Enfants de troupe, enfants en guerre : épisode • 2/4 du podcast Quand les enfants font l’histoire

Carte postale française de la Première Guerre mondiale. Artiste inconnu
Carte postale française de la Première Guerre mondiale. Artiste inconnu ©Getty - Universal History Archive / UIG
Carte postale française de la Première Guerre mondiale. Artiste inconnu ©Getty - Universal History Archive / UIG
Carte postale française de la Première Guerre mondiale. Artiste inconnu ©Getty - Universal History Archive / UIG
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L'écho de la Révolution française et du mythe de l'enfant-héros est prégnant au XIXe siècle. Des guerres napoléoniennes à la Première Guerre mondiale, quelle est la place accordée aux enfants dans la sphère militaire et quelles motivations se cachent derrière l'enrôlement des jeunes combattants ?

Avec
  • Manon Pignot Maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Picardie-Jules Verne

Qui sont les enfants de troupe ? "Dans la troupe, y’a pas d'jambe de bois, y’a des nouilles, mais ça n’se voit pas ! La meilleure façon d’marcher, c’est encore la nôtre : c’est de mettre un pied d’vant l’autre et d’recommencer !" Quelle différence entre enfants de troupe et enfants en guerre ? Les enfants font l'histoire avec l’enfant-héros, un mythe construit au XIXe siècle et toujours présent au XXe siècle, et de nos jours encore.

L'enfant-héros, construction d'un mythe

Joseph Bara, Pierre Bayle ou le petit Tambour d’Arcole, ces figures de l’enfant engagé pour la cause républicaine durant la Révolution française établissent les bases d’une mythologie de l’enfant-héros, mort pour la patrie. La République s’empare de ces symboles afin de renouveler l’enthousiasme pour la défense du sol et l’engagement militaire avec pour promesse, une possible ascension sociale, la promotion de valeurs patriotiques et un substitut familial.

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"Pourquoi ce sont dans les armées révolutionnaires que ces enfants-héros sont célébrés ? interroge l'historienne Manon Pignot, parce que la République est jeune et qu’ils sont les figures de la jeunesse et de l'avenir." L’historienne ajoute que la reconstruction mémorielle, largement apocryphe, de ces combattants juvéniles a également la fonction "d'incarner la justesse de la cause et l'innocence. Plus on insiste sur leur jeune âge, plus on souligne l'importance de la cause qu'ils défendent et pour laquelle ils ont donné leur vie."

Concordance des temps
59 min

Qu'est-ce qu'un enfant de troupe ?

Laurence Olivier-Messonnier, docteure en littérature française, explique que l'expression "enfant de troupe" a plusieurs sens. À l'origine, il s'agissait des enfants mêlés aux troupes, puisque les familles suivaient les soldats, mais qui ne participaient pas au combat. Peu à peu, la notion se singularise et désigne les enfants formés par l'armée – phénomène qui remonte à l’Antiquité, comme en atteste Tite-Live dans Ab Urbe condita libri. Il faut cependant attendre plusieurs siècles pour l'institutionnalisation des enfants de troupe, qui survient au XVIIIe siècle. L'appellation est consacrée en ces termes par Napoléon Bonaparte en 1800 et permet à l’enfant d’un père mort au combat d’être pris en charge par l’institution militaire. "Les 'enfants de troupe' sont finalement un lieu d'accueil où la corporation militaire prend soin des enfants de ses membres, qu'ils soient vivants ou morts" conclut Manon Pignot.

Les engagés clandestins de la Grande Guerre

L'imaginaire de l'enfant-héros est galvanisé par la Troisième République. Il émerge un fort patriotisme au sein de la littérature jeunesse comme les romans Jean Tapin et Pif Paf. "Jules Ferry expliquait, dans son discours aux instituteurs, que le petit enfant est le citoyen de demain et que dans tout citoyen, il doit y avoir un soldat, toujours prêt" rapporte Laurence Olivier-Messonnier. Durant la Première Guerre mondiale, les personnages des périodiques pour enfants, comme Bécassine ou les Pieds Nickelés, soulignent la prégnance de la guerre sur tous les pans de la société et encouragent, semble-t-il, à la mobilisation à l'effort de guerre (mais pas à l'enrôlement, qui est illégal pour les mineurs).

Apparaît cependant un phénomène nouveau durant la Grande Guerre, celui du départ volontaire d'adolescents au combat. Mû par la volonté d’émancipation, le désir de guerre, la fierté patriotique, ou encore la précarité, l'enfant sur le champ de bataille devient une réalité. "Ils se camouflent, mentent sur leur nom et leur âge... Il était compliqué de les pister dans les archives" raconte Manon Pignot.

52 min

Intervenantes

Manon Pignot est historienne, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Picardie-Jules Verne. Elle a notamment publié :

Laurence Olivier-Messonnier est agrégée de lettres modernes, docteure en littérature française et comparée, enseignante à l’Université Lyon I. Elle est l'auteure de :

Références sonores

  • Archive sur la Fête du bicentenaire du tambour d’Arcole à Cadenet dans Le Journal PACA Méditerranée - FR3 Marseille, 18 juillet 1977
  • Archive sur Joseph Agricol Viala dans Histoire des enfants - FR3, 18 septembre 1975
  • Archive sur l’école militaire de Tulle présentée dans Limousin actualités - Midi Atlantique, 20 mars 1975
  • Archive de Noël Vacher qui témoigne de son engagement à quinze ans à Verdun dans Forces françaises de demain - France Culture, 31 mai 1966
  • Lecture d'un extrait du roman Pif Paf de Joseph Jacquin, 1913, lu par Olivier Martinaud

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