"Les jours heureux", le programme du Conseil National de la Résistance : épisode 3/4 du podcast Résistance, mais où sont passés les "jours heureux" ?

Le général Charles de Gaulle s'entretient le 26 août 1944 avec Georges Bidault, président du CNR, à Paris le lendemain de sa libération.
Le général Charles de Gaulle s'entretient le 26 août 1944 avec Georges Bidault, président du CNR, à Paris le lendemain de sa libération.  ©AFP - INP / INTERNATIONAL NEWS PHOTOS
Le général Charles de Gaulle s'entretient le 26 août 1944 avec Georges Bidault, président du CNR, à Paris le lendemain de sa libération. ©AFP - INP / INTERNATIONAL NEWS PHOTOS
Le général Charles de Gaulle s'entretient le 26 août 1944 avec Georges Bidault, président du CNR, à Paris le lendemain de sa libération. ©AFP - INP / INTERNATIONAL NEWS PHOTOS
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Comment le programme du CNR, symbolisant la démarche transpartisane de la résistance, a-t-il façonné les réformes économiques et sociales mises en place après la Libération ?

Avec
  • Claire Andrieu professeur des universités à l’institut d’études politiques de Paris et membre du Centre d’histoire de Sciences Po., spécialiste de l’histoire politique de la France contemporaine.

Les Jours heureux, le titre est superbe ! Il est donné au programme du Conseil nationale de la résistance, cet organisme qui combat et qui prévoit : qui combat l’occupation nazie et la collaboration ; qui prévoie un avenir pour la France. D’ailleurs, nous sommes les héritiers de ces combats quand, le 27 mai 1943, Jean Moulin réunit pour la première fois le Conseil National de la Résistance, le CNR. Nous sommes  également les héritiers de ces débats qui aboutissent, le 15 mars 1944, avec un programme adopté par le Conseil National de la Résistance. Afin de faire connaître ce programme, une brochure est éditée en mai 1944, pour la zone-sud avec un titre choisi par Jules Meurillon, alors chef de la propagande-diffusion de Libération : Les Jours heureux. Derrière ce titre sublime se cache une vision du monde, qui a 80 ans maintenant et qui, étonnement, nous parle encore de notre monde !

Nous recevons ce matin Claire Andrieu, professeure des universités en histoire contemporaine à Sciences Po et membre du Centre d’histoire de Sciences Po. Elle a co-dirigé avec Philippe Braud et Guillaume Piketty le Dictionnaire De Gaulle paru aux éditions Robert Laffont en 2006 et a dirigé le numéro spécial intitulé « Le programme du Conseil national de la Résistance en perspective » publié dans la revue Histoire@Politique en 2014.

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La transmission mémorielle au sein de ma famille s'est faite à partir de 1978, lorsque des négationnistes se sont exprimés publiquement en France. Il y a eu cet article de décembre 1978 publié dans le journal Le Monde, qui s'intitulait "La bonne nouvelle". Cette bonne nouvelle c'était que les chambres à gaz n'avaient pas existé. Alors, la position de ma mère a changé parce qu'elle s'est sentie l'obligation de prouver que les chambres à gaz avaient bien existé, y compris dans le camp de concentration qu'elle avait connu à Ravensbrück. Claire Andrieu

Il y a plusieurs obstacles à surmonter pour parler de ce passé. Le premier obstacle, c'est faire comprendre ce qu'est une vie clandestine. Ce qui est aujourd'hui difficile puisque la France n'a pas été occupée ou sous dictature depuis maintenant plus de 70 ans. La deuxième difficulté, c'est de faire réellement comprendre ce qu'est la vie dans un camp de concentration nazi. Il y a une part de vécu qui est très difficile à transmettre et beaucoup de contre sens peuvent être faits à propos de ce passé extraordinaire. La troisième difficulté, c'est qu'il s'agit d'un passé qu'il est difficile de mettre à distance et que, d'une certaine façon, l'évoquer c'est le revivre. Et revivre ce cauchemar, le mot cauchemar est un euphémisme, est quelque chose qui, naturellement, n'est pas souhaité par ceux qui en étaient victimes. Claire Andrieu

Ce qui est intéressant dans cette histoire du "programme commun", c'est qu' il a fini par être adopté à l'unanimité. Alors que ce n'était pas gagné. Car pour que cette union se fasse entre des tendances politiques et des milieux sociaux si différents, il a fallu un facteur extérieur qui était l'occupation du territoire national d'une part. Et d'autre part, l'usurpation de la représentation nationale par un gouvernement dictatorial et raciste siégeant à Vichy. Ce double couvercle mis sur la nation française telle qu'elle se considérait, comme héritière de la Révolution, a redynamisé la constitution d'un peuple français. Ce nationalisme, au sens littéral, cette volonté de recréer la nation qui était donc bâillonnée, a certainement cimentées entre elles ces forces qui, en temps ordinaire, en temps de paix et de liberté, ne sont que rivales et adversaires. Claire Andrieu

Sons diffusés : 

Lecture par Olivier Martinaud : Extrait du Programme du Conseil national de la Résistance, 15 mars 1944 

Archives : 

  • Discours de De Gaulle, datant du 12 septembre 1944, devant le Palais de Chaillot, INA 
  • Allocution d’Eugène Claudius-Petit (Union Démocratique et socialiste de la Résistance, membre du CNR), campagne électorale pour le référendum d’octobre 1945, enregistré le 6 octobre 1945

Musique : Happy Days Are Here Again, par Ben Selvin and the Crooners, 1930

Générique de l'émission : Origami de Rone

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