Les animaux sont-ils des gens comme les autres ? : épisode 4/4 du podcast Les animaux et nous, histoire d'une relation

Ferdinand van Kessel - Singes festoyant dans une cuisine - XVIIe siècle
Ferdinand van Kessel - Singes festoyant dans une cuisine - XVIIe siècle
Ferdinand van Kessel - Singes festoyant dans une cuisine - XVIIe siècle
Ferdinand van Kessel - Singes festoyant dans une cuisine - XVIIe siècle
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La relation entre les hommes et les animaux est une histoire aux frontières mal définies. Au XVIIIe siècle, savants, philosophes et révolutionnaires repensent ce rapport, entre exploitation violente et domestication affectueuse.

Avec
  • Eric Baratay professeur d’histoire contemporaine, université Lyon 3
  • Pierre Serna Professeur d'histoire de la Révolution française à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre de l'Institut d'histoire de la Révolution française. Auteur de « L'extrême centre ou Le poison français : 1789-2019 » (Champ Vallon, 2019).

Le  23 novembre 1646, le philosophe René Descartes se trouve à Egmond, aux Pays-Bas, quand il écrit au marquis de Newcastle. Ils échangent sur le langage, seul apte à exprimer la pensée. Descartes écrit que « les hommes ont un empire absolu sur tous les autres animaux ». Il constate surtout que les animaux n’ont pas de langage : « Il ne s'est toutefois jamais trouvé aucune bête si parfaite, qu'elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d'autres animaux quelque chose qui n'eût point de rapport à ses passions ». L’animal ne parle pas, donc il ne pense pas : l’animal est une machine ! Il est semblable à un robot avec de la chair et du sang, avec de la douleur parfois, mais qui n’est que l’expression d’une mécanique qui se grippe.  

C’était au XVIIe siècle, c’était Descartes, et depuis les choses ont bien changé : l’animal n’est pas qu’une simple machine. Quoique... Lisons Le Larousse agricole, dans l’article « agriculteur », en 1921 : « L’agriculteur a pour but d’obtenir, suivant les circonstances et les milieux, des machines animales aussi aptes que possible à bien remplir les fonctions auxquelles on les destine ».  

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C’était au début du XXe siècle, c’était le Larousse agricole, c’était il n’y a pas si longtemps. Aujourd’hui, comment l’animal est considéré, entre exploitation violente et domestication affectueuse ? 

Eric Baratay,  historien, spécialiste de l'histoire des relations hommes-animaux, principalement aux époques moderne et contemporaine. Professeur d’histoire contemporaine à l’université Lyon 3, il est notamment l’auteur du Point de vue animal, une autre version de l'histoire, paru au Seuil en 2012, et plus récemment de Biographies animales. Des vies retrouvées, paru aux éditions du Seuil en 2017.

Pierre Serna, professeur d’histoire de la révolution française  à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directeur de l'Institut d'Histoire de la Révolution Française (IHRF). Il est notamment l’auteur de L’Animal en République - 1789-1802, genèse du droit des bêtes, paru aux éditions Anacharsis en 2016, et plus récemment de Comme des bêtes - Histoire politique de l’animal en révolution (1750-1840), paru chez Fayard en 2017. Son dernier ouvrage, Que demande le peuple ? Histoire des cahiers de doléances, est paru aux éditions Textuel en 2019.

La vraie question au XVIIIe siècle, subversive, dérangeante, c’est « les Hommes sont-ils des animaux comme les autres ?   »  avant de parler des animaux comme des gens, la question que se pose Linné, Buffon, les autres naturalistes c’est de savoir où placer l’Homme dans le règne animal et c’est là une vraie révolution épistémologique voire philosophique puisque cela veut donc dire que l’Homme est le premier des animaux mais il n’est plus simplement de nature divine. Pierre Serna

Deux phénomènes fondamentaux transforment la relation de l’Homme à l’animal. D’abord, le Traité des sensations (d’Étienne Bonnot de Condillac, 1754), la philosophie de la sensation ; l’Homme est un être de sensation, la sensation n’est pas simplement animale, elle est intelligente parce qu’elle provoque la mémoire, et la mémoire provoque le langage […] Le Traité des sensations suivi du Traité des animaux (du même auteur) va complètement transformer le rapport qu’on peut avoir, pour ceux qui ont un accès à la culture, à l’animal. Et cette sensation amène à la sensibilité. Pierre Serna

Cette idée de la différence entre l’Homme et l’animal, c’est une idée occidentale. Nous vivons dans une civilisation occidentale qui a une vision pyramidale du monde des vivants. Cela a été théorisé par les philosophes grecs de l’antiquité et sans doute était-ce une pensée bien plus ancienne mais il y a l’idée que le monde des animaux, c’est une pyramide avec l’Homme au sommet et, plus on descend, plus vous avez des animaux rudimentaires. Cette vision hiérarchisée, pyramidale, inégalitaire, elle est née dans la Grèce antique qui était une société assez inégalitaire […] Dans cet étage supérieur de l’Homme, il y a toujours eu la tendance d’installer des sous étages : proche du singe, il y aurait le noir, un peu au-dessus l’indien, et puis l’asiatique puis l’européen tout en haut. Cette vision pyramidale nous questionne beaucoup alors qu’elle n’est pas présente dans d’autres civilisations où la distinction entre l’Homme et l’animal n’est pas une question. Eric Baratay

Sons diffusés : 

  • Archive - 30/03/1957  - ORTF -  lecture par Béatrice Betty de L’homme et la couleuvre, Les fables de la fontaine de Jean de la Fontaine. 
  • Lecture par  Daniel Koenigsberg d’un extrait des Contemplations (1856) de Victor Hugo
  • Musique : Georges Brassens interprète Le petit cheval blanc, poème de Paul Fort. 

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