La République et ses tribuns, Hugo, Gambetta, Jaurès, et les autres : épisode 4/4 du podcast Grand oral, une histoire de l’éloquence

Jean Jaurès à la tribune de la Chambre des députés, Jean Véber, 1903. Paris, Musée Carnavalet.
Jean Jaurès à la tribune de la Chambre des députés, Jean Véber, 1903. Paris, Musée Carnavalet.  ©Getty
Jean Jaurès à la tribune de la Chambre des députés, Jean Véber, 1903. Paris, Musée Carnavalet. ©Getty
Jean Jaurès à la tribune de la Chambre des députés, Jean Véber, 1903. Paris, Musée Carnavalet. ©Getty
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Tribuns, orateurs, foudres d’éloquence… Du haut de la tribune, quelques figures politiques marquent l’histoire de leur verve et témoignent de la vitalité de la vie démocratique : une puissance oratoire au service de la vie publique.

Avec
  • Jean Garrigues historien, président du comité d'histoire parlementaire, membre de la commission "Les lumières à l'ère numérique"

Pour convaincre une foule, une assemblée, un ami, il est nécessaire de maîtriser l’art du discours. Nos anciens ont beaucoup à nous apprendre. En 1679, René Bary, conseiller du roi et historiographe, fait paraître sa "Méthode pour bien prononcer un discours et pour le bien animer". Il explique que qu’organiser un discours consiste à régler le geste et l’accent. Le livre est donc divisé en deux parties, l’accent, puis le geste. Il en donne la liste : l’accent du prédicateur, de l’amour, de la jalousie, de la fuite, de la crainte, de l’envie, ou encore de l’indignation ; le geste de l’étonnement, du triomphe, de l’abattement et du pousse à bout… Pour l’auteur, il est impératif de régler l’un avec l’autre : l’accent de l’amour et le geste de la tendresse garantissent le succès. Malheur à l’orateur qui adopte l’accent de l’audace et le geste de la plainte, l’accent de l’indignation et le geste de la confusion ! Xavier Mauduit

Une assemblée, une tribune, un orateur. Une voix de stentor, un lyrisme savamment dosé, des applaudissements en cascade. Victor Hugo, Léon Gambetta, Jean Jaurès. La IIIe République est un régime républicain profondément parlementaire, que l’on ne peut évoquer sans évoquer aussi les grands discours prononcés dans l’hémicycle. Tous les sujets étaient alors prétexte à débat : de la perte de l’Alsace-Lorraine au cléricalisme, en passant par les causes de la guerre, les grandes politiques de l’époque étaient défendues à l’Assemblée par les voix de ces députés.  

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Mais où sont les tribuns d’antan ? Pourquoi la parole et le débat tenaient-ils une place si centrale dans le régime politique de la Première, puis de la IIIe République ? Pourquoi, après avoir connu un âge d’or, l’acte oratoire a-t-il reculé à l’Assemblée peu avant la Première Guerre mondiale ? Nous en parlons avec notre invité...

Avec Jean Garrigues, professeur à l’Université d’Orléans et à Sciences Po. Il est président du Comité d’histoire parlementaire et politique (depuis 2002) et directeur de Parlement(s). Revue d’histoire politique. Il a notamment dirigé la collection des "Grands Discours parlementaires" chez Armand Colin. 

Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont   Le monde selon Clemenceau : formules assassines, traits d'humour et prophéties (Tallandier, 2014, réédition 2020), Les Grands discours parlementaires de Mirabeau à nos jours (Armand Colin, parus en plusieurs tomes entre 2004 et 2006, puis réunis en 2017), La République incarnée. De Léon Gambetta à Emmanuel Macron (Perrin, 2019), Les Perdants magnifiques. De 1958 à nos jours (Tallandier, 2020).

Les hommes de la IIIe, de la IVe, et même de la Ve République, je pense à Robert Badinter par exemple, ont pour beaucoup d’entre eux, une formation de juriste, mais aussi d'avocat. On a parlé de la République des avocats et ça, c'est essentiel parce que ces avocats ont appris à s'exprimer devant un public en lieu clos, ils ont fréquenté des “conférences d'éloquence”, la Conférence molé-Tocqueville ou la Conférence Olivaint. Il fut une époque où la plupart des grands parlementaires de la IIIe République étaient tous passés par ces conférences d'éloquence qui leur donnaient une technique éloquence, une technique rhétorique, une expertise dans ce domaine qu'aujourd'hui, on ne pourrait pas retrouver. Jean Garrigues

Ce qui a fait la célébrité, la popularité, l'idolâtrie autour d'un homme comme Gambetta les dix premières années de la république, c'est précisément la manière dont il a réussi à incarner ces idées, ces valeurs de la République. Il le devait à toutes ses tournées qu'il a multipliées dans toute la France à partir de 1871. Il a écumé les plus petits villages pour porter cette parole républicaine. Il lui arrivait de parler sans interruption durant trois, quatre ou cinq heures, il sortait de ces discours complètement épuisé, il avait perdu trois ou 4 kg, il était malade. On était vraiment dans l'incarnation, c'est-à-dire à quelqu'un qui par son corps, dans sa chair, est celui qui personnifie les valeurs d'un nouveau système politique en train de se faire. Jean Garrigues

Sons diffusés :

  • Archive – 12/03/1947 - RDF/RTF - La tribune de Paris - Extrait de l’émission Discours des hommes d'Etat et élaboration de l'histoire - Pierre-Olivier Lapie et Raymond Aron parle de De Gaulle.
  • Archive – 06/05/1970 - Radioscopie - Edgard Faure, député, parle de l’évolution de l’art oratoire en politique.  
  • Archive - Pierre Fresnay lit un portrait de Mirabeau écrit par chateaubriand. Chapitre 12 des Mémoires d’Outre-Tombe.  
  • Lecture par Marc-Henri Boisse du discours parlementaire de Léon Gambetta, séance du 04/05/1877. Ce discours répond à une offensive menée à l’échelle européenne par le pape Pie IX, qui invite tous les clergés européens à faire pression sur leurs gouvernements en faveur de la papauté. 
  • Lecture par Marc-Henri Boisse du discours parlementaire de Jean Jaurès, séance du 07/03/1895. L’orateur socialiste développe son analyse des causes de la guerre (le capitalisme), à l’occasion de la discussion sur le budget militaire, dans un contexte de tensions croissantes avec l’Allemagne. 
  • Archive – 01/05/1959 - RDF/RTF - Extrait de l’émission Le citoyen Jean Jaurès - La servante de la mère de Jean Jaurès parle de l'éloquence de ce dernier au collège. 
  • Extrait du film Le Président (1961) réalisé par Henri Verneuil.  
  • Musique – Les chaussettes noires – Tu parles trop.  

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