L’esclavage, moteur de la démocratie antique ? : épisode 1/4 du podcast Le travail contre la liberté

Coupe athénienne, 470-460 av. J.C.
Coupe athénienne, 470-460 av. J.C. ©Getty - Ashmolean Museum/Heritage Images
Coupe athénienne, 470-460 av. J.C. ©Getty - Ashmolean Museum/Heritage Images
Coupe athénienne, 470-460 av. J.C. ©Getty - Ashmolean Museum/Heritage Images
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L’esclavagisme est indissociable de l’idée démocratique telle qu’elle existe dans la Grèce antique. Quel était le travail de ces hommes-marchandises essentiels à la société athénienne ?

Avec
  • Paulin Ismard Professeur d'histoire grecque à l'Université d'Aix-Marseille
  • Yann Le Bohec Historien, professeur des universités, spécialiste de l’Antiquité romaine

Parfois, l’origine des mots surgit de manière inattendue dans notre quotidien. C’est souvent le cas le lundi matin, en arrivant au bureau, devant la machine à café ou sur les réseaux sociaux, au détour d’un flot de messages. C’est surtout le cas après un week-end festif et reposant, quand la semaine qui s’annonce éveille le souvenir des cours de latins ou de lecture édifiante. Un collègue se plaint de reprendre le travail. Nous brandissons l’étymologie qui sait nous rassure face au labeur : « Dis-donc, tu savais que "travail" vient de "tripalium" en latin… et que "tripalium" désigne un instrument de torture ! » dès lors, peu importe que cette étymologie soit très contestée et très contestable. Nous voici soulagé : le travail est donc une souffrance. Nous repartons vers le bureau en sifflotant L’Internationale ouvrière, « Foule esclave, debout ! debout ! » Le poing levé, nous pensons à Spartacus, aux esclaves qui se révoltent. Puis nous nous asseyons à notre bureau. Le café de la machine est drôlement bon ce matin.

Nous recevrons en première partie d'émission Paulin Ismard, maître de conférences en histoire grecque à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, membre de l’Institut universitaire de France, il est notamment l’auteur de La Cité et ses esclaves, institution, fictions, expériences aux éditions du Seuil, 2019

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Le travail forcé c’est quelque chose de beaucoup plus large que l’esclavage. L’esclavage est une forme de travail forcé mais il y en a d’autres formes de travail forcé qui ne relèvent pas de l’esclavage. La grande majorité des hommes libres travaille et très souvent ils travaillent aux côtés des esclaves. Ce qui différencie les sociétés esclavagistes antiques des sociétés esclavagistes de l’époque moderne c’est qu’il n’y a aucun type de métier qui serait interdit aux esclaves parce qu’ils sont esclaves. Evidemment, il y a certain secteur d’activité où l’on va trouver presque exclusivement des esclaves, comme dans les mines par exemple, mais ce n’est pas la majorité des espaces de travail. Paulin Ismard

La démocratie ancienne est une démocratie qui fonctionne sans le concept de la représentation. Je pense que cette absence de la notion de représentation est liée à l’expérience esclavagiste. Ce qui est le plus perturbant est de voir que des catégories ou des situations ou des configurations de droit antique liées à des sociétés esclavagistes perdurent ou ont une permanence jusqu’à nous dans un monde qui prétend avoir abolit l’esclavage. Paulin Ismard

Le cinéma et la littérature ont fait de Spartacus l’esclave le plus célèbre de l’Antiquité romaine. Mais quel fut le véritable destin de ce gladiateur devenu chef de guerre, et quelle histoire du travail forcé dans la Rome antique nous raconte-t-il ? Pour nous répondre, nous recevrons en seconde partie d'émission Yann le Bohec, professeur émérite à l’université Paris-Sorbonne et épigraphiste, il est notamment l’auteur de Spartacus, chef de guerre, paru aux éditions Tallandier, 2016

Spartacus est devenu esclave de manière injuste. Il était très probablement éleveur dans les montagnes et les vallées de son pays et ce sont des chasseurs d’esclaves qui l’ont surpris, attaché et enchaîné puis l’ont amené à Rome pour le vendre. Il y avait à Rome un tribunal qui permettait aux esclaves de revendiquer leur liberté et lorsque Spartacus s’est présenté devant son tribunal on lui a refusé le statut d’homme libre. C’est contre cette injustice qu’il a protesté. Yann le Bohec

Sons diffusés : 

Lectures par Mélodie Orru : 

  • Extrait de La Politique, I, V. IV e s. av. J.-C., d'Aristote
  • Extrait de Vie de Crassus, de Plutarque, VIII (1er siècle)

Musique : Ma liberté par Serge Reggiani et Georges Moustaki

Archive : Paul Veyne dans l'émission Les chemins de la connaissance, sur France Culture, le 30 mai 1995

Extrait de film : Spartacus de Stanley Kubrick en 1960

Générique de l'émission : Origami de Rone

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