L’université buissonnière, l’expérience de Vincennes : épisode 4/4 du podcast Ces figures qui ont façonné l’université

Pier Paolo Pasolini donne une conférence aux étudiants du Centre universitaire expérimental de Vincennes le 26 janvier 1970.
Pier Paolo Pasolini donne une conférence aux étudiants du Centre universitaire expérimental de Vincennes le 26 janvier 1970. ©Getty
Pier Paolo Pasolini donne une conférence aux étudiants du Centre universitaire expérimental de Vincennes le 26 janvier 1970. ©Getty
Pier Paolo Pasolini donne une conférence aux étudiants du Centre universitaire expérimental de Vincennes le 26 janvier 1970. ©Getty
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Construit en 1968, le Centre universitaire expérimental de Vincennes est rasé en 1980. Sa pédagogie révolutionnaire, l'abolition des rapports hiérarchiques et une ouverture à tous, en font le laboratoire de l'idéal militant et innovant de Mai 68.

Avec
  • Michel Deguy Philosophe, poète et essayiste français.
  • Charles Soulié
  • Virginie Linhart écrivaine et réalisatrice de documentaires historiques et politiques et de portraits

Qu’est-ce que le Centre universitaire expérimental de Vincennes ? Il a été construit en 1968 et rasée en 1980. Certains disaient qu’il était un ramassis de gauchistes et de clochards. Madame la secrétaire d’État aux universités dans les mouvements Chirac puis Barre, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, Alice Saunier-Seïté,  considérait qu’à Vincennes étaient délivrés des diplômes à n’importe qui, même à un cheval ! Pierre Merlin, urbaniste, démographe statisticien, a présidé cette université. En 1980, au moment où elle est détruite, il publie  L'université assassinée. Vincennes : 1968-1980. A-t-elle été réellement assassinée ? Si oui, par qui et pourquoi ? Xavier Mauduit

Quelques mois après Mai 68, le Centre universitaire de Vincennes est construit. Les universitaires les plus reconnus, d’Hélène Cixous à Gilles Deleuze en passant par Michel Foucault, s’y bousculent pour faire l’expérience d’un nouveau type d’enseignement. Finis les cours magistraux, les examens de philo,  les amphis bondés. Tout le monde se dit “tu” et tout le monde est admis : bacheliers, non-bacheliers, travailleurs, immigrés. L’Université  de Vincennes devient le théâtre de luttes entre partis de gauche. Tous rêvent d’un monde meilleur et voient dans cette nouvelle structure une place d’expression et un élément de rupture dans la reproduction traditionnelle des élites. 

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Pourtant en 1980, c’est déjà fini. La fac de Paris VIII-Vincennes déménage à Saint-Denis. Aujourd’hui, peu d’étudiants ont connaissance du passé engagé de cette institution. Au bois de Vincennes, il ne reste aucune trace de cette université.

Le Cours de l’histoire dresse le bilan de cette expérience pédagogique aussi brève que pionnière. Comment cette université a-t-elle été créée ? Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Qu’en reste-t-il aujourd’hui dans notre modèle d’enseignement supérieur ?

Avec Charles Soulié, maître de conférences en sociologie et responsable du département de sociologie et d'anthropologie de l'Université Paris VIII. Il a dirigé l'ouvrage Un mythe à détruire ? Origines et destin du Centre universitaire expérimental de Vincennes (Presses universitaires de Vincennes, 2012). Il est notamment l'auteur de “Les universitaires français, Mai 68 et l’utopie du Centre universitaire expérimental de Vincennes” (Annales de la Société franco-japonaise des Sciences de l’éducation, n°46, mars 2018).

Avec nous aussi, Virginie Linhart, documentariste et écrivaine. Elle a réalisé le documentaire Vincennes, l'université perdue (Arte France, Agat Films & Cie, 2016) disponible en DVD

Et Michel Deguy, poète, écrivain, et philosophe, professeur émérite de lettres à l'Université de Paris VIII-Vincennes où il a enseigné de 1968 à 1999. Il a présidé le Collège international de philosophie et la Maison des écrivains. Il est le rédacteur en chef de la belle revue Po&sie (Belin/Humensis) qu’il a créée en 1977.

"Il fallait réformer l'université, c'était impératif et il fallait le faire en urgence !"

Il fallait préparer la rentrée de septembre 1968 qui inquiétait beaucoup les politiques et de Gaulle a eu l'intelligence de nommer Edgar Faure comme ministre de l'éducation. Il a d'une part fait la loi d'orientation dans le cadre duquel les universités françaises sont encore aujourd'hui Et d'autre part il a eu l'audace de créer des centres universitaires expérimentaux. Il en a créé trois. Aujourd'hui on parle de celui de Vincennes qui a fait plus de bruit dans l'histoire (...) Vincennes a été un lieu dans lequel s'est rassemblé une bonne part des intellectuels de l'avant-garde de l'époque, avec Deleuze, Foucault... Et aussi une bonne part de l'avant-garde politique de l'époque. Donc le chaudron Vincennois c'est quelque chose ! C'est un mélange tout à fait étonnant et détonnant ! Charles Soulié

"Le rêve est réalité"

Vincennes c'est vraiment le lieu de tous les possibles qui résulte de mai 68, de la révolte des jeunes étudiants rejoints par les ouvriers. C'est la première fois qu'on ouvre l'université aux non-diplômés, aux non-bacheliers - à l'époque le bacho appartient à la bourgeoisie - c'est ce qui m'a le plus enchantée dans Vincennes. Quand j'étais enfant, mon père Robert Linhart y était enseignant en philosophie et m'y emmenait. Ma redécouverte de Vincennes c'est cette ouverture à tous. Vincennes c'est la possibilité de rêver et d'obtenir une vie différente. Virginie Linhart

Sons diffusés :

  • Archive - 14/12/1968 - ORTF - J_ournal de 20H_ - La naissance du Centre universitaire expérimental de Vincennes.
  • Archive - Extrait de La chinoise de Jean-Luc Godard (1967). 
  • Archive - Extraits du film documentaire de Virginie Linhart, Vincennes, l'université perdue (2016).
  • Archive - 28/08/1980 - Actualités Île-de-France - La démolition de l'université de Vincennes. 

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