

Les talibans ont détruit de nombreux trésors de l’histoire préislamique, traces de la diversité culturelle de l'Afghanistan. Alors qu'ils reprennent le pouvoir du pays, le spectre de ce désastre patrimonial s'agite. La préservation de l'histoire afghane millénaire est en jeu.
- Nicolas Engel (Conservateur) Conservateur en charge des collections Afghanistan et Pakistan du musée Guimet
- Philippe Marquis Directeur de la Délégation Archéologique Française en Afghanistan (DAFA).
Le patrimoine afghan, aussi riche que menacé… Nous avons besoin de coller des qualificatifs aux mots que nous utilisons, pour indiquer la nationalité par exemple : le patrimoine afghan est celui qui se trouve sur le territoire aujourd’hui couvert par l’Afghanistan. Bien sûr, ce n’était pas le cas au cours des siècles passés. Les bâtisseurs des murailles de Balkh au XVe siècle n’avaient pas conscience d’être afghans, tout comme les sculpteurs des bouddhas de Bâmiyân, les constructeurs de la mosquée d’Hérat ou du minaret de Djam. Un adjectif que nous pouvons associer au mot patrimoine est sans conteste universel car ces richesses sont le bien commun de l’humanité. Xavier Mauduit
L’année 2001 avait vu tomber les Bouddhas géants de Bâmiyân, ces statues monumentales creusées à même la roche trônant à quelques centaines de kilomètres de Kaboul depuis des millénaires. Les talibans ne s’étaient pas arrêtés à ces destructions, et avaient également détruit ou sérieusement endommagé de nombreuses statues du musée de Kaboul. Alors que les talibans reprennent aujourd’hui le contrôle de l’Afghanistan, faut-il s’inquiéter, comme le fait l’UNESCO, du sort du patrimoine culturel et archéologique afghan ?
Le mouvement taliban est un mouvement extrêmement hétérogène. Ce nom couvre des réalités très différentes. La preuve en est que dans la période 1995 à 2001, l'attitude vis à vis du patrimoine a été souvent contradictoire. On a des déclarations explicitant une volonté de défendre ce patrimoine national. À côté de ça, on a des œuvres d'iconoclasie qui sont épouvantables. Philippe Marquis
Si la situation actuelle est différente de celle des années 1990 et 2000, cette question invite à considérer les liens étroits unissant la France à l’Afghanistan du point de vue du patrimoine. Créée dès 1922 à la demande du gouvernement afghan, la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA) a en effet une longue et riche histoire. Comment cette coopération a-t-elle profondément façonné l’histoire du patrimoine afghan ? Et que peut encore la France pour la mise en valeur des objets et des sites culturels du pays ?
Un certain nombre de monuments historiques d'Afghanistan sont relativement bien inventoriés, mais il y a aussi toute une partie de ce patrimoine qui est peu ou pas connu. C'est le travail de la DAFA (Délégation archéologique française en Afghanistan) depuis un siècle, c'est pour cela qu'elle a été créée : identifier ce patrimoine afghan, le protéger et le faire connaître. Pour moi, l'urgence absolue actuellement est de continuer ce travail de protection du patrimoine et de sensibilisation auprès de tous. Philippe Marquis
On sait maintenant qu’il y avait une création sculpturale locale, par exemple sous la dynastie des Kouchans. Des choses se faisaient in situ en Afghanistan, qui n’était pas seulement un carrefour où tout se brassait et venait de l'extérieur. Sur place, il y avait des civilisations créatrices d'art et de patrimoine, avec toujours des idées de mémoire, de culte, de pouvoir. Nicolas Engel
Avec Philippe Marquis est directeur de la Délégation archéologique française en Afghanistan. Conservateur en chef du Patrimoine, il a travaillé pendant plus de vingt-cinq ans à la Ville de Paris en tant qu’archéologue. Parallèlement à ses activités métropolitaines, il a participé à de nombreux projets à l’étranger (Émirats Arabes Unis, Sultanat d’Oman, Bahreïn, Pakistan, Liban). Il a soutenu une thèse à l’EHESS, sous la direction d’Étienne de La Vaissière : Étude historique, archéologique et patrimoniale des Murailles de Balkh (Afghanistan).
Et Nicolas Engel est conservateur en chef du patrimoine, conseiller pour les musées DRAC Île-de-France et ancien secrétaire scientifique de la Délégation archéologique française en Afghanistan. Il est commissaire de l’exposition Afghanistan de 2022 au Musée Guimet à Paris.
Références sonores
- Archive des Pieds sur terre de Sonia Kronlund, Ce que voient les bouddhas, épisode 1 : La Destruction - France Culture, 7 mars 2017
- Extrait de La Vieille Route de l’Inde de Bactres à Taxila, Mémoires de la Délégation archéologique française en Afghanistan, 1942, d'Alfred Foucher (1865-1952), archéologue, fondateur de la Délégation archéologique française en Afghanistan, lu par Marion Malenfant
- Archive de l'inauguration au Musée Guimet de la salle Joseph Hackin dans un reportage de Clara Andiani - RDF, 21 juin 1947
- Archive de Daniel Schlumberger dans l'émission L’Afghanistan et son archéologie - RDF, 1er janvier 1949
- Archive du documentaire Le patrimoine islamique d’Afghanistan d'Arnaud Desjardins - RTF, 26 février 1961
- Archive de Joseph Kessel dans l'émission Voyage en Afghanistan - ORTF, 23 novembre 1967
Pour aller plus loin
- Le site de la Délégation archéologique française en Afghanistan
- La page de l'exposition Des images et des hommes, Bâmiyân 20 ans après tenue en février 2021 au Musée Guimet à Paris
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration
- Réalisation
- Production déléguée
- Collaboration