La vieillesse, entre expérience vécue et représentations : épisode 1/4 du podcast Vieillir, mais comment ? Une histoire sociale de la vieillesse

Emmanuelle Riva dans le film "Amour" de Michael Haneke 2012
Emmanuelle Riva dans le film "Amour" de Michael Haneke 2012 - Copyright Les Films du Losange
Emmanuelle Riva dans le film "Amour" de Michael Haneke 2012 - Copyright Les Films du Losange
Emmanuelle Riva dans le film "Amour" de Michael Haneke 2012 - Copyright Les Films du Losange
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Quelles représentations de la vieillesse cohabitent au XXème siècle, et que disent-elles de l’évolution de nos sociétés ? Du vieillard miséreux au retraité doré, en passant par la figure du centenaire et l’invention du « troisième âge », nous explorons la palette des imaginaires de la vieillesse.

Avec
  • Dominique Dirlewanger Maître d’histoire au Gymnase Provence et chef de file (Lausanne). Président de la Conférence cantonale des chefs de file d’histoire (PCCCF)
  • Sophie Richelle docteure en histoire de l'Université du Luxembourg

Quel effronté a osé déclarer : « La vieillesse est un naufrage » ? C’est un manque de respect pour les anciens, pour le troisième âge, pour les seniors, pour ceux qui pendant longtemps furent simplement appelés « les vieux ». Cet effronté est le général de Gaulle qui l’a écrit dans ses Mémoires de guerre, mais à destination d’un vieux très particulier, le maréchal Pétain : « La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s’identifier avec le naufrage de la France ».

En 1940, le général de Gaulle, 50 ans, était un gamin face au maréchal Pétain, 84 ans. De Gaulle s’est inspiré d’un autre effronté : Chateaubriand qui, au 19e siècle, avait précisé cette affirmation : « La vieillesse est un naufrage, les vieux sont des épaves ». 

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Faut-il être d’accord avec Chateaubriand ? Quel plaisir, lors des mariages ou des fêtes de famille, de m’asseoir à côté d’un vieux, d’un vieille, pour l’interroger et l’écouter raconter. Cependant, il faut donner raison à Chateaubriand : les vieux sont des épaves car la découverte d’une épave provoque toujours l’excitation puisqu’elle contient de fabuleux trésors !

Nous recevons aujourd'hui Dominique Dirlewanger, historien suisse, chercheur associé à l'Institut des humanités en médecine du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Il est l'auteur de Les couleurs de la vieillesse. Histoire culturelle des représentations de la vieillesse en Suisse et en France (1940-1990), éditions Alphil, Presses universitaires Suisses, 2018.

A partir de l’entre deux guerres, on découvre que l’on  peut vieillir en bonne santé, et c’est une rupture majeure [...]. A partir des progrès de l’hygiène et de l’alimentation, au lendemain des deux guerres mondiales, on va voir un avenir commun, une vieillesse, un âge promis à tous et toutes. On envisage alors la vieillesse comme une nouvelle étape, un nouvel âge de la vie. Ce nouvel âge se colore de plein de nuances. A la fois, on a des représentations très positives - beaucoup de salariés remettent à la retraite, un certain nombre de projets personnels - et puis c’est un âge qui fait peur, car c’est l’âge du déclin physique, de la sénilité, des handicaps et de la dépendance. Il y a donc une oscillation entre ces deux couleurs, entre une “vieillesse verte” et une “vieillesse grise” sombre. Dominique Dirlewanger

La vieillesse pendant de nombreuses décennies est aussi un facteur de pauvreté. C’est  pendant très longtemps, un facteur d’entrée dans la pauvreté. La préoccupation légale a donc trait à cette population affaiblie, que l’on doit prendre en charge, y compris jusqu’au logement et à la pension [...]. Un certain nombre d’injonctions sociales vont alors être mobilisées. La vieillesse pauvre va permettre d’avoir un discours en faveur de l’épargne individuelle, un discours en faveur de la prévoyance. ll faut alors préparer sa retraite, être attentif à ne pas tomber dans l’indigence. Dominique Dirlewanger

Dans la seconde partie de l'émission nous recevons Sophie Richelle, docteure en histoire de l'Université du Luxembourg et auteure de Hospices. Une histoire sensible de la vieillesse, Bruxelles 1830-1914, PUR, 2019.
Longtemps peu évoquées alors qu’elles constituent une majorité des anciens, les vieilles femmes seront mises à l’honneur. De l’odeur du poële à bois à celle du corps vieillissant, du son des cloches aux bruits ouatés de la perte d’audition, de la frugalité ou de la gourmandise quotidiennes au désir tabou, Sophie Richelle a tenté de brosser l’univers sensible de l’une d’entre elles au XIXème siècle.

Au XIXème siècle, dans les différentes institutions, l’âge de la rentrée possible s’effectue entre 50, 60 et 70 ans [...] Le fait, qu’à  l’hospice de Pachéco on reçoive des personnes tombées dans l’indigence, mais de noble ou de bonne famille, joue sur cet âge assez bas d’entrée. On se rend compte à ce moment là que c’est une solution qui peut être préférable à la vie en dehors de l’institution, car c’est l’assurance, d’un toît et de combustible. [...] Cela vient remettre en question cette image repoussoir de l’hospice, qui serait le dernier lieu d’accueil de la population la plus miséreuse. Sophie Richelle

Sons diffusés : 

Archives : 

  • Jeanne Lieberman dans l'émission Radioscopie par Jacques Chancel, France Inter, le 31/10/1975
  • Georges Manco dans l'émission Paris vous parle, RTF, le 08/04/1952
  • Mme Tambourovitch, dans l'émission Vivre au présent, ORTF, le 31/10/1972

Musiques : 

  • Mille visages par La Grande Sophie 
  • Frosti par Bjork 
  • Les souvenirs du peuple par Jean-Louis Murat

Lectures par Nathalie Kanoui : Extraits de Hospices : une histoire sensible de la vieillesse. Bruxelles 1830-1941 de Sophie Richelle publié chez PUR (presses universitaires de rennes)

Générique de l'émission : Origami de Rone

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