

Au XVIIIe siècle, les processions occupent une place centrale dans les rues des communes françaises. Elles rythment le temps, fournissent une occasion de célébrer l’identité locale et de souder la communauté. Mais avec la Révolution, la visibilité du fait religieux dans l’espace public fait débat…
- Gaël Rideau Professeur d’histoire moderne à l’Université d'Orléans, spécialiste d'histoire religieuse et politique de la France du XVIIIe siècle
- Maxime Hermant Historien, chercheur associé à l’Université Paris Nanterre
Quel étonnant spectacle que celui des processions ! Défilés de prêtres vêtus d'incroyables costumes, fidèles emplis de solennité, reliques promenées dans toute la ville, encens parfumés et diffusés… les processions sont de véritables moments d’exception.
Les processions religieuses au rythme de la vie quotidienne
Tout au long du XVIIIe siècle, les processions transfigurent les rues des villes et des campagnes. Elles interviennent à des dates fixes, qui suivent les célébrations du calendrier liturgique, mais aussi de manière plus spontanée, notamment dans des moments de crises économiques, climatiques, ou sociales. Les processions sont plurielles, nous rappelle l’historien Gaël Rideau : "Les processions marquent et envahissent l'espace urbain. Elles sont significatives au XVIIIe siècle et peuvent entraîner des débats entre les politiques municipales notamment sur le parcours choisi. On processionne pour remercier Dieu, pour faire venir la pluie, etc. Si la procession ne crée pas un espace particulier, elle impose de transformer la rue : il faut la nettoyer, la pacifier, la décorer."
Refléter la société d'Ancien Régime
Les sols sont jonchés de fleurs, les maisons arborent d’immenses bannières, les chants résonnent : la procession se construit comme un spectacle total. Au-delà de sa fonction religieuse, la procession a une dimension hautement politique. Elle est un espace maîtrisé et hiérarchisé qui reflète la société d’ordres de l’Ancien Régime. Par ailleurs, elle permet à l’Église catholique d’affirmer son hégémonie en occupant pleinement l’espace public.
Processionner, l'occasion de manifester…
Ces grands rassemblements sont aussi une source de troubles potentiels – de l’ivresse à l’insurrection, de la bousculade à l’indécence – et font l’objet d’une vigilance toute particulière des services de police. Politique et spiritualité se télescopent à travers ces moments particuliers de la vie publique, et ce rapport ténu devient ouvertement conflictuel au moment de la Révolution et d’une sécularisation grandissante de l’espace public. Pour l'historien Maxime Hermant, la période révolutionnaire provoque des changements dans la manière de processionner : "Au début de la Révolution française, les processions se passent relativement bien mais vers 1792, de nouvelles interrogations voient le jour. Faut-il limiter la participation des autorités civiles ? La Garde nationale est-elle tenue d’y assister ? Peu à peu les processions changent et ne passent plus par les mêmes endroits. Sans disparaître, elles évoluent et s’inscrivent désormais dans le nouveau cadre révolutionnaire."
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Le Pourquoi du comment : histoire
Toutes les chroniques de Gérard Noiriel sont à écouter ici .
Pour en parler
Gaël Rideau est historien et professeur d’histoire moderne à l’Université d'Orléans.
Il a notamment publié :
- Une société en marche. Les processions en France au XVIIIe siècle (Champ Vallon, 2021)
- La Visibilité du religieux dans l’espace urbain de l’Europe moderne (co-dirigé avec Élise Boillet, Presses universitaires de Rennes, 2021)
- Identités religieuses dans le contexte politique, culturel et littéraire des villes de l’Europe moderne (co-dirigé avec Alberto Roncaccia, Cesati, 2020)
- Textes et pratiques religieuses dans l’espace urbain de l’Europe moderne (co-dirigé avec Élise Boillet, Honoré Champion, 2020)
- Honneur, bourgeoisie et commerce au XVIIIe siècle. Le Mémorial à mes enfants du marchand-drapier orléanais, Pierre-Etienne Brasseux (Presses universitaires de Bordeaux, 2019)
Maxime Hermant est docteur en histoire moderne et membre rattaché du Centre d’histoire des sociétés Médiévales et Modernes (Mémo) à l’Université Paris Nanterre.
Il est l'auteur d'une thèse intitulée
La religion dans la ville : histoire religieuse de Provins pendant la Révolution et l’Empire (1789-1815) (sous la direction de Monique Cottret, 2016).
Références sonores
- Archive du Journal des Actualités Françaises sur la pittoresque marche de la Madeleine, 24 juillet 1946
- Archive de l'émission La caméra explore le temps sur l'affaire Calas, 12 janvier 1963
- Archive de l'émission Actualités régionales Île-de-France sur la fête médiévale à Provins, 16 juin 1984
- Extrait de La Provence sur la procession à la Vierge dorée à Marseille, 2010
- Chanson Je marche seul de Jean-Jacques Goldman, 1985
- Archive du Journal des Actualités Françaises sur la Semaine Sainte à Séville, 5 avril 1951
- Extrait du film Un roi sans divertissement réalisé par François Leterrier sur un scénario de Jean Giono, 1963
- Générique de l'émission : Origami de Rone
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