

En 1526, la Hongrie s'incline face à l'Empire ottoman lors de la bataille de Mohács. Les villes de Buda et Pest, sur les deux rives du Danube, se trouvent à la croisée de deux mondes, l'Orient et l'Occident.
- Marc Aymes Historien, directeur de recherche au CNRS, directeur d'études de l'EHESS et directeur d'études au Centre d’études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques (CETOBaC)
- Marie-Françoise Saudraix-Vajda Docteure en histoire et maîtresse de conférences en histoire moderne à Sorbonne Université
En 1895 paraît un ouvrage intitulé Les Bains publics à Budapest. Il est signé de Henri Pucey, un architecte, délégué au congrès de Budapest par le ministère de l'instruction publique et des beaux-arts. L’ouvrage est riche de plans, de gravures, de photos : "Il n'y a pas de ville en Europe qui puisse offrir à ses habitants un nombre aussi considérable d'établissements de Bains publics que la ville de Budapest". L’auteur rappelle que les Romains connaissaient déjà les sources thermales de Bude qui "atteignirent l'apogée de leur splendeur sous la domination des Turcs". Ces bains sont toujours utilisés, mais il précise que "l'usage en est nécessairement d'autant plus répandu qu'on s'élève davantage dans l'échelle sociale. Néanmoins la classe inférieure ne le néglige pas, et si elle ne le pratique pas autant que les classes supérieures, c'est que le travail ne lui laisse pas toujours les loisirs suffisants pour s'y donner d'une façon plus complète". Au moment de réfléchir à la présence ottomane en Hongrie, sommes-nous en présence d’un bain de soleil ou d’un bain à remous ?
La conquête ottomane
La période ottomane représente deux siècles d’histoire hongroise. La confrontation entre la Hongrie et les Ottomans existe bien avant la bataille de Mohács, en août 1526, mais c'est cet événement qui marque un tournant décisif. "Les Hongrois continuent à se servir du terme [de rempart de la chrétienté] pour réclamer l'aide de l'Europe et plus directement leurs souverains Habsbourg pour les aider à retenir les Turcs" remarque l'historienne Marie-Françoise Saudreix-Vajda. Le soutien européen se fait cependant attendre. La défaite hongroise en 1526 est cuisante, des milliers de soldats mais aussi une bonne partie de l’élite religieuse et politique ainsi que le jeune roi Louis II Jagellon trouvent la mort ce jour-là. La Hongrie est partagée en trois parties : la Hongrie ottomane, sous autorité directe du sultan, représente la majeure partie du territoire ; le royaume de Hongrie, à l’ouest, est placé sous l’autorité des Habsbourg ; enfin, l'État de Transylvanie, à l’est, devient une principauté chrétienne brillante, tenue par un prince vassal de l’Empire ottoman.
L'installation ottomane
Jusqu'en 1699, qui marque la paix de Karlowitz et le rétablissement des frontières, l'histoire hongroise reste intimement liée à cette conquête et à la présence ottomane. Selon l'historien Marc Aymes, les Ottomans mettent en place de nouvelles élites et "un système qui conjugue les besoins militaires d'une réactivité en cas de mobilisation et les besoins de l'exploitation économique". Il ajoute toutefois que les Ottomans ont rarement fait table rase des normes juridiques ou fiscales existantes, grâce à une installation sur le mode de l'accommodation : "on est même allé jusqu'à parler d'un condominium au sens où il y avait des impôts perçus pour partie par les Ottomans et pour d'autres par des potentats locaux, dont le pouvoir avait été prorogé par les Ottomans moyennant un serment de vassalité". Jusqu’à aujourd’hui, cette période ottomane a laissé des traces profondes dans le récit national hongrois. Le cas hongrois éclaire les logiques impériales de conquête et de gouvernement de l’Empire ottoman. Quelles traces la période ottomane a-t-elle laissé dans le discours identitaire et nationaliste hongrois ?
Intervenant·e·s
Marc Aymes est historien, directeur de recherche au CNRS, directeur d'études de l'EHESS et directeur d'études au Centre d’études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques ( CETOBaC). Il étudie le monde méditerranéen ottoman des XVIIIe-XXe siècles.
Marie-Françoise Saudraix-Vajda est agrégée, docteure en histoire et maîtresse de conférences en histoire moderne à Sorbonne Université. Elle est membre de l’UMR Eur’Orbem (Cultures et sociétés d’Europe orientale, balkanique et médiane). Elle travaille sur l’histoire de la monarchie autrichienne, de la noblesse et de l’État en Europe centrale. Sa thèse soutenue en 2006, "Le royaume des républiques ? Noblesse et administration en Hongrie sous Marie-Thérèse", en cotutelle Paris-Sorbonne/Université Eötvös Loránd (Budapest), doit prochainement faire l’objet d’une publication aux Éditions Champ Vallon.
Elle a collaboré au numéro de la revue Histoire, économie et société intitulé " La Hongrie ottomane, XVIe, XVIIe" paru en 2015.
Références sonores
- Archive sur Budapest dans Les grandes villes du monde - FR3, 14 octobre 1979
- Archive sur Mohács dans Danube, fleuve d’Europe - FR3 Grand Est, 27 mai 2006
- Archive du feuilleton La route de la soie - ORTF, 6 mars 1971
- Lecture des Turcs en Hongrie de Mor Jokai, écrivain hongrois, 1852, par Marc Henri Boisse
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