiens, français et espagnols, dans lesquels les navires peuvent faire relâche avant parfois d'aller jusqu'à l'Angleterre. Tout ce Moyen-Orient, du sud de la Russie jusqu'à la péninsule arabique, va faire l'objet d'une surveillance sanitaire dans un contexte également d'impérialisme déguisé. Parce que, comme on le dit alors, l'Empire ottoman est "l'homme malade de l'Europe". Et justement, ces maladies endémiques là-bas sont perçues comme menaçantes pour la civilisation européenne. Stéphane Frioux

Sons diffusés :

Archives : 

  • Roland Barthes dans l'émission Un homme une ville, sur France Culture, le 27/10/1978
  • Archive télévisuelle "7 mai 1828 Origine des organisations internationales de santé" émission Flash sur le passé, le 07/05/1965
  • Extrait du film Germinal de Claude Berri, 1993, dialogue entre Etienne Lantier (Renaud) et Bonnemort (Jean Carmet) 

Lectures : 

  • Extrait d'Essai sur l'hygiène internationale ; ses applications contre la peste, la fièvre jaune et le choléra asiatique, d'Adrien Proust, 1873
  • Description de la ville fictive de Coketown dans Les temps difficiles de Charles Dickens, 1854

Musique :Le chiffonnier de la Bastille par Germaine Montéro, paroles de Marcel Saint-Martin, 1958 

L'équipe