Guildes et compagnonnage, défendre son métier au Moyen Âge : épisode 2/3 du podcast Aux origines du syndicalisme

Bâtisseurs d’église et de château. Psautier de Canterbury, fin XIIe siècle
Bâtisseurs d’église et de château. Psautier de Canterbury, fin XIIe siècle - gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits.
Bâtisseurs d’église et de château. Psautier de Canterbury, fin XIIe siècle - gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits.
Bâtisseurs d’église et de château. Psautier de Canterbury, fin XIIe siècle - gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits.
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Guildes, confréries ou communautés de métiers, les travailleurs du Moyen Âge s’organisent ! Ces associations de métiers, constituées d’artisans ou de marchands, se rassemblent afin de représenter leurs intérêts communs face au pouvoir royal…

Avec
  • François Rivière Docteur en histoire médiévale, rattaché au Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris et au laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l'économie et de la société
  • Julie Claustre Maîtresse de conférences en histoire du Moyen Âge à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l'histoire de la société parisienne

Le 1er mars 1927, La Voix du peuple, journal syndicaliste, organe de la Confédération générale du travail, consacre un gros dossier à l'histoire syndicale, intitulé : "Des Maîtrises et Jurandes à l’Organisation Syndicale". Voilà ce que la lecture historique du syndicalisme nous apprend : "Les antiques collèges romains, les anciennes ghildes (sic) germaniques, les vieilles corporations du Moyen Âge, les syndicats de l’heure présente, révèlent à travers les siècles cet instinct d’association puissant qui pousse les êtres humains les uns vers les autres et qui provoque le progrès social, le développant sans cesse après l'avoir fait surgir." Existait-t-il une organisation des travailleurs au Moyen Âge ?

S'organiser pour transmettre un savoir-faire

Les associations ou organisations de métiers médiévales sont fréquemment confondues avec leurs héritières du XVIIIe siècle, les corporations. En réalité, elles diffèrent par leur complexité et par les liens qui unissent les acteurs principaux de ces groupements professionnels. Souvent analysées par le passé comme des communautés en quête de rentes ou assoiffées par l’idée de monopole, les associations médiévales de métiers n’obéissent pas aux logiques d’organisations entrepreneuriales autonomes caractéristiques des siècles suivants. "Métier par métier, l'organisation est censée apporter un savoir-faire et garantir une qualité de production. La dignité des travailleurs est indexée sur ce savoir-faire qualitatif", souligne l'historienne Julie Claustre.

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S'associer pour anticiper les aléas

Vers 1300, la ville de Paris comptabilise près de cent-vingt-neuf métiers dont les règlements sont enregistrés auprès de la Prévôté. Jusqu’au XIVe siècle, les professionnels sont les principaux initiateurs de requêtes auprès du roi pour s’assurer de sa protection. Progressivement, à partir du XVIe siècle, cette validation des corps de métiers par lettre patente devient obligatoire. Le corporatisme est désormais encouragé par les pouvoirs locaux et le pouvoir royal.

Les associations de métiers veillent à encadrer tous les moments de la vie professionnelle : de l’apprentissage d’un travail à son exercice dans le respect des règles et normes imposées, sans oublier le décès des maîtres et la prise en charge de leurs veuves. Selon l'historien François Rivière, "il y a beaucoup de négociations, notamment sur les rémunérations. Les travailleurs savent combien ils doivent être payés. Même si peu de tarifs sont fixés, il existe des salaires maximums, notamment en cas d'aléas. Après la peste noire de 1348, des négociations émergent pour ajuster le temps de travail par rapport aux pénuries de main-d'œuvre et au fait que les travailleurs ont tendance à se faire payer plus cher."

Les règlements imposés par l’organisation de ces communautés de métiers conservent le principe de concurrence et établissent des barrières à l’entrée du marché au niveau de la production. Ils favorisent ainsi indirectement la formation de marchés oligopolistiques.

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Si les réglementations propres aux guildes offrent aux artisans et aux marchands des outils juridiques dont ils peuvent se servir contre leurs concurrents, tous leurs membres ne bénéficient pas des mêmes conditions. Les communautés de métiers exercent une influence très locale : un couturier de Paris n’a pas les mêmes droits qu’un couturier lyonnais. Par ailleurs, l’accès à la maîtrise tend à se durcir au XVe siècle, quand les règlements privilégient de plus belle le modèle familial :  les fils de maîtres sont avantagés, ce qui renforce les inégalités entre chacun des membres.

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission…

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Pour en parler

François Rivière est docteur en histoire médiévale, rattaché au Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris (LaMOP) et au laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l'économie et de la société.
Il a codirigé  Dans les règles du métier. Les acteurs des normes professionnelles au Moyen Âge et à l’époque moderne (avec Philippe Bernardi et Corine Maitte, New Digital Frontiers, 2020).

Julie Claustre est maîtresse de conférences en histoire du Moyen Âge à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l'histoire de la société parisienne, coordinatrice du projet e-NDP "Notre-Dame et son cloître".
Elle a notamment publié  Faire ses comptes au Moyen Âge. Les mémoires de besogne de Colin de Lormoye (Les Belles Lettres, 2021).

Références sonores

  • Archive sur la place de Grève, ORTF, 15 mai 1969
  • Adaptation radiophonique de La Farce de Maître Pathelin, RTF, 1949
  • Lecture par Alexandre Manzanares d'un extrait des Mémoires de besogne de Colin de Lormoye d'après Faire ses comptes au Moyen Âge. Les mémoires de besogne de Colin de Lormoye de Julie Claustre (Les Belles Lettres, 2021)
  • Archive sur le commerce de sel en Avignon en 1377, La France dans les archives de l'Europe, France Culture, 25 août 1982
  • Archive d'Albert Monosson, Grand Maître adjoint, à propos des bâtisseurs et de la franc-maçonnerie, TF1, 11 juin 1976
  • Générique de l'émission : Origami de Rone