

Le handicap en temps de guerre a une histoire particulière : mutilés de la Grande Guerre, victimes abandonnées ou cibles de la folie nazie durant la Seconde Guerre mondiale, les personnes en situation de handicap ont payé un très lourd tribut lors des conflits du XXe siècle.
- Clément Collard Doctorant au Centre d’histoire de Sciences Po
- Isabelle von Bueltzingsloewen Historienne, professeure à l’Université Lumière Lyon 2
Handicap et guerres mondiales : de la réparation à “l’extermination douce” ? Quand il est question du handicap et de la guerre, nous pensons aux mutilés et aux « gueules cassées » de la Première Guerre mondiale. Nous pensons aussi aux victimes de la barbarie nazie. Qu’en est-il de la France ? Une inscription sur le Parvis des Droits de l’Homme à Paris indique : « Ici, le 10 décembre 2016, la Nation a rendu hommage aux 300 000 victimes civiles de la Seconde Guerre mondiale en France. 45 000 d'entre elles, fragilisées par la maladie mentale ou le handicap et gravement négligées, sont mortes de dénutrition dans les établissements qui les accueillaient. Leur mémoire nous appelle à construire une société toujours plus respectueuse des droits humains, qui veille fraternellement sur chacun des siens. François Hollande, Président de la République. » Le 10 décembre est la Journée internationale des droits de l’Homme. Que soient mentionnées les personnes fragilisées par la maladie mentale ou le handicap est le résultat d’une longue histoire. Xavier Mauduit
Le sort des handicapés physiques et mentaux dans les deux conflits mondiaux du XXe siècle diffère considérablement d’une guerre à l’autre, d’un handicap à l’autre. La violence des batailles de la Première Guerre mondiale suscite un intérêt et une volonté de prise en charge renouvelée des mutilés des guerres mais aussi des victimes “d’obusite” ou de stress post-traumatique. La situation est bien différente dans les années 1940. En ce qui concerne les “aliénés”, comme on disait alors, près de 50 000 meurent de faim sous le gouvernement de Vichy. Une véritable hécatombe.
La controverse autour de cette famine fait rage à partir des années 1980 : comment cette tragédie a-t-elle pu se produire ? Peut-on vraiment dresser un parallèle entre cette situation et l’opération T4, véritable génocide programmé par le régime nazi en Allemagne ? Dans le contexte de sous-alimentation générale de la population, quelle importance accorder à la perception du handicap mental et psychique pour expliquer ces morts ?
Nous en parlons avec nos invités :
Isabelle Von Bueltzingsloewen, professeure d'histoire contemporaine et de sociologie de la santé à l’Université Lyon 2, dont elle est vice-présidente chargée de la recherche et des écoles doctorales. Elle est spécialiste d'histoire de la santé publique et de la médicalisation du XVIIIe au XXe siècle. Elle a notamment publié : Machines à instruire, machines à guérir. Les hôpitaux universitaires et la médicalisation de la société allemande 1730-1850 (Presses Universitaires de Lyon, 1997) et L’Hécatombe des fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques sous l’Occupation (Aubier, 2007, 2° édition Flammarion, 2009).
Et Clément Collard, doctorant au Centre d’histoire de Sciences Po, il prépare une thèse sur la rééducation et la réintégration professionnelles des mutilés de la Première Guerre mondiale en France.
Il y a eu 45 000 victimes de la faim dans les hôpitaux psychiatriques sous l'occupation sachant qu'à époque, c'était le seul mode de prise en charge de la maladie mentale. Ces 45 000 victimes nous n'avons pas pu les compter une à une, c'est le résultat d'un calcul de surmortalité (...) c'est tout à fait considérable même si entre-temps on sait qu'il y'a aussi 50 000 victimes dans les hospices de vieillards pendant la même période 1940-1945. Que s'est-il passé ? Tous ces aliénés comme on les appelait encore jusqu'en 1952 sont morts de faim, mais aussi de froid ainsi que de pathologies afférentes à la dénutrition, par exemple il y a eu un rebond terrible de la tuberculose dans les hôpitaux psychiatriques. Isabelle Von Bueltzingsloewen
La Première Guerre mondiale marque un moment pionnier qui a une certaine postérité dans la prise en charge de l'invalidité. On le voit notamment dans l'histoire législative : les processus de politiques publiques qui sont mis en place à destination des mutilés de guerre ont vocation (...) à être étendus aux accidentés du travail, aux infirmes civils. Si l'on prend l'exemple de la rééducation professionnelle, en 1918, elle devient un droit pour tous les mutilés de guerre et, dès 1924, les autres types d'invalides ont le droit de rentrer dans les écoles de rééducation professionnelle. En 1930, cette possibilité leur est même offerte gratuitement. Clément Collard
Sons diffusés :
- Archive - 22/11/1946 - Tribune de Paris - La question du nombre d'internés en psychiatrie.
- Archive - 02/01/1947 - Actualités françaises - Procès de Nuremberg, le procès des médecins.
- Archive - 26/10/1945 - Actualités françaises - Centre de rééducation pour les mutilés de guerre.
- Archive - 1956 - Camille Claudel par Henri Asselin, journaliste et critique d'art.
- Extrait du film Les fragments réalisé par Gabriel Le bomin (2006).
- Extrait du documentaire L'Hécatombe des fous réalisé par Élise Rouard (2007).
- Musique - Petite chanson des mutilés, texte de Benjamin Perret, interprétée par Christophe Perche.
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Réalisation
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration
- Réalisation
- Production déléguée