Épisode 2/4 : Élisabeth Ire vs Marie Stuart, jeu de trônes

Grands face-à-face historiques : Élisabeth d’Angleterre vs Marie Stuart, reine d’Écosse, reine de France par son mariage avec François II. Le 8 février 1587,  à deux heures après minuit, Marie Stuart écrit à "Monsieur mon beau-frère", le roi Henri III, frère du défunt François II : "Ce jourd’hui après dîner m’a été dénoncée ma sentence pour être exécutée comme une criminelle à huit heures du matin." Marie Stuart explique qu’elle est venue se "jeter entre les bras de cette Reine ma cousine, où j'ai eu beaucoup d'ennuis & passé près de vingt ans, je suis enfin par elle & ses états condamnée à la mort." Elle signe : "Votre très affectionnée & bien bonne sœur, Mary Stuart, au Roi très chrétien monsieur mon beau-frère & ancien allié." Bref, une histoire de cousinade qui finit mal…

Portraits de reines en miroir

Il y a d’abord Élisabeth Ire d’Angleterre, l’aînée. Élevée dans la foi protestante, réputée pour sa sagesse et sa prudence, la "reine vierge", première grande reine de l’Europe moderne, est encore présentée comme un modèle de maîtrise politique.

"Les premières années du règne d'Élisabeth sont dominées par la crise de la succession. Une pression gigantesque est exercée sur la reine pour qu'elle trouve un mari", relate l’historienne Marie-Céline Daniel. "Le Parlement s'en mêle, ce qui irrite beaucoup la reine, qui considère que ce n'est pas un sujet de discussion pour les parlementaires. Elle fait un petit peu danser tous les héritiers européens pendant un temps". Finalement, Élisabeth Ire choisit de ne pas se marier afin de garantir l'indépendance du royaume et prévenir toute allégeance à un clan.

Marie Stuart, quant à elle, a été successivement reine d’Écosse et de France ; catholique convaincue, mariée trois fois, elle est tantôt dépeinte comme une représentation de l’incapacité des femmes à gouverner, tantôt comme une victime expiatoire.

Un duel pour le trône d'Angleterre

Évoquées séparément, les deux figures historiques des reines d’Angleterre et d'Écosse suscitent déjà l’admiration : deux femmes de pouvoir en plein XVIe siècle, bien décidées à exercer leur gouvernement. Les placer côte à côte permet non seulement de faire mieux apparaître leurs singularités et leurs choix stratégiques opposés, mais aussi de brosser le portrait d’un siècle traversé par de multiples tensions.

"Les catholiques voient Marie Stuart comme la véritable reine d'Angleterre", explique l’historienne Estelle Paranque. "Beaucoup ne reconnaissent pas la légitimité d’Élisabeth Ire d'Angleterre sur le trône. C'est ça qui crée tellement de tensions et de rivalités entre les deux reines."

Que savent les historiens d’aujourd’hui sur ces deux figures, dont la légende est tissée de mythes ? Quelle est la réalité de leur rivalité ? Pourquoi leur duel continue-t-il de nous intriguer ?

Nos invitées

Marie-Céline Daniel est maîtresse de conférences en civilisation britannique à Sorbonne Université. Son travail de recherche s'intéresse aux liens entre la France et l'Angleterre pendant la période élisabéthaine et le début de la période jacobéenne.

Estelle Paranque est historienne spécialiste du règne d’Élisabeth Ire et de la diplomatie européenne à l’époque moderne. Elle est "lecturer" ("assistant professor") en histoire moderne au New College of the Humanities de Northeasternc et chercheuse au sein du "Centre for the Study of the Renaissance" à l’Université de Warwick. Elle est notamment l'autrice de Blood, Fire and Gold: The story of Elizabeth I and Catherine de Medici (Ebury Press, à paraître en juin 2022).

Sons diffusés dans l'émission

• Archive de l'adaptation radiophonique de Marie Stuart de Friedrich von Schiller sur l'ORTF le 14 novembre 1959
• Chanson Can She Excuse My Wrongs composée par John Dowland
• Extrait du film Marie Stuart de Josie Rourke, sortie en 2018