

Dans quelle mesure l’idéologie nazie peut-elle être définie comme un ensemble d’emprunts à différentes civilisations ? C’est ce que nous verrons aujourd’hui ; en interrogeant le rôle de l’archéologie et de l’histoire comme instruments de propagande.
- Laurent Olivier Historien et conservateur du département d'archéologie celtique et gauloise au musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.
- Johann Chapoutot Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne - Paris IV
Imaginons que nous montions au grenier pour explorer les vieux cartons où sont rangées nos archives familiales : qu’aimerions trouver ? Des vieux journaux, souvenirs d’événement remarquables : Combat du 8 mai 1945, quand l’Allemagne nazie capitule... Un autre journal de septembre 1939 qui annonce que la guerre est déclarée. En fouillant encore, nous allons peut-être trouver la correspondance d’un poilu, puis un diplôme de la Légion d’honneur signé par Napoléon, un testament olographe de Louis XIV, une charte médiévale, des papyrus antiques et des tablettes cunéiformes. Pourtant, bien souvent, nous trouvons seulement de vieilles factures, quelques cahiers d’écolier et la notice d’utilisation d’un robot de cuisine. Hitler lui aussi a exploré les archives et il a demandé à ses archéologues de fouiller, mais ce qu’ils ont trouvé dans le sous-sol allemand n’a pas convenu aux nazis. Alors ils sont partis à travers le monde pour piller les civilisations afin de se construire la leur !
Nous recevons en première partie d'émission Johann Chapoutot, professeur à Sorbonne Université, auteur de Le National-socialisme et l'Antiquité, PUF, 2008.
L’annexion de l’Antiquité est un prodrome à l’annexion territoriale parce que quand ils attaquent la Grèce et les Balkans en 1941, très clairement les nazis disent « on rentre chez nous ». C’est ce que dit la presse allemande : c’est une troisième vague de migration germanique qui reprend possession légitimement de la création germanique. De ce point de vu là, la croix gammée sur l’acropole est un symbole très fort. Johann Chapoutot
Le nazisme veut imposer une vision culturelle totale, tout indexer sur la nation de race, sur la biologie. La biologie explique tout. C’est une espèce de darwinisme vulgaire mal digéré, nourri de scientisme lui aussi mal digéré. Toutes les sciences sont mobilisées pour prouver l’excellence de la race germanique. Donc l’archéologie et l’histoire vont montrer que nos ancêtres les germains ont conquis le monde, ont inventé la philosophie, les mathématiques, le théâtre antique etc. La biologie et l’hématologie vont montrer l’excellence de leur sang et leur chair. Toutes les sciences sont mobilisées au sein d’une sorte de « CNRS de la SS » créé à partir de 1935 qui en français se nomme « l’héritage allemand de nos ancêtres » qui se veut le fer de lance de la nouvelle science allemande. Johann Chapoutot
En seconde partie d'émission nous recevons Laurent Olivier, conservateur du département d'archéologie celtique et gauloise au musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, auteur de Nos ancêtres les Germains : les archéologues français et allemands au service du nazisme (préf. Jérôme Prieur), Paris, Tallandier, 2012 et de l’ouvrage collectif L'archéologie nationale-socialiste dans les pays occupés à l'Ouest du Reich : actes de la Table ronde internationale Blut und Boden, Infolio, 2007.
Les archéologues représentaient alors l’un des corps professionnel les plus nazifié de l’Allemagne. A cela il y a plusieurs explications qui sont aussi variables que les gens eux-mêmes. Mais il y a d’un seul coup une extraordinaire opportunité de carrière, il y a un développement des moyens, les budgets de l’archéologie sont multipliés par dix, on crée des services d’archéologie dans toutes les régions, il y a du travail à l’université, le moyen d’aller étudier des sites jusqu’alors inaccessibles. Il y a une sorte d’immense appel d’air, ce qui fait que ça va créer une génération de jeunes gens, quelque chose de durable. Ce qui fait qu’il y a une posthistoire du nazisme. L’archéologie nationale-socialiste ne s’arrête pas en 1945, il y a un héritage qui suit. Laurent Olivier
Sons diffusés :
Archives :
- Extrait du reportage sur l'exposition "l'archéologie au temps des nazis" à Strasbourg, France 3 Alsace, 2001
- Pierre de Coubertin sur les Jeux Olympiques de 1936, archive issue de l'émission L'œil du tigre, France Inter, 2015
- Extrait de la bande annonce Indiana Jones et la derniere croisade de Steven Spielberg, 1989
- Philippe Henriot chez le sculpteur Arno Breker, en 1943, Ina
Musique : I'm a very rude person de Thom Yorke
Générique de l'émission : Origami de Rone
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