L’ombre du crime sur la France des Lumières : épisode 1/4 du podcast Sécurité, sûreté, liberté, une histoire

Le contrebandier Louis Mandrin et ses complices attaquent un percepteur d'impôts, France, XVIIIe siècle
Le contrebandier Louis Mandrin et ses complices attaquent un percepteur d'impôts, France, XVIIIe siècle ©Getty - Photo par API/Gamma-Rapho
Le contrebandier Louis Mandrin et ses complices attaquent un percepteur d'impôts, France, XVIIIe siècle ©Getty - Photo par API/Gamma-Rapho
Le contrebandier Louis Mandrin et ses complices attaquent un percepteur d'impôts, France, XVIIIe siècle ©Getty - Photo par API/Gamma-Rapho
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Quelle place pour la sécurité dans la pensée des philosophes des Lumières ? Ainsi, durant la Révolution française, une vague de criminalité force les autorités à adopter de nouveaux outils pour maintenir l’ordre, mais comment concilier sécurité et désir de liberté ?

Avec
  • Valérie Sottocasa maître de conférences en histoire moderne à l’université Toulouse II
  • Vincent Milliot professeur d'histoire moderne à l'Université Paris 8 et chercheur à l'IDHES (Institutions et Dynamiques Historiques de l'Economie et de la Société) UMR CNRS 8533

La sécurité est-elle la première des libertés ? Nous avançons, l’esprit serein, confiant en l’avenir, car nous sommes à l’abri de tout danger : nous sommes en sécurité ! C’est d’ailleurs la signification du mot, qui nous vient du latin : "securitas", formé de "sine", sans, et de "cura". Être sans souci, c’est être en sécurité, mais nous savions combien ce mot est associé à son antonyme, insécurité, et donc à la peur. Dès lors, sommes-nous toujours en sécurité ? Xavier Mauduit

La société d’Ancien Régime est hantée par l’insécurité. La police est mise en place par Colbert durant la seconde moitié du XVIIe siècle pour répondre aux attentes sécuritaires d’une large partie de la population. Cette police d’Ancien Régime favorise des méthodes préventives. Certains milieux et certains individus sont considérés comme naturellement dangereux pour la sûreté de l’ensemble du corps social. Il s’agit de surveiller, voire d’arrêter, les nuisibles avant qu’ils n’agissent. 

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Ce maintien de l’ordre, qui se fait parfois au prix d’une logique arbitraire, est largement remis en cause par les Lumières. Il est désormais attendu de la police qu’elle administre la ville de façon plus éclairée et plus juste. Il s’agit d’articuler l’impératif de sûreté avec le respect des libertés individuelles et avec un certain idéal d’égalité. Les années révolutionnaires mettent à mal cette conception du maintien de l’ordre. Le climat de violence et d’insécurité qui règne en France est inédit. La multiplication des révoltes, des affrontements, des pillages et des incendies, crée une atmosphère de violence qui pousse les autorités révolutionnaires à inventer de nouveaux procédés pour garantir la sécurité. Les communes et les représentants locaux sont rendus responsables de la sécurité de leur circonscription, tandis que des tribunaux révolutionnaires sont mis en place pour répondre aux situations extraordinaires. 

Comment s’articulent l’impératif de sûreté et celui du respect des libertés individuelles dans la France des Lumières ? Quelles sont les spécificités du climat d’insécurité qui caractérise les années révolutionnaires ? Comment la fin du XVIIIe siècle marque-t-elle l’avènement de nouvelles méthodes du maintien de l’ordre ? 

Nous recevons Vincent Milliot, professeur d’histoire moderne à l’Université Paris 8 et chercheur à l’IDHES (Institutions et Dynamiques historiques de l’économie et de la société). Ses travaux portent sur l’histoire des régulations sociales à l’époque moderne (1650-1789), sur l’histoire des pratiques administratives et des polices au Siècle des Lumières. Il est notamment l’auteur de « L’admirable police ». Tenir Paris au Siècle des Lumières (Champ Vallon, 2016). Il a également dirigé l'ouvrage collectif Une Histoire des polices, des guerres de religion à nos jours (Belin, 2020) et a été commissaire scientifique de l’exposition “La police des Lumières, ordre et désordre dans les villes au XVIIIe siècle” qui s’est tenue au Musée des Archives Nationales (du 18 septembre 2020 au 18 janvier 2021).

Et Valérie Sottocasa, maître de conférences en histoire moderne à l’Université Toulouse II. Spécialiste de la Révolution française, elle a écrit et dirigé de nombreux ouvrages parmi lesquels Les brigands. Criminalité et protestation politique 1750-1850 (Presses Universitaires de Rennes, 2013) et Les Brigands et la Révolution: Violences politiques et criminalité dans le midi (1789-1802) (Champ Vallon, 2016).

Aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, les inquiétudes des hommes et des femmes ne sont pas exactement les mêmes que les nôtres. La peur de manquer, la peur de la famine est le premier point sur lequel on a besoin d'être rassuré, c'est pourquoi l'approvisionnement est pris en charge par le pouvoir royal. Tous les pouvoirs de police ont pour mission essentielle d'assurer l'approvisionnement régulier et à bon prix pour la population. C'est en quelque sorte le premier devoir qui est même dans le serment du sacre. Les épidémies et des préoccupations plus sociales comme la crainte du vol, le risque de la délinquance sont d'autres sources d'insécurités. Vincent Milliot

Au XVIIIe siècle d'une manière générale il y a une opposition très forte entre la ville elle-même et ses faubourgs. Les faubourgs sont des endroits où la police de la ville ne s'exerce pas tellement. Il peut y avoir divers désordres, les autorités urbaines ne se sentent pas très concernées par ce qui se passe dans les faubourgs.  Valérie Sottocasa

Sons diffusés :

  • Lecture par Daniel Kenigsberg de la définition de la sureté et de la sécurité de l'Encyclopédie. 
  • Extrait du film Cartouche réalisé par Philippe de Broca (1962).
  • Lecture par Daniel Kenigsberg d'un extrait du livre XVII de L'Esprit des lois de Montesquieu (1777).
  • Archive - 31/12/1998 - JT de 20H de France 2 - Extrait du discours de vœux de Jacques Chirac. 
  • Musique - La complainte de Mandrin interprété par Kiki de Montparnasse