Alors que l'Angleterre est en plein essor industriel au XIXe siècle, une conscience environnementale voit le jour pour préserver les paysages et lutter contre la pollution.
- Charles-François Mathis Historien, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre de l'Institut d'histoire moderne et contemporaine
Que l'industrialisation est belle, gage de croissance, de progrès et… de pollution. Mais la voit-on vraiment ? Au XIXe siècle, c'est la forêt contre l'usine. C'est l’histoire d'un regard qui change, celui porté sur le monde du travail, sur la ville, sur les paysages, sur la nature face à la pollution. Quels furent les premiers combats pour protéger les espaces naturels ? Xavier Mauduit
L’Angleterre connaît au cours du XIXe siècle une expansion sans précédent : le développement de l’industrie et de l’urbanisation lui permettent de devenir la première puissance mondiale. Mais l’économie florissante du pays ne s’établit pourtant pas sans conséquences : la création de chemins de fer, la construction d’usines, l’exploitation du charbon et de l’acier transforment alors profondément les paysages.
Le charbon est la principale source d'énergie utilisée par les Britanniques. Il assure 95 % des besoins énergétiques du pays en 1900. C'est quasiment un monopole. Les cheminées consument mal le charbon et provoquent beaucoup de fumée. Cet usage immodéré et constant du charbon crée un rapport au monde, une façon de penser le temps, une construction particulière des intérieurs, une organisation de l'espace et des villes. Le charbon provoque à la fois une fascination, car il incarne la puissance, mais aussi un rejet, à cause des cieux encrassés, de la pollution constante, des problèmes respiratoires et des morts que l'on constate. Charles-François Mathis
Face aux pollutions et à la menace des espaces naturels qui découlent de ce nouveau contexte socio-économique émerge une nouvelle conscience environnementale. Poètes, artistes, écrivains s’emparent de cette thématique qui devient alors le terrain d’enjeux esthétiques, spirituels et patriotiques. Les pouvoirs publics anglais assurent également la protection de l’environnement à travers la création d’associations et une législation spécifique. Les combats environnementaux au XIXe siècle ne sont donc plus seulement, comme on pouvait le penser, l’affaire de marginaux utopistes. Dans quelle mesure l’Angleterre du XIXe siècle devient précurseur des luttes environnementales contemporaines ? L'historien Charles-François Mathis nous en parle.
La défense du lac de Thirlmere est un grand moment de l'histoire des luttes environnementales. La ville de Manchester voulait le transformer en réservoir pour subvenir aux besoins d'eau de sa population en croissance continue. Ce combat mené entre 1876 et 1879 a une dimension très symbolique. D'un côté, Manchester, berceau de l'industrialisation, veut s'emparer d'un paysage naturel et, de l'autre, la région des lacs, construite par les écrits de William Wordsworth et le guide qu'il a publié dès les années 1820, était considéré comme l'écrin de la vieille Angleterre. On voit se mettre en place un discours qui met en avant une conception sentimentale, qui vise à protéger ces paysages pour différentes raisons patriotiques, esthétiques et récréatives. Charles-François Mathis
Il y avait deux manières de lutter contre l'inquiétude liée à l'urbanisation et à ses effets jugés délétères sur les populations les plus pauvres. La première était de protéger les espaces autour de la ville, comme le faisaient la Commons Preservation Society en 1865 et d'autres mouvements plus locaux. La seconde était de multiplier les espaces verts ou de protéger ceux qui existaient au sein des villes.
À partir des années 1830-1840, on construit des jardins au sein des villes, notamment ouvrières du nord de l'Angleterre, dans une volonté explicite d'offrir des espaces verts à la population dont on craignait une forme de dégénérescence et qui nécessitait d'être en contact avec une nature domestiquée. Charles-François Mathis
Avec Charles-François Mathis, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste d’histoire environnementale et britannique. Il est l'auteur notamment de l'ouvrage In Nature We Trust. Les paysages anglais à l’ère industrielle (Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 2010) et La Civilisation du charbon. En Angleterre, du règne de Victoria à la Seconde Guerre mondiale (Vendémiaire, 2021). Il publie Une histoire des luttes pour l'environnement : 18e-20e, trois siècles de débats et de combats avec Anne-Claude Ambroise-Rendu, Steve Hagimont, et Alexis Vrignon (Textuel, 2021).
Références sonores
- Archive du peintre Keith Gore à propos de John Constable dans l'émission Le pont des arts - France Culture, 1976
- Archive sur le peintre Turner dans Comment regarder la peinture - RTF, 1961
- Extrait du film Qu'elle était verte ma vallée de John Ford, 1941
- Lecture du poème The world is too much for us de William Wordsworth, composé en 1806, publié en 1807, dans une traduction de François-René Daillie (Gallimard, 2001), lu par Pierre-Marie Baudoin
- Archive de l'émission Les jardins d'autrefois - Antenne 2, 1977
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